Israel - 15-08-2010 |
De nombreux universitaires du monde entier ont été choqués par la promulgation récente d’un projet de loi à la Knesset israélienne qui accordera une année de scolarité gratuite à tout soldat libéré (réserviste) qui étudiera dans un établissement d'enseignement supérieur en Galilée, au Naqab (Néguev), et dans les colonies illégales israéliennes en Cisjordanie Occupée.
En Juin 2010, lors de la préparation du vote de la Knesset, le gouvernement israélien a approuvé le projet de loi; Le Premier ministre Netanyahu aurait déclaré : «Le besoin d’aider les soldats démobilisés et de promouvoir la périphérie fait partie du consensus national." [1]
Cette utilisation manifeste des établissements d'enseignement supérieur pour renforcer la colonisation israélienne des terres palestiniennes n’est, cependant, pas nouvelle. Depuis la création de l'Etat d'Israël sur les ruines de la société palestinienne, un profond partenariat entre les universités et l'appareil militaro-sécuritaire a été emblématique de la très militarisée société israélienne.
L’une des caractéristiques les plus remarquables d'Israël, c’est la normalisation de l'armée dans presque tous les aspects de la vie. L'omniprésence de l'armée n’est pas remarquée et ne provoque pas de commentaires ou de controverses dans le public, y compris chez les intellectuels, les artistes et les personnalités publiques.
Dans un pays très mobilisé militairement, remettre en question la militarisation du système éducatif n’est pas fait de bon cœur, et va à l’encontre du consensus national qui considère l’impérieuse présence militaire comme naturelle, voire nécessaire, faisant partie du tissu de vie «civique».
Parmi les universitaires, les discussions sur l'autonomie des universités ne tiennent généralement pas compte du niveau élevé d'intégration entre l'Université d'un côté et l'industrie militaire et de l’armement de l'autre, ces derniers ayant toujours été un élément basique de la vie dans les grandes universités d'Israël. La complicité inébranlable des Universités israéliennes dans la planification, la promotion et la justification de la politique coloniale et d'apartheid n'est guère abordée.
La véhémente controverse publique concernant le cinéaste palestinien Nizar Hassan est un cas d'espèce.
En Novembre 2007, un an après l'agression massive et meurtrière de l'armée israélienne contre le Liban qui a fait plus d'un millier de morts Libanais, Hassan, un instructeur de la Sapir Academic College à Sderot, au sud d'Israël, a demandé à un étudiant qui venait assister à ses cours en uniforme militaire de ne pas le porter en classe la prochaine fois.
La campagne publique de calomnie et de diffamation contre Hassan qui y a fait suite en dit long non seulement sur la vénération de l'armée dans la société, mais aussi sur sa normalisation au sein des institutions universitaires.
Le président du Collège a ordonné à Hassan de présenter ses excuses à l'élève, en ajoutant: "Vous devez vous référer à votre obligation d'être respectueux envers l'uniforme des FDI et du plein droit de chaque étudiant à entrer dans votre salle de classe en uniforme." [2]
Il n'est donc pas surprenant que le projet de loi à la Knesset mentionné ci-dessus ait été adopté sans aucune contestation en Israël. Le fait que la nouvelle loi soit passée inaperçue indique de façon frappante que les institutions d'enseignement supérieur israéliennes sont tellement intégrées dans l'armée et l'appareil sécuritaire que cela ne mérite pas de commentaires.
Un acte de protestation isolé contre cette loi est venu du mouvement Gush Shalom. Cependant, la protestation montre les limites de la critique de l'État et de la société par les forces «pacifiques» israéliennes qui en gros ne s’opposent pas à la militarisation de l'Université et ne soutiennent pas le plein respect par Israël de ses obligations en vertu du droit international pour mettre fin au système de discrimination raciale à l'intérieur de l'État ou pour permettre aux réfugiés palestiniens d'exercer leur droit au retour dans leurs maisons approuvé par l'ONU.
Dans une lettre adressée aux Chefs de la Commission Universitaire en Israël, Gush Shalom prévient que la proposition de la présente loi par le gouvernement pourrait ajouter "une impulsion considérable" au "mouvement mondial croissant de boycott universitaire contre les universités israéliennes." Le silence des institutions universitaires israéliennes face à cela, souligne à juste titre la déclaration, permettra d'intensifier leur «complicité avec l'occupation."
