Lauren Booth, Royaume-Uni
Je suis assise là, avec ma vaisselle qui s’accumule et mon ménage qui n’est pas fait, pour vous poser une question. En tant que mère et en tant qu’être humain, comme vous, j’ai besoin de savoir pourquoi vous ne voyez pas le mal qui se fait en votre nom ?
Rappelons que Lauren Booth est la belle-soeur de l’ex-Premier ministre britannique Tony Blair... !!!
Ce matin, je voulais me mettre à écrire un texte sur la mise à sac de la Flottille humanitaire en partance pour Gaza, par vos soldats. Comme vous avez pu l’apprendre, un officier des Forces de défense israéliennes a été déféré devant un tribunal militaire, soupçonné d’avoir volé des ordinateurs portables appartenant à des passagers. Fait intéressant, le quotidien Ha’aretz se réfère maintenant à la flottille comme à une « flottille humanitaire ». Ce qui est le cas. C’est ainsi que vos dirigeants auraient dû l’appeler, plutôt que flottille « terroriste ». Mais je m’écarte du sujet.
Ce matin, je voulais me mettre à écrire un texte sur la mise à sac de la Flottille humanitaire en partance pour Gaza, par vos soldats. Comme vous avez pu l’apprendre, un officier des Forces de défense israéliennes a été déféré devant un tribunal militaire, soupçonné d’avoir volé des ordinateurs portables appartenant à des passagers. Fait intéressant, le quotidien Ha’aretz se réfère maintenant à la flottille comme à une « flottille humanitaire ». Ce qui est le cas. C’est ainsi que vos dirigeants auraient dû l’appeler, plutôt que flottille « terroriste ». Mais je m’écarte du sujet.
Donc, j’en étais là, toute prête à écrire mon texte, quand je suis tombée sur un article de YnetNews. L’article cherchait à expliquer clairement l’indignation ressentie peut-être par quelqu’un dont on a pillé les biens. Un officier supérieur des FDI disait à propos des vols sur la Flottille : « Sur le plan des valeurs, il doit y avoir un grave problème dans les FDI ».
Je suis restée un long moment à regarder ces mots. Et, au lieu d’écrire mon texte, je décidai, à la place, de vous écrire à vous. Parce que je ne peux pas m’empêcher de me demander qui, ici-bas, garde des réserves d’ « indignation » en vue du comportement de vos militaires ?
C’est vraiment ce que je pense, les gars. Hors sur les avenues agréables de Tel Aviv, le reste du monde trouve que l’expression, « armée morale », quand elle s’applique aux FDI, n’est rien de moins qu’une énorme, (et malheureusement catastrophique), farce à dimension mondiale. Une farce du même niveau, par exemple, que le déni du changement climatique, ou que la présidence de George Bush.
Ca y est, je recommence. Cette fois, je vous ai vraiment rendu furieux contre moi. Mais, s’il vous plaît, donnez-moi juste une minute ou deux pour vous expliquer pourquoi j’écris cette lettre. Parce que je ne le cherche pas, et je ne veux pas vous insulter. Certainement pas plus que je ne l’ai fait dans le passé. Je suis assise là, avec ma vaisselle qui s’accumule et mon ménage qui n’est pas fait, pour vous poser une question. En tant que mère et en tant qu’être humain, comme vous, j’ai besoin de savoir pourquoi vous ne voyez pas le mal qui se fait en votre nom ?
Comment pouvez-vous ne pas le voir ?
Comme vous le savez peut-être déjà, je faisais partie de la première mission Free Gaza, en 2008. Cela ne veut pas dire seulement que j’ai eu le plaisir de connaître personnellement ces femmes admirables qui ont fondé le FGM (Mouvement Free Gaza). Cela veut dire aussi que j’avais beaucoup d’amis et de collègues sur la Flottille que vos soldats ont agressée en mai dernier.
