Mohamad Qodwa, président de la Chambre de commerce palestinienne et ex-gouverneur de Gaza, évoque la situation politique et économique de la bande de Gaza.
Al-Ahram Hebdo : La question du blocus dont souffre la bande de Gaza est remise sur le tapis depuis l’assaut israélien meurtrier contre la flottille humanitaire de la Liberté. Pensez-vous que cette médiatisation peut contribuer à la levée du blocus ?
Mohamad Qodwa : Je pense que le gouvernement israélien n’a pas l’intention de mettre fin au blocus définitivement. Par exemple, les Israéliens interdisent toujours le passage de matériaux de construction sous prétexte qu’ils représentent une menace pour la sécurité israélienne. Or, lever le blocus est lié à la situation politique et sécuritaire dans la région. Les Israéliens lient ce dossier à celui de la libération du soldat israélien Gilad Shalit et à ce qu’ils nomment la stabilité sécuritaire sur leurs frontières.
— Justement, qu’en est-il de la situation politique alors que le Fatah et le Hamas peinent à parvenir à une réconciliation ?
— La réconciliation interpalestinienne n’aura pas lieu sans l’intervention de l’Egypte, qui n’a ni d’intérêt ni d’ambitions dans la région. Le mouvement du Fatah a déjà signé le papier égyptien pour la réconciliation et maintenant c’est au tour du Hamas d’approuver et de mettre en application cette initiative. Cet accord a été proposé après plusieurs rounds de négociations entre les deux mouvements, il vise à mettre fin aux conflits interpalestiniens. Cependant, il semble qu’il y a des parties régionales qui profitent de ce désaccord interne et qui cherchent à préserver ce différend. Or, la réconciliation est la solution pour résoudre tous les problèmes en suspens. A ce moment-là seulement, Israël pourrait négocier la levée du blocus.
— Concrètement parlant, la situation dans la bande de Gaza s’est-elle améliorée avec la récente campagne internationale de solidarité ?
— L’attaque israélienne contre la flottille humanitaire a simplement mis les problèmes de Gaza au centre des intérêts internationaux après une période d’oubli et même d’adaptation de la part d’une population qui vit des conditions humanitaires très précaires sous le blocus. Cependant, Gaza reste toujours une grande prison. Je n’imagine pas une région dans le monde d’où les habitants n’ont pas le droit de sortir. C’est ce que nous vivons à Gaza. En plus des autres conséquences du blocus qui a détruit notre infrastructure. Nous avons besoin d’au moins dix ans pour reconstruire la bande de Gaza.
— L’ouverture du terminal de Rafah par le gouvernement égyptien n’a-t-elle pas participé à alléger le blocus ?
— Le gouvernement égyptien a pris la responsabilité d’ouvrir le terminal pour alléger la souffrance des Gazaouis. Cependant, il y a un accord entre l’Egypte, Israël et l’Autorité palestinienne qui impose une coordination entre les différentes parties pour ouvrir le terminal. Ce qui rend son ouverture une question épineuse.
— En tant que président de la Chambre de commerce palestinienne, pouvez-vous nous parler en chiffres de la situation économique à Gaza sous le blocus ?
— La situation économique est catastrophique. Les secteurs économique et commercial sont en train de s’effondrer. 90 % des usines ont fermé leurs portes à cause de l’interdiction d’entrée des matières premières. Les exportations et les importations sont paralysées. Avant le blocus, Israël autorisait l’entrée à Gaza de 400 produits différents, contre 120 uniquement aujourd’hui. Seules les marchandises entrées par contrebande permettent aux Gazaouis de prendre leur souffle. Les exportations des fleurs et des fraises, dont Gaza est réputée, ont été détruites alors que nous étions classés deuxièmes au niveau mondial pour l’exportation des fleurs. Le taux de chômage s’élève à 74 % de la population active. Même la chambre de commerce est menacée de fermer ses portes du jour au lendemain.
Propos recueillis par : Doaa Khalifa Avec Nader Taman