Monique Mas
[L’"allègement" du blocus de Gaza a permis à] Barack Obama de réaffirmer le soutien américain aux préoccupations sécuritaires d’Israël en lui évitant une enquête internationale. En retour, il attend un gage de bonne volonté de Benyamin Netanyahu.
Le président américain Barack Obama et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu se retrouvent aujourd’hui, 6 juillet 2010, à la Maison Blanche après plusieurs épisodes de tension liés en particulier à la poursuite de la colonisation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, mais aussi au blocus du territoire palestinien de Gaza sous contrôle du Hamas islamiste. Un embargo qui porte aussi ombrage aux relations d’Israël avec la Turquie au grand dam de leur allié américain. Plus largement, c’est à la diplomatie occidentale que Benyamin Netanyahu doit apporter des gages de bonne volonté israélienne, Barack Obama comptant sur cette rencontre pour redorer son aura internationale en obtenant la reprise des négociations israélo-palestiniennes.
Visiblement, cette fois, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est demandeur de négociations directes avec les Palestiniens en place des « proximity talks », les pourparlers indirects qui sont du reste quasiment au point mort malgré les efforts du médiateur américain George Mitchell. A l’instar de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, Benyamin Netanyahu espère lui aussi donner à penser que le blocage des négociations incombe à ses adversaires. Quant à Barack Obama, il entend au moins éviter de voir le dossier dériver vers une proclamation unilatérale d’un Etat palestinien, ce qui mettrait les Occidentaux dans l’embarras.
Casserole régionale
Cette visite à Washington tant attendue, Benyamin Netanyahu doit l’accomplir en traînant « une casserole » régionale déplaisante pour l’administration Obama car elle concerne la Turquie, traditionnelle place-forte de l’influence américaine. Or le ton n’a pas cessé de monter entre les deux alliés de Washington depuis le 31 mai dernier et l’arraisonnement sanglant par l’armée israélienne de la flottille humanitaire internationale qui avait tenté de braver le blocus de Gaza, le territoire palestinien sous contrôle du Hamas islamiste.
La Turquie demande excuses et dédommagements pour ses neufs ressortissants tués au cours de l’opération. Israël invoque son droit souverain à la sécurité. Lundi 5 juillet, Ankara a même interdit le ciel turc aux avions militaires israéliens et rappelé son ambassadeur. En décembre 2008, c’est l’opération de représailles israéliennes contre Gaza, « Plomb durci », qui avait incité le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas à suspendre les négociations directes. C’était aussi déjà le sort fait à Gaza qui avait jeté un froid dans les relations israélo-turques. Depuis lors, le blocus israélien du territoire palestinien est régulièrement l’objet de critiques internationales, l’affaire de la flottille portant à son comble l’indignation de ses détracteurs.
Israël a dû alléger son embargo, autorisant notamment lundi 5 juillet 2010 l’accès à Gaza de matériels de construction destinés à la réalisation de projets internationaux en faveur de l’Autorité palestinienne. La Maison Blanche a très officiellement salué l’initiative. En même temps, Washington a veillé à ce que la rupture ne soit pas consommée entre Israël et la Turquie. Et comme le souligne le directeur des programmes du think tank International Crisis Group, Robert Malley, ce bras de fer a été l’occasion pour Barack Obama de réaffirmer le soutien américain aux préoccupations sécuritaires d’Israël en lui évitant une enquête internationale. En retour, il attend un gage de bonne volonté de Benyamin Netanyahu.
Gel de la colonisation contre négociations directes
En mars dernier, lors de sa précédente venue à Washington, Benyamin Netanyahu avait quitté les Etats-Unis dans une atmosphère rendue glaciale par l’annonce israélienne de construire 1 600 logements de plus dans les Territoires palestiniens que ses colonies de peuplement ne cessent de grignoter. A la signature des Accords d’Oslo, en septembre 1993, sous Yitzak Rabin et Yasser Arafat, la Cisjordanie comptait 100 000 colons israéliens. Aujourd’hui, ils sont au moins 300 000. Il y aurait en outre 200 000 colons israéliens installés à Jérusalem-Est [1].
La colonisation immobilière s’est poursuivie en infraction totale avec les résolutions des Nations unies. Et sous la pression internationale, fin 2009, Israël s’était engagé à geler son programme de construction pendant 10 mois. Ce moratoire arrive à échéance le 27 septembre prochain, l’automne de tous les dangers, mais aussi une occasion à saisir comme l’indique l’analyste politique israélien Denis Charbit. D’après lui, « Benyamin Netanyahu pourrait accepter de reconduire le gel du programme de construction de 6 à 9 mois, en échange de quoi il demanderait à Mahmoud Abbas de revenir à des négociations directes ». C’est aussi ce que souhaite Barack Obama.
Gagner quelques mois de répit dans la colonisation israélienne, c’est très important aussi pour le président américain. Cela peut permettre le pire, c’est-à-dire par exemple de voir la Ligue arabe mettre à exécution sa menace de demander au Conseil de sécurité la reconnaissance d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967. Pour sa part, à défaut d’entrer dans ce que les Palestiniens considèrent comme le cœur du sujet, à savoir la question des frontières, des réfugiés et du futur statut de Jérusalem, Mahmoud Abbas pourrait se contenter dans l’immédiat de sauver la face avec une ouverture israélienne.
Comme le souligne Robert Malley, le défi à relever pour l’administration Obama, c’est de saisir l’occasion de la nécessité israélienne de se refaire une façade diplomatique et de trouver la « couverture politique » nécessaire à un retour du président de l’Autorité palestinienne à la table des négociations. Le tout sans avoir à parler d’échec des « proximity talks ». Cela permettrait aussi au président Obama d’afficher un succès personnel dans un dossier crucial pour les Etats-Unis, au plan intérieur et diplomatique.