mardi 15 juin 2010

En Irlande du Nord, un parfum de conflit israélo-palestinien

publié le lundi 14 juin 2010
Jean-Baptiste Allemand

 
Dans un pays envahi pendant des siècles par les voisins anglais, il y a une solidarité naturelle envers les populations dont on estime qu’elles subissent le même sort.
Il n’y a pas que dans les grandes métropoles européennes qu’on se mobilise pour Gaza. En Irlande du Nord, des manifestations pro-palestiniennes ont réuni des centaines de personnes à Derry/Londonderry ou à Belfast. Une réunion d’urgence sur la situation à Gaza a même eu lieu au Parlement nord-irlandais, pour discuter d’un éventuel appel à la levée du blocus sur Gaza.
Le fait que le Rachel Corrie (navire arraisonné samedi matin sans violence) battait pavillon irlandais est tout sauf surprenant. Dans un pays envahi pendant des siècles par les voisins anglais, il y a une solidarité naturelle envers les populations dont on estime qu’elles subissent le même sort.
« On comprend les Palestiniens »
En Irlande du Nord, où une partie de la population pense qu’elle est toujours sous colonisation britannique, le sentiment est décuplé. Les peintures murales à la gloire des causes basque ou catalane ne sont pas rares dans les quartiers républicains.
Mais les plus fréquentes et populaires, ce sont celles qui soutiennent le peuple palestinien. « Les oppressions, les spoliations de terres, on comprend ça, explique le muraliste républicain Danny Dennevy. La même chose est arrivée ici sous la domination britannique ».
Celui qui est à l’origine de nombreuses fresques murales à Belfast avait déjà dénoncé l’intervention israélienne à Gaza de l’hiver 2008, avec une peinture on ne peut plus explicite. Visiblement, il est très remonté contre l’opération navale meurtrière de cette semaine :
« Je vais peindre une nouvelle fresque dès lundi pour montrer cette horreur. »
« Soutien à Israël » chez les loyalistes
Par contre, du côté unioniste, on est loin de partager cette position. Jonathan Bell, député DUP (principal parti unioniste), a défendu à l’Assemblée « le droit d’Israël à se défendre », en mettant l’accent sur « les roquettes qui ont tué des écoliers israéliens »
Il n’est pas rare de voir des drapeaux loyalistes affichant une étoile de David englobant la main rouge de l’Ulster, symbole national ici. Un jour, un habitant de Belfast-Est ne s’était pas démonté après ma question sur l’emblème surplombant sa maison : « C’est pour montrer notre soutien à Israël ». Au plus fort de la seconde Intifada, certains quartiers loyalistes étaient même parsemés de drapeaux israéliens.
Certains y comparent les « terroristes » du Hamas et ceux de l’IRA, les attaques à la roquette contre les civils israéliens et les explosions de bombes contre les policiers nord-irlandais. D’autres font même le parallèle entre les souffrances, les siècles passés, des Juifs et celles des protestants.
Mais chez les républicains, on affirme que ce soutien est artificiel, qu’il n’existe qu’en réaction à leurs positions pro-palestiniennes. Un petit côté « les ennemis des amis de mes ennemis sont mes amis » (Vous suivez ? ).
Sinn Féin et Hamas gardent contact
A moins que la raison première de tout cet antagonisme ne soit beaucoup plus obscure… La solidarité entre les peuples n’est jamais aussi accomplie que quand elle permet de faire la guerre pour sa propre cause.
Dans les années 80, l’IRA a eu des liens étroits avec l’OLP de Yasser Arafat, au point d’être soupçonnée de lui avoir fourni entraînement et explosifs. Aujourd’hui, le Sinn Féin, ancienne aile politique de l’IRA ayant renoncé à la violence, garde encore des contacts politiques avec le Hamas, qualifié de mouvement terroriste par l’UE et les USA.
De leur côté, les paramilitaires loyalistes (notamment l’UDA) pourraient avoir été armés avec la bénédiction… du Mossad. A chaque soubresaut du conflit israélo-palestinien, le risque est le même ici : revoir surgir les fantômes du passé.