Hicham Safieddine - The Electronic Intifada
L’impression que les Forces Intérimaires des Nations Unies au Liban (FINUL) s’associent avec Israël a été renforcée par l’incident du 3 août, et des douzaines d’espions israéliens ont été arrêtés au Liban ces deux dernières années, écrit Hicham Safieddine.
Une arme est postée à l’antenne des Nations Unies au Sud-Liban, près de la frontière avec Israël - Photo : Matthew Cassel
La couverture médiatique internationale des affrontements militaires dans la frontière entre Israël et le Liban au début du mois peut suggérer que la confrontation était une simple querelle sur le déracinement d’un arbre dans une région qui "s’embrase pour un rien" et qui est "encline au conflit". Même pas une semaine plus tard, un des récents nombreux discours du Secrétaire Général du Hezbollah Hassan Nasrallah est parvenu à obtenir une brève couverture médiatique mondiale. Il a présenté des éléments sons et images qui suggèrent qu’Israël a pu assassiner l’ancien premier ministre libanais Rafiq Hariri en février 2005.
Cependant, ces deux incidents étaient beaucoup plus qu’une chamaillerie ordinaire entre deux adversaires de longue date. C’étaient la manifestation d’une guerre actuelle entre Israël et les forces de résistances postées le long de la frontières au nord d’Israël qui continuent même après l’offensive israélienne de juillet 2006 contre le Liban. La deuxième phase de cette guerre se joue avec d’autres moyens sur des fronts plus clandestins.
Les réseaux d’espions qui ont atteint les plus hauts échelons de l’establishment politique et sécuritaire du Liban, à la guerre par procuration des forces onusiennes au sud-Liban, au chantage international à travers le tribunal commissionné par l’ONU à propos de la mort de Hariri, la bataille entre Israël et le Hezbollah ont pris des dimensions nouvelles. Ces dimensions ont étendu les implications sur l’avenir du combat contre le sionisme et la victoire ou la défaite des objectifs régionaux de l’impérialisme américain.
L’affrontement à la frontière du 3 août a tué deux soldats libanais, un officier israélien et un journaliste libanais, ces morts ont souligné les nombreuses réalités du climat politique et militaire actuel. En dépit des provocations incessantes d’Israël des derniers mois, la mort d’un de ses officiers haut-gradé - un colonel - ne se traduisait pas en une offensive massive de la même teneur que quand le Hezbollah a capturé deux soldats israéliens en juillet 2006. Cela contredit clairement les arguments à l’encontre du Hezbollah qui ont provoqué la guerre de l’été 2006. Les guerres sont rarement des affaires improvisées. Des incidents spécifiques sont presque toujours des prétextes plutôt que des éléments déclencheurs de guerres. Israël était prêt et désireux de faire la guerre en 2006. Et malgré sa rhétorique, Israël ne l’était pas cette fois.
L’autre caractéristique de ce dernier affrontement qui a provoqué une parodie de posture politique au Liban, en Israël et aux Etats-Unis était le fait que l’armée, plutôt que le Hezbollah, était le parti engageant des Israéliens. Dans ces trois pays, la question de fournir des armes au Liban était un sujet de discussions. A Beyrouth, les opposants au Hezbollah du gouvernement libanais ont qualifié ce heurt de preuve vivante de l’habileté de l’armée libanaise à défendre le pays et ont appelé à une campagne pour mieux équiper et armer les militaires. Dans un projet idiot pour lancer cette campagne, le lunatique ministre de la défense, Elias al-Murr, et son père, un riche vétéran de la politique, ont déposé un demi-million de dollars dans un nouveau compte en banque destiné à cette intention.
Pendant ce temps, le gouvernement israélien demande à Washington de ne plus fournir d’armes au Liban. Sans surprise, plusieurs membres du Congrès américain se sont soumis et ont demandé l’état des lieux de l’aide militaire au Liban. Tout cela, à l’heure où le guide suprême Ali Akbar Vilayati était à Beyrouth pour offrir l’aide de son pays afin de combler l’écart.