La seule inquiétude soulevée dans cette protestation, c’est qu'une loi sur l'aide aux soldats libérés qui "aiderait aussi les régions périphériques» fournira en réalité «un avantage spécial et un encouragement" aux établissements scolaires dans «les colonies d'Ariel, d’Elkana et d’Alon Shvut». [3]
Ce qui manque dans la déclaration, c’est une mention au fait que la complicité des institutions universitaires israéliennes va bien au-delà de l’apathie envers les établissements d’enseignement supérieur-colonies mentionnés pour couvrir un plus large éventail de domaines, quand l’Enseignement joue un rôle clé en fournissant la logique et la justification - et souvent les plans - de la purification ethnique, des exécutions extrajudiciaires, de la colonisation et de la déshumanisation.
D’après PACBI, la complicité des institutions universitaires avec l'occupation israélienne et l'ensemble du système d'apartheid et d'oppression coloniale à l’égard des Palestiniens ne se limite pas au Collège d’Ariel ou à la poignée d'établissements universitaires dans les colonies illégales israéliennes en Cisjordanie Occupée – il est intéressant de noter l’absence de l'Université Hébraïque du Mont Scopus, la première «université-colonie» à avoir été construite par Israël.
Donc, la protestation de Gush Shalom reste bien en deçà du consensus national en Israël qui ne remet pas en cause le partenariat fondamental entre les universités et l'appareil militaro-sécuritaire qui nie au peuple palestinien son droit à l'autodétermination et d'autres droits fondamentaux.
Le partenariat entre l’Université et l'armée a pris de nombreuses formes.
D’abord, il y a le premier modèle colonial classique d’universitaires travaillant indifféremment dans l'Enseignement et en tant que conseillers et administrateurs dans l'appareil militaro-sécuritaire.
Consentir et même encourager des universitaires à servir dans les forces de réserve chaque année au sein d'un groupe d'âge précis est un autre aspect important de cette complicité.
Mais encore, il y a la tradition d'intégration des membres et des institutions de l'armée au sein des universités, comme dans les projets Talpiot et Psagot du programme de « réserve universitaire» dans plusieurs grandes universités.
L’arène la plus critique où cette collusion est manifeste, c'est la solide coopération entre les universités de recherche et l'industrie de l'armement, ce qui implique directement les Universités dans le soutien à l’exécution de crimes de guerre et autres violations graves du droit international. Certaines de ces facettes d'intégration sont analysées dans deux excellents rapports de l'Alternative Information Center à Jérusalem et de la SOAS Palestine Society. [4]
Il n'y a pas eu de protestation palpable en Israël contre la complicité des Universités avec l'armée et les institutions qui y sont liées, même après l'assaut massif contre la Bande de Gaza pendant l'hiver 2008-2009, lorsque l'armée israélienne a lâché toute la force de son arsenal meurtrier sur la population et les infrastructures civiles de Gaza, en détruisant des dizaines de bâtiments universitaires et des écoles, parmi d'autres "cibles" civiles dans le cadre de sa "Doctrine Dahiya" de force disproportionnée développée par l'Institut pour les Etudes de Sécurité Nationale (INSS) de l’Université de Tel Aviv. [5]
Bien que cette agression criminelle ait galvanisé de nombreux groupes de solidarité internationale et revigoré le mouvement de BDS dans le monde entier, elle semble avoir eu un effet contraire dans les universités israéliennes: le train-train habituel, ou pire.
Un exemple particulièrement révélateur et représentatif est l’Université de Haïfa, faussement qualifiée d’institution «libérale» qui privilégie la «coexistence», qui, à l’époque de "Plomb durci" a déployé un immense drapeau israélien sur sa tour de 30 étages, presque littéralement "enveloppée dans le drapeau", comme signe de soutien à la guerre d'Israël contre Gaza et pour montrer que l'Université "se tenait derrière les soldats», comme l'a déclaré son président.
Il n’y a pas que le gouvernement israélien et la Knesset qui soutiennent les soldats, après tout.
Notes:
[1] Déclaration du Premier ministre Netanyahu
[2] Jonathan Cook, “Liberté d’expression? Pas pour les Arabes en Israel.” The Electronic Intifada, 5 Mars 2008.
