Le Monde
Après plusieurs jours de négociations avec Washington, Israël a finalement annoncé la création d’une "commission publique indépendante" avec participation étrangère, deux semaines après l’assaut contre la flottille internationale qui a fait neuf morts.
L’ONU et plusieurs pays, dont la France et la Grande-Bretagne, avaient réclamé une commission internationale, une proposition rejetée par l’Etat hébreu, qui veut mener l’enquête par ses propres moyens. La commission israélienne aura pour mission d’"enquêter sur les aspects relatifs à l’action entreprise par l’Etat d’Israël pour empêcher des navires d’atteindre les côtes de Gaza", selon un communiqué du bureau du premier ministre, Benyamin Nétanyahou.
Dans un éditorial, le quotidien Haaretz dénonce "les efforts du gouvernement pour éviter une enquête approfondie et crédible" qui "s’apparentent de plus en plus à une farce" et appelle le juge Yaakov Tirkel, nommé à la tête de la commission, à démissionner. Cet ancien magistrat à la Cour suprême se retrouve en porte-à-faux, estime Haaretz, après avoir prôné un autre type de commission quelques jours seulement avant sa nomination.
LES MÉDIAS EXAMINENT LE PARCOURS DES OBSERVATEURS INTERNATIONAUX
La nomination de deux observateurs internationaux – sans droit de vote – répond aux demandes de la communauté internationale et particulièrement des Etats-Unis, qui avait réclamé une "participation internationale" à l’enquête. Mais l’impartialité de David Trimble, ancien premier ministre d’Irlande du Nord et nommé dimanche 13 juin, est sujette à caution. Le Prix Nobel de la paix 1998 ferait partie de l’initiative "Friends of Israël", qui aurait été inaugurée à Paris lundi 31 mai, précisément le soir de l’assaut. Le groupe se définit comme "une initiative pour lutter contre la délégitimisation de l’Etat d’Israël". Il compte notamment en son sein José Maria Aznar, l’ancien premier ministre espagnol. La cérémonie aurait été introduite par Dore Gold, ancien ambassadeur d’Israël auprès des Nations unies et proche de Benyamin Nétanyahou.
Le parcours de l’autre observateur international, le général KenWatkin, ex-avocat de l’armée canadienne, est davantage salué. Comme l’explique le journal canadien The Chronicle Herald, Ken Watkin est notamment connu pour son implication auprès de l’armée candienne en Afghanistan. Dans un mémo envoyé à l’état-major canadien, dans le cadre de son travail, il rappelait qu’ignorer volontairement des faits de maltraitance sur des prisonniers était un crime. Le ministre des affaires étrangères canadien a déclaré que la carrière de Watkin le recommandait pour ce rôle.
LA TURQUIE N’A PAS CONFIANCE
De son côté, la Turquie s’est déclarée insatisfaite de ce compromis. "Nous n’avons pas du tout confiance dans le fait qu’Israël, un pays qui a perpétré une telle attaque sur un convoi civil dans les eaux internationales, mènera une enquête impartiale", a déclaré le ministre des affaires étrangères turc, Ahmet Davutoglu, à la presse lundi 14 juin. Le gouvernement insiste sur la création d’une commission d’enquête "sous le contrôle direct des Nations unies", qui incluerait des représentants turcs et israéliens. Le pays est concerné au premier rang par cette enquête puisque les neuf personnes tuées lors de l’assaut avaient la nationalité turque (l’une d’entre elles possédait également la nationalité américaine) [1].
Israël avait rejeté à plusieurs reprises une commission d’enquête internationale, expliquant qu’"Israël est une démocratie". "Israël a la capacité et le droit d’enquêter par lui-même, de ne pas être l’objet d’une investigation par une instance internationale", expliquait son ambassadeur aux Etats-Unis, Michael Oren.
Les Etats-Unis ont estimé qu’une "présence internationale" au sein de la commission "conforterait la crédibilité" de l’enquête. La Maison Blanche a précisé qu’elle ne "préjugeait pas de l’issue du processus et attendrait ses résultats avant de tirer des conclusions."
[1] par ailleurs, toujours selon le Monde,
Richard Falk [est] "très sceptique"
Le rapporteur spécial de l’ONU pour les territoires palestiniens, Richard Falk, s’est déclaré lundi "très sceptique" sur la commission approuvée par Israël pour enquêter sur le raid israélien contre la flottille pour Gaza. Il a estimé qu’une "enquête extérieure et indépendante" aurait été bien préférable.
"Le type de déclarations faites par les responsables politiques israéliens sur le fait que les militaires israéliens qui ont participé à l’opération navale ne seraient soumis à aucun interrogatoire (...) soulève des questions sur la crédibilité d’une telle enquête", a répondu M. Falk à la presse après avoir présenté son rapport pour la période des derniers six mois.
"Aucune des allégations graves concernant la tactique, l’armement et l’attaque elle-même n’ont été soumis à une analyse objective" durant l’enquête sur l’attaque contre la bande de Gaza, a ajouté l’expert onusien.