Vous savez, (encore une fois, voyez en moi une maman et non une « ennemie »), aucune de ces personnes formidables n’est un terroriste, ne veut apporter des armes à des « extrémistes ». Ce sont des hommes (et des femmes) bons, des citoyens du monde qui s’inquiètent. Des gens qui, tout simplement, ne peuvent vivre machinalement leur vie de tous les jours pendant que votre Etat, votre armée, vos colons harcèlent d’autres êtres humains. Chaque minute de chaque jour. De chaque mois. De chaque année. Depuis soixante-deux ans.
Je ne veux pas être dure, les gars. Mais il arrive un moment où, quand on dit « Je ne savais pas ce qui se passait », ça fait un peu léger. Vous voyez ce que je veux dire ? Toute cette comédie sur l’ « indignation » par la mauvaise conduite de vos soldats, ça ne fait pas Israélien, hé, ça nous fait rire.
Parce que, ces semaines de pillages par vos soldats, ce ne sont pas les premières du genre. Non ? Allez. Rappelez-vous. Il y en a eu d’horribles, beaucoup d’autres d’horribles. Vous avez oublié ? Laissez-moi vous aider. Prenez un ordinateur et tapez les mots « IDF pillage » dans le moteur de recherche de Google. Vous allez peut-être (ou peut-être pas) être surpris quand cette recherche va vous donner 64 000 réponses. Bon, maintenant, ne sortez pas de vos gonds tout de suite en criant, « Nos ennemis racontent des mensonges sur nous ». S’il vous plaît, je vous en prie. Regardez juste quelques-unes de réponses de la première page. Ca ne vous prendra pas longtemps. Ca va ? et pourquoi pas passer toute la matinée à les lire ? Après tout, c’est votre devoir que de prendre connaissance de ce qui est fait en votre non, pas vrai ? Ce que je veux dire c’est que, quand les crimes de l’armée sont commis avec les shekels de VOS impôts, vous avez le droit de savoir.
L’une des réponses de Google vous dit qu’un soldat des Forces de défense israélienne a avoué avoir volé une carte de crédit dans une maison, au nord de la bande de Gaza, pendant l’opération Plomb durci. Vous vous en souvenez ? Le soldat était du bataillon de reconnaissance de la division d’infanterie Givati, il a utilisé cette carte pour faire 1 600 shekels de retraits en Israël (plus de 300 €). Un petit acte criminel. Une partie d’un crime beaucoup plus grand.
Un crime contre l’humanité, dont vous ne sauriez rien non plus. Ou qui vous a été délibérément caché par vos dirigeants.
Comme je l’ai déjà dit toutefois, vous avez l’accès à Internet, alors vous ne devez pas rester dans les ténèbres. Sauf évidemment, si vous vous y sentez à l’aise.
Le dernier pillage par les FDI de biens de civils m’a fait penser aux dames Al Samouni, je les ai rencontrées l’année dernière, sur les décombres de leurs maisons à Al Zaytoun (je joins quelques photos pour vous permettre de les voir). Vous vous rappelez peut-être, vaguement, de ce nom, « Al Samouni ». Laissez-moi vous rafraîchir la mémoire. C’était le samedi 3 janvier 2009, l’invasion israélienne dans le quartier d’Al Zaytoun commençait. Le lendemain, 4 janvier 2009, vos forces larguaient leurs bombes sur la même zone. Le lundi, à 7 h du matin, le 5 janvier 2009, une nouvelle fois vos forces bombardaient le même quartier de Hay Al Zaytoun. L’un des missiles est tombé sur le troisième étage de la maison de Tallal Hilmi Al Samouni. Et les soldats sont venus, en tirant, pour tuer.
Au total, 26 membres de la famille Al Samouni ont été tués, dont 10 enfants et 7 femmes. La Croix-Rouge n’a été autorisée à entrer que trois jours plus tard pour évacuer les morts et les blessés, la majorité d’entre eux étant dans un état si critique qu’il a fallu les emmener en Belgique, en Egypte et en Arabie Saoudite pour les soigner.