[3] http://zope.gush-shalom.org/
[4] Alternative Information Center, “L’Economie de l’Occupation: le Boycott Universitaire d’Israel,” Octobre 2009.
et SOAS Palestine Society, “Document d'information Urgent: Université de Tel Aviv, un important Centre de recherches militaires israélien.” Février 2009.
[5] SOAS, idem.
En Juin 2010, lors de la préparation du vote de la Knesset, le gouvernement israélien a approuvé le projet de loi; Le Premier ministre Netanyahu aurait déclaré : «Le besoin d’aider les soldats démobilisés et de promouvoir la périphérie fait partie du consensus national." [1]
Cette utilisation manifeste des établissements d'enseignement supérieur pour renforcer la colonisation israélienne des terres palestiniennes n’est, cependant, pas nouvelle. Depuis la création de l'Etat d'Israël sur les ruines de la société palestinienne, un profond partenariat entre les universités et l'appareil militaro-sécuritaire a été emblématique de la très militarisée société israélienne.
L’une des caractéristiques les plus remarquables d'Israël, c’est la normalisation de l'armée dans presque tous les aspects de la vie. L'omniprésence de l'armée n’est pas remarquée et ne provoque pas de commentaires ou de controverses dans le public, y compris chez les intellectuels, les artistes et les personnalités publiques.
Dans un pays très mobilisé militairement, remettre en question la militarisation du système éducatif n’est pas fait de bon cœur, et va à l’encontre du consensus national qui considère l’impérieuse présence militaire comme naturelle, voire nécessaire, faisant partie du tissu de vie «civique».
Parmi les universitaires, les discussions sur l'autonomie des universités ne tiennent généralement pas compte du niveau élevé d'intégration entre l'Université d'un côté et l'industrie militaire et de l’armement de l'autre, ces derniers ayant toujours été un élément basique de la vie dans les grandes universités d'Israël. La complicité inébranlable des Universités israéliennes dans la planification, la promotion et la justification de la politique coloniale et d'apartheid n'est guère abordée.
La véhémente controverse publique concernant le cinéaste palestinien Nizar Hassan est un cas d'espèce.
En Novembre 2007, un an après l'agression massive et meurtrière de l'armée israélienne contre le Liban qui a fait plus d'un millier de morts Libanais, Hassan, un instructeur de la Sapir Academic College à Sderot, au sud d'Israël, a demandé à un étudiant qui venait assister à ses cours en uniforme militaire de ne pas le porter en classe la prochaine fois.
La campagne publique de calomnie et de diffamation contre Hassan qui y a fait suite en dit long non seulement sur la vénération de l'armée dans la société, mais aussi sur sa normalisation au sein des institutions universitaires.
Le président du Collège a ordonné à Hassan de présenter ses excuses à l'élève, en ajoutant: "Vous devez vous référer à votre obligation d'être respectueux envers l'uniforme des FDI et du plein droit de chaque étudiant à entrer dans votre salle de classe en uniforme." [2]
Il n'est donc pas surprenant que le projet de loi à la Knesset mentionné ci-dessus ait été adopté sans aucune contestation en Israël. Le fait que la nouvelle loi soit passée inaperçue indique de façon frappante que les institutions d'enseignement supérieur israéliennes sont tellement intégrées dans l'armée et l'appareil sécuritaire que cela ne mérite pas de commentaires.
Un acte de protestation isolé contre cette loi est venu du mouvement Gush Shalom. Cependant, la protestation montre les limites de la critique de l'État et de la société par les forces «pacifiques» israéliennes qui en gros ne s’opposent pas à la militarisation de l'Université et ne soutiennent pas le plein respect par Israël de ses obligations en vertu du droit international pour mettre fin au système de discrimination raciale à l'intérieur de l'État ou pour permettre aux réfugiés palestiniens d'exercer leur droit au retour dans leurs maisons approuvé par l'ONU.
Dans une lettre adressée aux Chefs de la Commission Universitaire en Israël, Gush Shalom prévient que la proposition de la présente loi par le gouvernement pourrait ajouter "une impulsion considérable" au "mouvement mondial croissant de boycott universitaire contre les universités israéliennes." Le silence des institutions universitaires israéliennes face à cela, souligne à juste titre la déclaration, permettra d'intensifier leur «complicité avec l'occupation."
