dimanche 23 mai 2010

Le boycott vise les stars, d’Elvis à Elton

samedi 22 mai 2010 - 18h:54
Nathan Guttman - JDF
C’était une plume dans le chapeau des militants pro-boycott, mais pour les Israéliens, ce fut un revers majeur.
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Parmi d’autres, Gil Scott-Heron a rejoint le mouvement des artistes pour le boycott
Avec des lignes de front passant par salles de concerts et stades accueillant des groupes de rock, la décision de la méga-star Elvis Costello d’annuler ses concerts prévus en Israël est vue comme un changement de partie.
Dans une déclaration mise sur son site, Costello a décrit sa décision comme une « question d’instinct et de conscience ». Le Ministre de la culture Limor Livnat a répondu en disant que Costello « n’est pas digne » de jouer en Israël.
Le mouvement pour un boycott culturel d’Israël a augmenté ses activités ces dernières années, ciblant stratégiquement des artistes prévus pour s’y produire. Jusqu’à peu, la campagne a eu un succès limité. Elle n’a pu empêcher Paul Mc Cartney et Leonard Cohen de donner des concerts en Israël, mais a été fière des réponses positives de plusieurs auteurs et poètes.
Bien d’autres stars, comme Madonna, sont restées de marbre devant la campagne de boycott culturel, jouant avec succès en Israël jusqu’à récemment.
Mais l’action de Costello est le premier ralliement au mouvement de boycott par un artiste de 1ere classe en protestation à la politique d’Israël en Cisjordanie et à son siège de Gaza. Dans une déclaration détaillée, l’artiste a argumenté qu’il ne pouvait pas se produire en Israël parce qu’en y allant « on pourrait considérer qu’on ne se soucie pas de la souffrance de l’innocent .
« On vit dans l’espoir que la musique est plus qu’un simple bruit, remplissant le temps vide, que ce soit pour réjouir ou pleurer », écrit Costello dans sa déclaration.
Il a suggéré que sa décision avait été complexe et difficile. « Je dois croire que l’audience des concerts à venir aurait compris bien des gens qui s’interrogent sur la politique de leur gouvernement dans les colonies et qui déplorent les conditions qui causent intimidation, humiliation et bien pire aux civils Palestiniens au nom de la sécurité nationale », écrit-il. « Je suis aussi très conscient de la sensibilité sur ces thèmes à la suite de tant d’actes méprisables de violence perpétrés au nom de la libération .
« J’offre des sincères excuses pour toute déception des détenteurs de billets ainsi qu’aux organisateurs ».
En réaction, un initié de l’industrie musicale a confirmé que les vents pouvaient bien tourner. Le producteur musical, qui a demandé l’anonymat en raison de ses liens d’affaire avec les artistes, a dit que ces mois derniers il avait contacté plus de 15 artistes en activité avec des propositions pour donner des concerts en Israël. Aucun n’avait accepté. Les contrats offraient des cachets élevés. Il les a appelé « des chiffres extrêmement gros qui pouvaient comparer avec n’importe quel autre concert de rock ».
Une autre campagne de boycott réussie a été dirigée vers le poète et chanteur Gil Scott-Heron. Peu après avoir annoncé son plan de jouer à Tel Aviv le 25 mai, Scott-Heron, dont l’activisme politique est connu, a été harcelé par les supporters du mouvement de boycott, qui l’ont appelé à annuler sa visite. Le concert de Scott-Heron du 24 avril à Londres a été interrompu par des protestataires pro-palestiniens et à la fin du show, il a annoncé son annulation de la tournée à Tel-Aviv.
Une lettre envoyée à Scott-Heron par plus de 50 groupes et artistes pro-boycott a félicité la décision comme morale. « Vous avez choisi de vous tenir du bon côté de l’Histoire », dit la lettre.
Les vues progressistes de Scott-Heron et ses positions politiques publiques ont fait de lui une cible prioritaire du mouvement de boycott. Les organisateurs ont expliqué qu’ils avaient focalisé sur des artistes dont ils croyaient qu’ils pouvaient être ouverts à l’idée de boycotter culturellement Israël. « Bien sûr, nous ne pouvons pas viser tout le monde, alors nous distinguons ceux dont nous pensons qu’ils seront plus réceptifs et ouverts sur la question », dit Hannah Mermelstein, une porte parole d’Adalah-New York, la campagne de New York pour le boycott d’Israël.
Mais les groupes s’adressent aussi à des artistes dont les concerts en Israël sont prévus pour des ventes de dizaines de milliers de billets.