Permettez-moi, si cela ne vous dérange pas, de vous donner leurs noms, car il est probable que vous ne les connaissiez pas. En tant qu’êtres humains, je suis sûre que vous souhaitez leur rendre un dernier hommage, et peut-être même, prier pour eux.
Les noms des enfants tués
• Azza Salah Al Samouni, 3 ans
• Waleed Rashad Al Samouni, 17 ans
• Ishaq Ibrahim Al Samouni, 14 ans
• Ismail Ibrahim Al Samouni, 16 ans
• Rifka Wael Al Samouni, 8 ans
• Fares Wael Al Samouni, 12 ans
• Huda Nael Al Samouni, 17 ans
• Ahmad Atieh Al Samouni, 14 ans
• Mu’tassim Mohammed Al Samouni, 6 ans
• Mohammed Hilmi Al Samouni, 5 ans
• Waleed Rashad Al Samouni, 17 ans
• Ishaq Ibrahim Al Samouni, 14 ans
• Ismail Ibrahim Al Samouni, 16 ans
• Rifka Wael Al Samouni, 8 ans
• Fares Wael Al Samouni, 12 ans
• Huda Nael Al Samouni, 17 ans
• Ahmad Atieh Al Samouni, 14 ans
• Mu’tassim Mohammed Al Samouni, 6 ans
• Mohammed Hilmi Al Samouni, 5 ans
Les noms des femmes tuées
• Rahma Mohammed Al Samouni, 50 ans
• Safa’ Hilmi Al Samouni, 25 ans
• Maha Mohammed Al Samouni, 22 ans
• Rabbab Azzat Al Samouni, 32 ans
• Laila Nabih Al Samouni, 40 ans
• Rifqa Mohammed Al Samouni, 50 ans
• Hannan Khamis Al Samouni, 36 ans
• Safa’ Hilmi Al Samouni, 25 ans
• Maha Mohammed Al Samouni, 22 ans
• Rabbab Azzat Al Samouni, 32 ans
• Laila Nabih Al Samouni, 40 ans
• Rifqa Mohammed Al Samouni, 50 ans
• Hannan Khamis Al Samouni, 36 ans
Les noms des hommes tués
• Tallal Hilmi Al Samouni, 55 ans
• Attieh Hilmi Al Samouni, 25 ans
• Rashad Hilmi Al Samouni, 42 ans
• Tawfiq Rashad Al Samouni, 23 ans
• Mohammed Ibrahim, 26 ans
• Ziyad Izzat Al Samouni, 28 ans
• Nidal Ahmad Al Samouni, 30 ans
• Hamdi Maher Al Samouni, 23 ans
• Hamdi Mahmoud Al Samouni, 70 ans
• Attieh Hilmi Al Samouni, 25 ans
• Rashad Hilmi Al Samouni, 42 ans
• Tawfiq Rashad Al Samouni, 23 ans
• Mohammed Ibrahim, 26 ans
• Ziyad Izzat Al Samouni, 28 ans
• Nidal Ahmad Al Samouni, 30 ans
• Hamdi Maher Al Samouni, 23 ans
• Hamdi Mahmoud Al Samouni, 70 ans
En mars dernier, les femmes et les enfants survivants m’ont montré les ruines de leur communauté. J’ai vu les graffitis racistes laissés sur les murs de la pièce où une adolescente devait encore dormir. Laissée pour elle par votre « armée morale », rien de moins. Ces graffitis disaient, par endroits en hébreu, à d’autres en anglais, des trucs comme « Nous reviendrons », et il y avait un dessin grossier qui montrait une maison en train d’exploser avec ces mots, « Vous êtes ici », ajoutés subtilement.