La seule inquiétude soulevée dans cette protestation, c’est qu'une loi sur l'aide aux soldats libérés qui "aiderait aussi les régions périphériques» fournira en réalité «un avantage spécial et un encouragement" aux établissements scolaires dans «les colonies d'Ariel, d’Elkana et d’Alon Shvut». [3]
Ce qui manque dans la déclaration, c’est une mention au fait que la complicité des institutions universitaires israéliennes va bien au-delà de l’apathie envers les établissements d’enseignement supérieur-colonies mentionnés pour couvrir un plus large éventail de domaines, quand l’Enseignement joue un rôle clé en fournissant la logique et la justification - et souvent les plans - de la purification ethnique, des exécutions extrajudiciaires, de la colonisation et de la déshumanisation.
D’après PACBI, la complicité des institutions universitaires avec l'occupation israélienne et l'ensemble du système d'apartheid et d'oppression coloniale à l’égard des Palestiniens ne se limite pas au Collège d’Ariel ou à la poignée d'établissements universitaires dans les colonies illégales israéliennes en Cisjordanie Occupée – il est intéressant de noter l’absence de l'Université Hébraïque du Mont Scopus, la première «université-colonie» à avoir été construite par Israël.
Donc, la protestation de Gush Shalom reste bien en deçà du consensus national en Israël qui ne remet pas en cause le partenariat fondamental entre les universités et l'appareil militaro-sécuritaire qui nie au peuple palestinien son droit à l'autodétermination et d'autres droits fondamentaux.
Le partenariat entre l’Université et l'armée a pris de nombreuses formes.
D’abord, il y a le premier modèle colonial classique d’universitaires travaillant indifféremment dans l'Enseignement et en tant que conseillers et administrateurs dans l'appareil militaro-sécuritaire.
Consentir et même encourager des universitaires à servir dans les forces de réserve chaque année au sein d'un groupe d'âge précis est un autre aspect important de cette complicité.
Mais encore, il y a la tradition d'intégration des membres et des institutions de l'armée au sein des universités, comme dans les projets Talpiot et Psagot du programme de « réserve universitaire» dans plusieurs grandes universités.
L’arène la plus critique où cette collusion est manifeste, c'est la solide coopération entre les universités de recherche et l'industrie de l'armement, ce qui implique directement les Universités dans le soutien à l’exécution de crimes de guerre et autres violations graves du droit international. Certaines de ces facettes d'intégration sont analysées dans deux excellents rapports de l'Alternative Information Center à Jérusalem et de la SOAS Palestine Society. [4]
Il n'y a pas eu de protestation palpable en Israël contre la complicité des Universités avec l'armée et les institutions qui y sont liées, même après l'assaut massif contre la Bande de Gaza pendant l'hiver 2008-2009, lorsque l'armée israélienne a lâché toute la force de son arsenal meurtrier sur la population et les infrastructures civiles de Gaza, en détruisant des dizaines de bâtiments universitaires et des écoles, parmi d'autres "cibles" civiles dans le cadre de sa "Doctrine Dahiya" de force disproportionnée développée par l'Institut pour les Etudes de Sécurité Nationale (INSS) de l’Université de Tel Aviv. [5]
Bien que cette agression criminelle ait galvanisé de nombreux groupes de solidarité internationale et revigoré le mouvement de BDS dans le monde entier, elle semble avoir eu un effet contraire dans les universités israéliennes: le train-train habituel, ou pire.
Un exemple particulièrement révélateur et représentatif est l’Université de Haïfa, faussement qualifiée d’institution «libérale» qui privilégie la «coexistence», qui, à l’époque de "Plomb durci" a déployé un immense drapeau israélien sur sa tour de 30 étages, presque littéralement "enveloppée dans le drapeau", comme signe de soutien à la guerre d'Israël contre Gaza et pour montrer que l'Université "se tenait derrière les soldats», comme l'a déclaré son président.
Il n’y a pas que le gouvernement israélien et la Knesset qui soutiennent les soldats, après tout.
Notes:
[1] Déclaration du Premier ministre Netanyahu
[2] Jonathan Cook, “Liberté d’expression? Pas pour les Arabes en Israel.” The Electronic Intifada, 5 Mars 2008.
[3] http://zope.gush-shalom.org/
[4] Alternative Information Center, “L’Economie de l’Occupation: le Boycott Universitaire d’Israel,” Octobre 2009.
et SOAS Palestine Society, “Document d'information Urgent: Université de Tel Aviv, un important Centre de recherches militaires israélien.” Février 2009.
[5] SOAS, idem.