Il demeure qu’un gel de l’aide américaine à l’armée libanaise dessert les intérêts israéliens plus qu’autre chose. En effet, l’incident du 3 août était l’exception plutôt que la règle des relations entre Israël et l’armée libanaise. Depuis l’indépendance du Liban en 1943, l’aide militaire américaine n’a été significative que quand l’armée libanaise était un allié réel ou potentiel des actions et des objectifs stratégiques des Israéliens, de 1981 à 1984 au plus haut de l’occupation israélienne du Liban et immédiatement après la guerre de juillet 2006. Même ensuite, les quantités étaient maigres - 138 millions de dollars dans les années 1980 et 220 millions en 2007 - et excluaient les armes nécessaires à la défense du territoire. Les fonds ont plutôt stimulé la sécurité interne de l’armée qui peut être utilisée contre les forces de résistance ou pour la destruction des camps de réfugiés palestiniens. La baisse de cette aide va seulement impacter les petit bénéficiaires dans les rangs armés et diminuer la capacité de l’armée à contrôler les groupes radicaux du Liban plutôt que sa capacité à faire face à Israël.
Le 3 Août 2010, trois Libanais et un Israélien ont été tués lors d’échanges de tirs survenus après qu’Israël a déraciné des arbres à la frontière avec le Liban - Photo : Reuters
L’impression que les Forces Intérimaires des Nations Unies au Liban (FINUL) s’associent avec Israël a été renforcée par l’incident du 3 août. Dans les jours qui ont suivi l’incident de l’arbre, les Israéliens silencieux - et sans aucune provocation des forces libanaises ou des medias - ont coupé, et avec le consentement et la coopération des forces onusiennes stationnées là, non pas un mais trois arbres. Sur les derniers mois, les relations entre la FINUL et les villageois locaux se sont brusquement détériorées. Actuellement sous commandement français, la FINUL s’est querellée avec des villageois à plusieurs occasions alors qu’elle mène des missions de plus en plus intrusives et mal préparées au sein de ces villages pour mettre en application leur mandat assurant qu’il n’y a aucune "présence armée non-gouvernementale" au sud du fleuve Litani.
Bien que ce soit en effet une part de sa mission comme l’a définie la résolution 1701 du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui planifie les termes du cessez-le-feu depuis la guerre de juillet 2006, les règles de l’engagement de la FINUL stipulent aussi qu’elle est tenue de coordonner ses mouvements avec le gouvernement libanais, chose qu’elle a de plus en plus évité ou renié.
En effet, la présence très marquée de l’armée libanaise et celle de la FINUL au Sud-Liban sont les deux faces d’une seule et même pièce : une stratégie israélienne de tout pour le tout pour déborder et affaiblir le Hezbollah par tous les moyens possibles après le plus direct - la guerre totale - qui a échoué dans sa tentative de renverser le Hezbollah en 2006. Là où la présence militaire anti-Hezbollah est la plus lourde, tous les yeux, toutes les oreilles et tous les corps sont là pour piétiner la "mer" humaine où le "poisson" de la résistance survit et se développe. La position officielle du Hezbollah reste de soutenir et d’encourager la présence militaire libanaise avec une tolérance modérée envers celle des Nations Unies.
La réelle menace de son pouvoir, selon les cadres du Hezbollah, est tout le temps exagérée. Premièrement, dans la guerre ouverte des espions dont la mesure et l’impact continue de tarabuster tous les jours le Liban. Deuxièmement, dans les désaccords dans la décision attendue du tribunal international d’impliquer des membres haut-placés de la branche armée du Hezbollah pour l’affaire de l’assassinat de Hariri en 2005.
Selon certaines normes d’espionnage, la portée de la guerre des espions et son décryptage se font dans des proportions stupéfiantes. Des douzaines d’espions israéliens accusés et coupables ont été arrêtés au Liban dans les deux dernières années. Les médias internationaux auraient fait leur choux-gras avec ces histoires si on parlait seulement d’une poignée de personnes simplement accusés d’espionnage au profit de la Syrie, de l’Iran ou de tout autre membre de l’"Axe du Mal". La portée et le rôle de ces espions sont énormes selon les rapports des médias locaux. Ils ont mené l’infiltration des réseaux de communication et de l’appareil de sécurité du Liban aux plus hauts niveaux. Ces deux domaines sont essentiels pour protéger les opérations de résistance. Ces domaines offrent aussi des possibilités de conduire des opérations clandestines au Liban comme des assassinats et la falsification des preuves envers ceux qui mèneraient ces actes.
C’est cette réalité qui lie la guerre des espions au tribunal international qui a incité le Hezbollah à une offensive publique et diplomatique dernièrement avec une série d’apparitions de son leader Nasrallah.