Actuellement, l’accent est sur Elton John, qui est prévu pour un concert à Tel Aviv le 17 juin. Un clip [http://www.youtube.com/watch ?v=9HSClZbhB5g, ndt] qui circule sur le Web montre une séquence du hit d’Elton John de 1976 « Sorry Seems to Be the Hardest Word ». La parodie remplace les paroles originelles de la chanson par un appel à annuler le show prévu « Always seems to me that boycott seems to be the hardest word » [Il me semble toujours que boycott semble être le mot le plus dur].
D’autres artistes à haut profil visés sont Bob Dylan, qui prévoit un concert en Israël fin mai, et Joan Armatrading, engagée pour deux shows la première semaine de juin. La chanson critique Elton John pour avoir joué en Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid et dit que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou utilise le tourisme gay en Israël dans le cadre de la campagne de réhabilitation du pays. Le clip appelle John à ne pas permettre à « Bibi de vous utiliser comme son Band-Aid gay ». [Band-Aid : marque de pansement adhésif très utilisé aux USA, ndt].
Mais dans la bataille de l’opinion publique, bien d’autres noms ont été jetés dans le débat. Ils incluent des artistes qui ont planifié des concerts en Israël ou indiqué leur souhait d’y aller, mais qui se sont retirés ensuite sans donner les raisons de leurs décisions.
C’est le cas du légendaire guitariste Carlos Santana, qui avait prévu un arrêt en Israël dans le cadre d’une tournée en Europe et au Moyen-Orient. Des milliers de billets pour le concert prévu pour avoir lieu dans un grand stade de foot de Jaffa avaient déjà été vendus avant que Santana et son groupe n’annoncent que le concert était annulé en raison de « conflits de programmation imprévus ». Le quotidien israélien Yediot Aharonot cita des sources anonymes de la société de production israélienne disant que Santana avait été sous « la pression de personnalités anti-israéliennes » pour annuler la visite.
Une autre absence a été le rappeur Snoop Sogg, qui s’est retiré d’une performance prévue en Israël a cause de « difficultés contractuelles ». Dans ce cas il n’est pas clair si la décision fut une réponse à la pression à boycotter Israël ou à une vente lente de billets.
Les militants du Boycott, Désinvestissements et Sanctions, cependant, ont inclus ces artistes dans une liste de musiciens qui ont refusé de se produire en Israël, laissant entendre que leur décision d’annuler était mue par des considérations politiques.
Mermelstein, la porte parole d’Adalah, a dit que même quand des artistes citent officiellement des raisons logistiques à leur annulation, ce pourrait être un signe qu’ils répondent aux appels au boycott. « La plupart des artistes célèbres ne font pas encore de déclaration publique en soutien au BDS, mais le mouvement commence à être pris en compte, et les artistes y pensent à deux fois avant d’y jouer », dit-elle.
Certains artistes ont déclaré clairement leur soutien au boycott d’Israël et ont déclaré leur refus d’apparaître en Israël. Ce sont plutôt des poètes, des auteurs et des érudits que des artistes sur scène. L’écrivain indienne Arundhati Roy, l’écrivain britannique John Berger, la poétesse Adrienne Rich, le réalisateur Ken Loach, and l’auteur et militante Naomi Klein sont parmi eux.
Les militants BDS des Etats-Unis soulignent qu’en appelant les artistes à boycotter Israël, ils suivent les demandes des Palestiniens sur le terrain qui croient que c’est un moyen efficace de faire pression sur Israël. Ofer Neiman, un militant de Jérusalem, dit que le but est de montrer que l’occupation « a une étiquette de prix attachée ». Il rejette la notion qu’avoir des artistes connus venant en Israël pour y exprimer leur désaccord avec la politique du gouvernement serait plus efficace que le boycott. « Combien de gens ont pris les déclarations anti-occupation de Roger Waters [musicien de rock] à cœur quand il est venu jouer ici en 2006 ? Ce dont se souviennent surtout les gens c’est qu’il est venu jouer ici », dit Neiman.
Malgré les récents succès du mouvement de boycott, les Israéliens sont toujours face à un agenda chargé de concerts et de performances cet été : Elton John, Rod Stewart, Rihanna et les Pixies sont parmi ceux confirmés pour jouer en Israël. Aussi en préparation il y a le plan d’accueillir le rassemblement annuel de MTV, une des productions majeures des chaines musicales, à Tel Aviv.
19 mai 2010 - The Jewish daily Forward - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.forward.com/articles/128185/
Traduction : Jean-Pierre Bouché