Ameer Makhoul - Prison de Gilboa
Une lettre de Ameer Makhoul, rédigée le 7 août et communiquée depuis la prison israélienne de Gilboa.
Défenseur des droits de l’homme, Directeur du réseau Ittijah (Organisation non gouvernementale arabe), Chef de file du mouvement palestinien du BDS [Boycott, Désinvestissement et Sanctions] et citoyen palestinien d’Israël, Ameer Makhoul a été arrêté lors d’une incursion qui a ciblé sa maison, à Haïfa, à l’aube du 6 mai dernier.
Au cours des onze jours qui ont suivi son arrestation, Makhoul fut détenu en isolement, torturé et s’est vu refuser l’accès à un avocat. Les groupes de défense des droits humains ont vivement condamné sa persécution politique ainsi que les actions pénales lancées à son encontre.
Ameer Makhoul - Photo : Adri Nieuwhof
« Mon chemin semble encore sans issue. Du point de vue structurel et politique, le système adopté revêt plutôt un caractère orienté vers le Shabak (1) que vers la justice. En effet, toutes sortes d’agissements portent atteinte à ma dignité et à mes droits humains et constitutionnels fondamentaux. Je n’ai toujours pas obtenu l’autorisation de rencontrer mes avocats sans que cela ne soit enregistré. La décision des trois juges est de justifier celle du ministre israélien de la justice stipulant l’interdiction d’une libre entrevue avec mes avocats en prison. Pour ce faire, les juges insistent pour qu’on soit séparé par une paroi en verre et pour qu’on communique avec un téléphone afin de garantir l’enregistrement de l’intégralité de la conversation.
Au premier abord, le processus ainsi que les procédures semblent équitables, mais principalement, mes droits fondamentaux et basiques à une procédure impartiale sont systématiquement, structurellement et politiquement violés. Le rôle du ministre de la justice est de me criminaliser et non pas de chercher à connaître la vérité.
Dans la prison de Gilboa, il y a environ 600 prisonniers de la liberté (palestiniens et arabes), répartis sur des sections et/ou branches. Le dispatching des prisonniers ne se fait pas au hasard, il répond à des critères géopolitiques. Ainsi, on y trouve des prisonniers de la Cisjordanie et ceux de 1948 (y compris de Jérusalem-Est occupée et le Plateau du Golan) regroupés ensemble, tandis que dans les prisons de Naqab [Néguev], les détenus de la Cisjordanie sont séparés de leurs égaux gazaouis. Ces derniers sont également répartis selon leur affiliation au Fatah ou au Hamas.
La délimitation à l’intérieur de la prison ne diverge pas de l’extérieur. En effet, les frontières tracées sur les territoires occupés du fait de la construction du mur de l’apartheid sont reproduites dans la politique de distribution démographique de la prison. Il s’agit tout simplement d’une sorte de morcellement imposé dans le but de compromettre la lutte contre l’un des plus grands crimes coloniaux, et à affaiblir la structure d’une lutte commune en misant sur la destruction et l’anéantissement des volets continuité et interaction.
Dans cette prison, je me suis fixé des objectifs dont le plus important est de ne ménager aucun effort pour redonner espoir, résolution et ténacité aux prisonniers de la liberté. Je dois rester en contact avec Ittijah, avec la communauté ainsi qu’avec tous les mouvements, les groupes et les personnes solidaires.
Mais avant tout, je dois, autant que possible, intensifier mes échanges et mes correspondances avec mes filles Hind et Houda qui ont atteint la maturité dans leur combat pour la liberté, la justice et la dignité. Il m’incombe aussi de raviver le bonheur volé et arraché un certain 6 mai, à 2h30 du matin. Enfin et surtout, mon épouse Janan qui, en dépit des tâches domestiques considérables qui lui reviennent, conduit toute la campagne avec beaucoup d’héroïsme et de bravoure.
C’est pourquoi j’insiste sur le fait que vos lettres sont plus qu’indispensables. Sachez que le goût de la solidarité au cœur de la prison est totalement différent de ce qu’on ressent dehors : le parfum dégagé respire une solidarité monumentale, un soutien et une assignation de responsabilités. »
Note :
1- Le GSS (General Security Service : Service de Sécurité Général), est l’agence de contre-espionnage israélienne. Contrairement au Mossad, qui ne relève que du Premier ministre, le Shabak doit présenter un bilan périodique à une sous-commission secrète du Parlement.
30 août 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...Traduction de l’anglais : Niha