Après une période de relative accalmie — qui aura finalement été de courte durée —, le Liban renoue avec la tension. Cela semble avoir commencé après les accusations portées contre le Hezbollah dans l’affaire de l’assassinat de Rafik Hariri. Pensez-vous que ce pays est encore sur le point de rentrer dans un nouveau cycle de violence ?
Il ne fait aucun doute qu’il y a plusieurs tentatives de déstabilisation du pays qui se déroulent en même temps depuis plusieurs mois. Tout d’abord, il y a les fuites organisées depuis un an, à partir d’un article du quotidien allemand Der Spiegel, sur l’implication supposée du Hezbollah dans l’assassinat de M. Hariri par le Tribunal international. Ces fuites ont été amplifiées par de nombreuses déclarations récentes d’officiels israéliens. Tout autant que la piste syrienne, cette piste est une pure fantaisie destinée à provoquer des troubles dans le pays. Par ailleurs, l’activisme récent du contingent français de la Finul au sud du Liban pour tenter de découvrir des caches d’armes du Hezbollah a aussi fait monter la tension avec la population locale. Enfin, il faut noter la multiplication des provocations renouvelées de l’armée israélienne sur la ligne bleue ayant marqué son retrait du sud du Liban en 2000, sous les coups trop durs qui lui avaient été portés par les résistants du Hezbollah.
Ce serait un peu la goutte qui aura fait déborder le vase...
Ces provocations ont fini par amener, la semaine dernière, l’armée libanaise à ne plus se taire devant la passivité de la Finul et à ouvrir le feu pour arrêter les tentatives permanentes d’infiltration au-delà de cette ligne, ce qui a été une très bonne chose pour le Liban qui a ainsi montré le peu de cas que faisait la Finul des agressions israéliennes quotidiennes à la souveraineté libanaise. Le Liban a aussi rappelé à Israël et aux puissances occidentales que l’armée libanaise ne restera pas les bras croisés en cas de conflit ouvert au sud du Liban. Ceci ne veut pas dire du tout que nous sommes au bord de nouveaux affrontements politiques ou militaires interlibanais, car d’abord l’armée est une garante très efficace de la paix civile, mais aussi la conduite jusqu’ici responsable des grands acteurs locaux, ainsi que le maintien de la coordination syro-saoudienne pour empêcher tout dérapage, ce qui a été récemment consacré par la visite conjointe au Liban du roi d’Arabie saoudite et du président syrien.
Qui aurait, selon vous, le plus intérêt (dans la région ou au Liban même) à voir la situation se dégrader ? Pour quelle raison ?
Il est clair que les mêmes Etats qui ont voulu déstabiliser le Liban par la fameuse résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU de septembre 2004 semblent avoir des velléités de recommencer. La raison en est très simple : porter atteinte à la crédibilité et la popularité du Hezbollah et l’entraîner dans des problèmes internes qui entameraient sa force et sa cohérence. Cela n’a pas marché en 2005-2008, dans une conjoncture plus troublée régionalement qu’aujourd’hui ; je ne pense pas que cela réussira plus dans les circonstances actuelles, alors que sous la politique ultra- agressive de George W. Bush, cela n’a donné aucun résultat.
Etes-vous d’accord avec les nombreux observateurs qui soutiennent que le gouvernement israélien mènera tôt au tard une seconde guerre contre le Liban pour neutraliser durablement les capacités militaires du Hezbollah ?
N’ayant pas réussi à éliminer la force militaire du Hezbollah en 2006, il est normal aujourd’hui qu’Israël, son allié américain et ses alliés européens tentent sa déstabilisation politique qui, dans leur optique, pourrait peut-être créer une conjoncture favorable à une nouvelle opération militaire israélienne contre lui, ayant plus de chances de réussir que celle de 2006. Mais c’est une nouvelle fois sous-estimer la sagesse politique du Hezbollah et de ses alliés locaux, ainsi que l’efficacité de l’équation « Armée libanaise, Résistance et appui populaire » qui a prouvé sa validité au cours de la dernière décennie. Elle a permis, en effet, la libération du sud du Liban en 2000, après 22 ans d’occupation sauvage israélienne ; elle a mis en échec l’armée israélienne qui a voulu pénétrer à nouveau en territoire libanais en 2006, malgré les ravages opérés par les bombardements massifs israéliens d’infrastructures civiles. Enfin, elle a aussi fait avorter tous les efforts déployés pour créer une véritable guerre civile entre sunnites et chiites au Liban et qui ont atteint leur point culminant en 2007-2008.
Qu’est-ce qui, selon vous, constitue l’obstacle majeur à une stabilité durable du Liban ?
Il faut une dose de myopie et de manque de bon sens politique (ou de cynisme) très considérable pour ne pas voir que le comportement de l’axe américano-israélien — et accessoirement l’appui des gouvernements européens à cet axe — est la source de toutes les déstabilisations non seulement du Liban, mais de l’ensemble de la région qui, depuis l’attaque franco-britannique et israélienne sur l’Egypte en 1956, n’a jamais connu de stabilité. Depuis 1990, date de la fin de la guerre froide, le colonialisme occidental le plus cru est revenu dans cette région du monde. Ne pas s’y opposer, ou pire ne pas en prendre conscience, c’est contribuer à maintenir les conditions de la déstabilisation.
