JC Lefort
Que 1.400 personnes, venues de 44 pays se soient retrouvées au Caire en pleines fêtes de fin d’année, témoigne d’un fait politique essentiel très profond et particulièrement porteur d’avenir : il y a une volonté manifeste et hautement positive d’internationaliser la question palestinienne par participation populaire !
La « Gaza Freedom March » qui s’est tenue en pleine fêtes de fin d’année 2009 a rassemblé 1.400 personnes venues de 44 pays.
Venus au Caire pour « simplement » transiter vers Rafah, seul point possible pour entrer dans la bande de Gaza, objet d’un blocus illégal et inhumain depuis trois ans, cette liberté de circulation n’a pas été accordée aux Marcheurs dont nous étions.
Il en a résulté diverses initiatives et aussi deux interprétations finales. D’aucuns estiment que « cette marche a été un échec » tandis que d’autres n’hésitent pas à dire que « cette marche a eu plus de succès en ne passant pas à Gaza que si elle y était passée ».
Nous ne partageons ni l’une ni l’autre de ces opinions.
Il est exact que la Marche n’est pas passée à Gaza. C’est dû aux autorités égyptiennes qui, brutalement, ont décidé, juste avant l’arrivée des Marcheurs, de ne pas leur accorder l’autorisation de passer à Rafah.
L’Egypte a ainsi pris d’emblée, et pas toute seule à l’évidence, eu égard à sa politique générale, un risque considérable. Elle est en effet devenue la « cible » de la colère de l’opinion internationale, alors que celle-ci, un an après les événements sanglants de Gaza, aurait dû s’en prendre aux autorités israéliennes, gravement mises en cause par le rapport du juge Richard Godstone, lequel a été adopté par l’Assemblée générale des Nations unies.
Nous n’avons eu de cesse, sur place, pour ce qui nous concerne, d’appeler les Egyptiens à la raison. Nous avons souligné avec force que transiter dans un pays ne devait pas conduire à s’ingérer dans les affaires intérieures de ce pays en quoi que ce soit et surtout qu’un piège leur était tendu : « le piège de Gaza » tandis que nous voulions dénoncer le « siège de Gaza ». Rien n’y a fait.
Il est vrai que des perches bien longues leur ont été tendues pour se braquer d’avantage contre les Marcheurs. D’aucuns, des Français, « oubliant » l’objectif initial majeur de la Marche qui était d’aller à Gaza, ont pris de manière unilatérale, intempestive et sans la moindre concertation avec les autres, une décision qu’ils ont tenté, de surcroît, d’imposer à tous : mettre en cause uniquement l’Egypte, « oubliant », fort opportunément pour Israël, la responsabilité de ce dernier dans la situation. Et maintenant ceux-là mêmes nous expliquent qu’il valait mieux que la Marche n’aille pas à Gaza !
Passons sur l’initiative peu glorieuse prise par les dirigeants de l’ONG américaine « Code Pink », à l’initiative de la Marche et désormais très fortement contestés pour cette raison, d’avoir négocié solitairement, et dans le dos des Européens, le passage de deux cars pour Gaza. Les voyant pris en main par le Hamas dès la frontière passée à Rafah, nos partenaires palestiniens à Gaza, le PNGO, se sont d’ailleurs retirés de ce « jeu ».
Pour ce qui les concerne, les associations membres du « Collectif national pour une Paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens » ont eu un tout autre comportement.
Elles ont multiplié les contacts avec les autorités locales, mais aussi françaises, européennes et palestiniennes pour obtenir le droit de passage à Rafah afin d’aller à Gaza où la population attendait la Marche. Elles ont, dans le même temps, multiplié les initiatives et les actions concrètes pour faire valoir cette exigence qui était au cœur du projet « Gaza Freedom March ». Leur cible était - et est restée- les autorités israéliennes, même si elles n’ont pas dédouané les décisions prises en Egypte.
C’est ainsi, par exemple, qu’elles ont affrété cinq cars – les cars initialement retenus étant empêchés de partir sur ordre des autorités égyptiennes – pour aller vers Gaza. Elles ne se sont pas résignées au refus et ont trouvé d’autres cars qui ont parcouru 80 kilomètres avant d’être finalement arrêtés et reconduits au Caire.
La Marche n’est pas passée à Gaza. C’est un fait et nous ne nous résignons pas à cette situation. La Marche pour Gaza n’est pas finie, pour nous ! Nous réservons encore à Israël et à ceux qui s’en font les complices quelques surprises, car le siège illégal et inhumain doit être levé et l’impunité israélienne dénoncée, surtout après le rapport Goldstone qu’on ne nous fera pas passer par pertes et profits.
Mais la leçon majeure de cette Marche est à chercher ailleurs.
Que 1.400 personnes, venues de 44 pays se soient retrouvées au Caire en pleines fêtes de fin d’année, témoigne d’un fait politique essentiel très profond et particulièrement porteur d’avenir : il y a une volonté manifeste et hautement positive d’internationaliser la question palestinienne par participation populaire !
Voilà où est le nouveau, l’essentiel. Et l’avenir.
Nous irons à Gaza car sa population continue à souffrir. Et sans attendre nous lançons l’idée suivante : en avril prochain, avec Bil’in, capitale palestinienne de la Résistance non violente, cible privilégiée de la répression israélienne en Cisjordanie, prenons notre première « revanche » : en nous y retrouvant tous, internationaux, citoyens et élus !
Jean-Claude Lefort
Président de l’AFPS
Le 10 janvier 2010
http://www.france-palestine.org/article13704.html