Le premier chapitre de cette offensive était largement focalisé sur le discrédit du tribunal international en dénigrant la fiabilité des preuves qu’il a présenté se fondant sur des communications téléphoniques (montrer qu’elles peuvent être contrôlées et manipulées par des espions) ou sur des faux témoignages - montrer maintenant le clair travail des conspirateurs qui tiennent à manipuler l’opinion publique pour en retirer des renseignements politiques de la Syrie et du Hezbollah. La crédibilité de ces témoins qui ont formé la charnière des précédents rapports du tribunal qui juge que ces accusations contre la Syrie sont sans fondements.
Les témoins clés qui accusent la Syrie et ses alliés des services de sécurité libanais sont depuis revenus sur leurs témoignages ou ont été désignés comment étant des mercenaires recevant de grosses sommes d’argent des partis politiques alignés sur le premier ministre Saad Hariri, fils de l’ancien premier ministre assassiné. En dépit de l’assignation de ces témoins et la gravité des conséquences de leurs témoignages, le tribunal a refusé d’enquêter sur le commanditaire de ces faux témoignages.
En se focalisant sur l’inaction du tribunal dans ce problème, Nasrallah a été attaqué par ses rivaux locaux, à savoir le camp Hariri, qui a fourni la couverture politique et certainement les moyens aux témoins. Si le Hezbollah est mis au banc des accusés par le tribunal international, Nasrallah mettra ses opposants au banc des accusés d’un tribunal national. Si le faux témoignage parlait du passé questionnable du tribunal, le second chapitre de Nasrallah parlerait de la fiabilité de ses futures actions. Nasrallah a présenté des enregistrements vidéos montrant des espions israéliens suivant par avions l’emplacement de Hariri avant l’assassinat. Les découvertes du Hezbollah ont été faites par l’interception en temps réel de séquences d’enregistrement visuel des avions d’espions israéliens dans le ciel libanais, alors qu’ils retournaient à leur base en Israël.
Nasrallah était sûr que les cartographies faites n’étaient pas innocentes et constituent une base de travail pour le tribunal ou toute structure d’enquête pour assigner à comparaître des officiels israéliens et enquêter sur la possibilité qu’Israël soit derrière l’assassinat de Hariri. Daniel Bellamare, procureur général du tribunal, a déposé une requête formelle auprès du gouvernement libanais pour obtenir du Hezbollah tous les éléments nécessaires à ces enregistrements.
Bien que le Hezbollah ait accepté cette demande, il a explicitement fait savoir qu’il le faisait seulement en conformité avec la demande du Liban et qu’il ne remettra ses éléments qu’au gouvernement libanais. Mais celui-ci n’a agi que comme un facteur dans cette affaire, et le tribunal pourrait facilement mettre à disposition ce matériel aux Israéliens sans faire d’investigation dessus. Le rapport du tribunal faisant état de l’implication de membres du Hezbollah dans l’assassinat de Hariri est attendu en automne.
L’attaque préventive du Hezbollah sur sa crédibilité et sur ses cadres locaux a mené les forces syriennes et saoudiennes à chercher un compromis. Les Saoudiens peuvent essayer d’appeler Washington pour que la publication du rapport soit repoussée au printemps. Mais rien sauf une totale restructuration du tribunal pour éliminer la possibilité d’une manipulation internationale ou pour neutraliser ses effets locaux (qui impliquerait la dislocation de l’"unité" du gouvernement libanais si celui-ci continue de prôner l’ambiguïté dans ce problème), peut mettre les choses en suspend pour un an ou plus.
Sans une complète reprise des recherches par les autorités libanaises, comme l’a demandée le Hezbollah sans insister, le tribunal va rester une cellule endormie par la pression internationale, réveillée au moment opportun pour justifier ses objectifs, incluant les nouvelles guerres que l’administration américaine et israéliennes projettent au Moyen-Orient. Ensuite, les conditions régionales - au moins aux yeux de Washington et de ses alliés israéliens et arabes - pourront sembler mûres pour un autre round de "chaos constructif " de Téhéran à Tel Aviv, et là, ce ne sera pas des petits arbres - ou des fruits ou des racines - qu’on déracinera.
* Hicham Safieddine est un chercheur et un journaliste basé à Toronto.
18 Août 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction de l’anglais : Yazid Slaimhttp://electronicintifada.net/v2/ar...