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Il ne fait aucun doute qu’il y a plusieurs tentatives de déstabilisation du pays qui se déroulent en même temps depuis plusieurs mois. Tout d’abord, il y a les fuites organisées depuis un an, à partir d’un article du quotidien allemand Der Spiegel, sur l’implication supposée du Hezbollah dans l’assassinat de M. Hariri par le Tribunal international. Ces fuites ont été amplifiées par de nombreuses déclarations récentes d’officiels israéliens. Tout autant que la piste syrienne, cette piste est une pure fantaisie destinée à provoquer des troubles dans le pays. Par ailleurs, l’activisme récent du contingent français de la Finul au sud du Liban pour tenter de découvrir des caches d’armes du Hezbollah a aussi fait monter la tension avec la population locale. Enfin, il faut noter la multiplication des provocations renouvelées de l’armée israélienne sur la ligne bleue ayant marqué son retrait du sud du Liban en 2000, sous les coups trop durs qui lui avaient été portés par les résistants du Hezbollah.
Ce serait un peu la goutte qui aura fait déborder le vase...
Ces provocations ont fini par amener, la semaine dernière, l’armée libanaise à ne plus se taire devant la passivité de la Finul et à ouvrir le feu pour arrêter les tentatives permanentes d’infiltration au-delà de cette ligne, ce qui a été une très bonne chose pour le Liban qui a ainsi montré le peu de cas que faisait la Finul des agressions israéliennes quotidiennes à la souveraineté libanaise. Le Liban a aussi rappelé à Israël et aux puissances occidentales que l’armée libanaise ne restera pas les bras croisés en cas de conflit ouvert au sud du Liban. Ceci ne veut pas dire du tout que nous sommes au bord de nouveaux affrontements politiques ou militaires interlibanais, car d’abord l’armée est une garante très efficace de la paix civile, mais aussi la conduite jusqu’ici responsable des grands acteurs locaux, ainsi que le maintien de la coordination syro-saoudienne pour empêcher tout dérapage, ce qui a été récemment consacré par la visite conjointe au Liban du roi d’Arabie saoudite et du président syrien.
Qui aurait, selon vous, le plus intérêt (dans la région ou au Liban même) à voir la situation se dégrader ? Pour quelle raison ?
Il est clair que les mêmes Etats qui ont voulu déstabiliser le Liban par la fameuse résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU de septembre 2004 semblent avoir des velléités de recommencer. La raison en est très simple : porter atteinte à la crédibilité et la popularité du Hezbollah et l’entraîner dans des problèmes internes qui entameraient sa force et sa cohérence. Cela n’a pas marché en 2005-2008, dans une conjoncture plus troublée régionalement qu’aujourd’hui ; je ne pense pas que cela réussira plus dans les circonstances actuelles, alors que sous la politique ultra- agressive de George W. Bush, cela n’a donné aucun résultat.
Etes-vous d’accord avec les nombreux observateurs qui soutiennent que le gouvernement israélien mènera tôt au tard une seconde guerre contre le Liban pour neutraliser durablement les capacités militaires du Hezbollah ?
N’ayant pas réussi à éliminer la force militaire du Hezbollah en 2006, il est normal aujourd’hui qu’Israël, son allié américain et ses alliés européens tentent sa déstabilisation politique qui, dans leur optique, pourrait peut-être créer une conjoncture favorable à une nouvelle opération militaire israélienne contre lui, ayant plus de chances de réussir que celle de 2006. Mais c’est une nouvelle fois sous-estimer la sagesse politique du Hezbollah et de ses alliés locaux, ainsi que l’efficacité de l’équation « Armée libanaise, Résistance et appui populaire » qui a prouvé sa validité au cours de la dernière décennie. Elle a permis, en effet, la libération du sud du Liban en 2000, après 22 ans d’occupation sauvage israélienne ; elle a mis en échec l’armée israélienne qui a voulu pénétrer à nouveau en territoire libanais en 2006, malgré les ravages opérés par les bombardements massifs israéliens d’infrastructures civiles. Enfin, elle a aussi fait avorter tous les efforts déployés pour créer une véritable guerre civile entre sunnites et chiites au Liban et qui ont atteint leur point culminant en 2007-2008.
Qu’est-ce qui, selon vous, constitue l’obstacle majeur à une stabilité durable du Liban ?
Il faut une dose de myopie et de manque de bon sens politique (ou de cynisme) très considérable pour ne pas voir que le comportement de l’axe américano-israélien — et accessoirement l’appui des gouvernements européens à cet axe — est la source de toutes les déstabilisations non seulement du Liban, mais de l’ensemble de la région qui, depuis l’attaque franco-britannique et israélienne sur l’Egypte en 1956, n’a jamais connu de stabilité. Depuis 1990, date de la fin de la guerre froide, le colonialisme occidental le plus cru est revenu dans cette région du monde. Ne pas s’y opposer, ou pire ne pas en prendre conscience, c’est contribuer à maintenir les conditions de la déstabilisation.