Gilles Paris
Il n’y aura pas d’Etat palestinien. C’est la certitude tirée par un jeune avocat français d’un passage éprouvant dans l’équipe d’experts juridiques qui assistent les négociateurs palestiniens. Le riche et très subjectif journal que cette expérience a inspiré couvre le processus d’Annapolis lancé en novembre 2007 par l’administration finissante de George Bush, jusqu’en décembre 2008.
Il débute en septembre 2007 avec un embarquement contrarié par les responsables de la sécurité d’un vol d’El Al, à Roissy, et s’achève en mars 2009 au pont Allenby, point de passage contrôlé par Israël entre la Cisjordanie et le royaume hachémite. Entre-temps, le jeune avocat aura eu l’occasion de se frotter à une phase infructueuse de négociations entre Israéliens et Palestiniens. Chargé du dossier des réfugiés palestiniens de 1948, il peut alors mesurer le gouffre qui sépare les positions israéliennnes et palestiniennes (que l’on a d’ailleurs évoquées cette semaine).9782315001385.1285330865.jpg
Convaincu que “le processus de paix est un spectacle, une farce” et que “le rapport de force actuel rend illusoire toute recherche de compromis avec les Israéliens”, Ziyad Clot livre en annexe de son récit une série de documents de première main et à notre connaissance inédits sur la question des réfugiés pour étayer sa conviction.
Le premier est la proposition remise, selon Ziyad Clot, à la délégation palestinienne par la délégation israélienne. On en retient trois lignes de force :
1) Refuser de singulariser la question de réfugiés, noyée dans la reconnaissance générale “des souffrances et des pertes endurées par les deux côtés”, et qui ont résulté de leur conflit.
2) Internationaliser le règlement de cette question et notamment une éventuelle indemnisation, limiter les retours à l’éventuel Etat palestinien.
3) S’assurer du rôle prépondérant des Etats-Unis dans le mécanisme international chargé de piloter cette question dans le cadre d’un accord de paix.
Le deuxième est le document remis aux Israéliens, qui traduit la position palestinienne :
1) Obtenir d’Israël la reconnaissance de sa responsabilité dans la question des réfugiés
2) Obtenir un droit au retour, dans l’ancienne Palestine mandataire (Palestine à venir et Israël, sans données chiffrées), ou l’installation dans les pays hôtes, ou l’établissement dans des pays tiers (vaut surtout pour les réfugiés présents au Liban)
3) Obtenir une indemnisation pour les dommages matériels ou immatériels subis.
C’est fossé et surtout l’incapacité des Palestiniens d’user d’un quelconque levier (les faiblesses palestiniennes sont passées en revue sans complaisance) qui incite Ziyad Clot à considérer comme stériles des négociations de paix. Giraudoux clamait que la Guerre de Troie n’aurait pas lieu, pour mieux décrire les forces de la fatalité ; pour l’Etat palestinien, nous verrons bien…