Karim Lebhour
Les négociations de paix entre Israël et l’Autorité palestinienne reprennent mardi 14 septembre. Leur objectif à terme reste la création d’un État palestinien. Mais certains plaident désormais pour un État unique réunissant les deux peuples
L’été dernier, Yasser Al Masri a reçu une invitation à se rendre au siège de la présidence de l’Autorité palestinienne à Ramallah, où Mahmoud Abbas l’a présenté à l’émissaire américain George Mitchell. « Je voudrais que vous fassiez la connaissance de Yasser Al Masri, de la campagne “Takamul” (Totalité) qui demande l’instauration d’un seul État sur tout le territoire de la Palestine historique », glisse alors le président palestinien à l’envoyé de Barack Obama.
Pour le chef de l’Autorité palestinienne, il s’agissait d’envoyer à Washington un avertissement : si le processus de paix échoue une nouvelle fois, les Palestiniens chercheront d’autres options. Yasser Al Masri, lui, est convaincu que la solution à deux États n’est déjà plus qu’une chimère irréalisable.
Un Etat, deux peuples
« La création d’un État palestinien est devenue impossible. Un simple trajet entre Ramallah et Naplouse suffit à se rendre compte de l’ampleur des colonies israéliennes. Israël n’a aucune intention de renoncer à la Cisjordanie », explique-t-il. La solution, Yasser Al Masri l’a fait inscrire sur de grands panneaux publicitaires dans les villes de Cisjordanie : « Un État. Deux peuples. »
Les enquêtes commandées par la campagne révèlent qu’un Palestinien sur trois soutient l’idée d’un État binational entre Juifs et Arabes. Pour les partisans de cet État unique, il s’agit de rompre avec le dogme intangible de la diplomatie internationale, selon lequel le territoire doit être divisé entre Israéliens et Palestiniens.
« L’instauration d’un seul État permet de résoudre automatiquement trois des plus grandes questions du conflit : le tracé des frontières, le droit au retour des réfugiés palestiniens et le statut de Jérusalem. Il ne restera qu’à trouver une forme de gouvernement acceptable par les deux communautés, sans diviser la terre. Ce n’est en rien insoluble », martèle Yasser Al Masri.
Cet homme de 36 ans n’a rien d’un doux rêveur de l’ultra-gauche. Il a été emprisonné quatre ans en Israël pour son appartenance au Fatah et ses activités militantes pour la création d’un État palestinien. « Nous sommes nombreux au Fatah à avoir perdu la foi dans les négociations et la solution à deux États. Quinze ans de négociations n’ont apporté que plus de restrictions et plus de colonies. »
Un Etat d’apartheid
De fait, sur le terrain, Israël contrôle l’ensemble des territoires palestiniens. La souveraineté, limitée, de l’Autorité palestinienne se borne aux zones A et B des accords d’Oslo qui ne couvrent que 40 % de la Cisjordanie « Nous vivons déjà dans un seul État. Seulement, c’est un État d’apartheid. Nous voulons transformer cette entité raciste en un État où chacun pourra jouir des mêmes droits », renchérit Omar Barghouti, analyste politique et partisan de l’État unique.
En Israël, la perspective d’un État binational avec les Palestiniens fait figure d’épouvantail. L’ancien premier ministre Ehoud Olmert et la chef du parti centriste Kadima, Tzipi Livni, mettent en garde contre un contrôle prolongé d’une population palestinienne qui sera un jour démographiquement majoritaire.
Pourtant, l’annexion pure et simple de la Cisjordanie (mais pas de Gaza) et l’octroi de la citoyenneté israélienne aux résidents palestiniens ont reçu le soutien remarqué de deux figures du Likoud : l’ancien ministre de la défense Moshe Arens et l’actuel président de la Knesset Reuven Rivlin.
Renoncer à l’Etat palestinien
« Ils brisent un tabou, concède Michael Blum, journaliste et bon connaisseur de la droite israélienne. La réalité est qu’il est inimaginable d’expulser des centaines de milliers d’Israéliens de Cisjordanie pour créer un État palestinien. L’idée est donc de convaincre les Palestiniens que s’ils renoncent à un État, ils pourront vivre dans le cadre d’une autonomie élargie, libres de circuler, avec un maximum de droits, et pourquoi pas celui de voter », explique-t-il, rappelant que cette opinion reste « très marginale ».
Les Palestiniens accepteraient-ils de renoncer à leur drapeau ? Yasser Al Masri préfère écarter la question du nom et des symboles de cet État unique. « L’important est de réduire le niveau de violence dans la région, dit-il. Si l’État palestinien ne peut pas voir le jour, alors les Israéliens doivent accepter de vivre avec nous à égalité dans un seul État. »