Une très belle femme m’a raconté aussi qu’elle était sur le point de se marier, avant l’agression. Sa famille avait épargné plusieurs milliers de dollars pour sa dot (de nombreuses personnes d’une même famille épargnent pendant très, très longtemps, comme vous pouvez l’imaginer). L’argent était caché sous un lit, dans une valise, pour l’heureux évènement. Sa mère avait quelques bijoux anciens qui avaient traversé les générations, des bijoux en or. Eh bien vous voyez, vos soldats, ils ont bombardé les gens, ils ont tiré sur leurs enfants, et pour finir, ils ont pillé ce que les survivants possédaient. Je vous le jure, regardez sur Google, regardez dans vos propres cœurs, vous savez, ça s’est passé comme ça.
Vous voyez bien que c’est comme cela que votre armée traite, délibérément, les Palestiniens.
Alors ne poussez pas des hauts cris, « Mensonges ! », « Antisémites ! », s’il vous plaît, je vous en prie. De parent à parent. D’humain à humain. Au nom du Dieu de chaque croyance, détendez-vous, acceptez un moment ce qui vous paraît invraisemblable, lisez la suite. Parce que, oh Israël, que se passera-t-il si, supposez-le, je ne suis pas une antisémite, quand votre wiki a formé des partisans extrémistes pour essayer de me qualifier comme telle ? Et que se passera-t-il si, seulement 10% sur les 64 000 réponses de Google pour « FDI pillage » sont tout à fait vrais ? Que faire alors ? Qu’est-ce qui vous en rend complices ? Que ferez-vous si, pendant seulement une seconde, la vérité que le reste du monde connaît sur la barbarie de vos dirigeants remplit vos esprits et vos cœurs, comme cela arrivera un jour sûrement ?
Mes mots, étant étrangère, vous paraîtront sans doute durs, voire naïfs. Alors voyez ceci, publié aujourd’hui par le Jerusalem Post :
« Selon les informations qu’a analysées l’organisation des droits humains Yesh Din, entre septembre 2000 et fin 2009, au moins 6% sur les près de 2 000 enquêtes ouvertes contre des soldats des FDI soupçonnés de crimes contres les Palestiniens se sont terminés sur des mises en accusations. Durant la même période, selon différentes estimations, des milliers de civils palestiniens ont été tués des suites des activités des FDI. Combien de ces morts ont conduit à des condamnations ? Quatre. Pas 4%, 4, seulement. »
Il est de plus en plus évident que vos jeunes hommes et vos jeunes femmes sont formés pour se comporter comme des animaux. Ces faits, le pillage, les photos mises en ligne par Eden Abergil, ne peuvent pas s’expliquer plus longtemps comme étant des cas « en dehors ».
C’est à vous de vous demander quel est leur sens.
Je suis vraiment désolée si mes mots vous ont offensés. Je voulais juste parler avec vous, directement, pour une fois.
A propos, il y a environ 400 ordinateurs portables, 600 téléphones portables, ainsi que d’autres sommes d’argent et effets personnels que votre armée n’a toujours pas rendus aux passagers de la Flottille humanitaire. Vous savez, quand ils ont pris la mer. Pour quelque raison, ces gens de bien n’avaient pas pensé que les FDI pourraient les voler.
Bien à vous
Lauren Booth
Rappels sur les faits évoqués :
Rappels sur les faits évoqués :
Lauren Booth à Gaza : Apprendre quelle est la souffrance de l’enfermement - Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly
Vols israéliens de cartes de crédit de militants de la Flottille pour Gaza - Haroon Siddique - The Guardian
Vols israéliens de cartes de crédit de militants de la Flottille pour Gaza - Haroon Siddique - The Guardian
Gaza : le massacre d’Al Zeitoun - Tom Eley - WSWS
Eden Abergil, produit d’une société aux yeux bandés - Max Blumenthal
Eden Abergil, produit d’une société aux yeux bandés - Max Blumenthal
22 août 2010 - Gilad Atzmon - traduction : JPP