Kharroubi Habib - Le Quotidien d’Oran
Le Fatah, et dans son sillage l’OLP, ayant durci le ton face au refus israélien de proroger le moratoire gelant la colonisation juive en Cisjordanie, George Mitchell, l’envoyé spécial américain pour le Proche-Orient, a entrepris une démarche assez exceptionnelle pour un diplomate états-unien de ce rang. Celle de rencontrer le secrétaire général de la Ligue arabe.
Il n’est pas besoin d’avoir été présent à la discussion qu’ont eue au Caire Mitchell et Amr Moussa pour savoir ce que l’émissaire américain est venu lui demander. L’Amérique attend de l’organisation arabe qu’elle plaide auprès de Mahmoud Abbas et de la direction palestinienne la poursuite des négociations directes avec Israël en dépit du refus opposé par Benyamin Netanyahu à la prorogation du gel de la colonisation.
En sacrifiant à une démarche qui n’est pas coutumière à la diplomatie américaine, George Mitchell révèle que la médiation des Etats-Unis s’est heurtée, côté palestinien, a une résistance inattendue et qu’il n’a pu surmonter par les seules pressions qu’il a exercées sur le président Mahmoud Abbas et son équipe de négociateurs. Il compte pour y parvenir faire donner la Ligue arabe, dont Mahmoud Abbas doit rencontrer les ministres des Affaires étrangères le 8 octobre à Syrte (Libye), en marge d’un sommet extraordinaire arabe.
Sauf que si les Palestiniens persévèrent dans leur position de suspendre les négociations avec Israël tant que se poursuivra la colonisation en Cisjordanie occupée, la Ligue arabe se déconsidérerait universellement en faisant pression sur eux pour qu’ils changent d’attitude.
Car c’est en effet cette même Ligue arabe qui a donné son approbation à la reprise des pourparlers directs palestino-israéliens à la condition de la cessation de la colonisation par Israël en Cisjordanie. Cette condition n’ayant pas été remplie par la partie israélienne, toute pression arabe sur les Palestiniens en vue de les pousser à rester à la table des négociations équivaudrait à l’aval par le monde arabe du fait accompli de l’Etat hébreu.
Benjamin Netanyahu n’est pas sans savoir que des Etats arabes de la région, accaparés par d’autres enjeux régionaux pour lesquels ils ont intérêt lié avec son pays, feront le forcing à l’occasion de la réunion de Syrte pour obtenir l’accord de Mahmoud Abbas à la poursuite des négociations avec Israël. Il est conforté sur cette voie en leur fournissant l’argumentaire qu’ils devront développer devant les représentants palestiniens, à savoir « que durant dix-sept ans, les Palestiniens ont négocié avec Israël, alors que la construction se poursuivait dans les colonies ».
Ce à quoi, si Mahmoud Abbas est réellement déterminé à s’en tenir à son exigence, n’aura à répliquer qu’en mettant en avant le tragique bilan de ces dix-sept années de négociations pour le peuple palestinien et de faire valoir que la poursuite de la colonisation est en train de vider de son sens cette négociation en réduisant à l’inacceptable pour les Palestiniens les territoires où est censé être établi leur éventuel Etat national.
Les Arabes peuvent-ils donner leur onction à pareil « marché des dupes » ? Il ne faut pas l’exclure, tant ils sont coutumiers dans le reniement s’agissant du conflit israélo-palestinien.
5 octobre 2010 - Le Quotidien d’Oran - Analyse