Par Mel Frykberg
Depuis des années, par son assentiment, l’Eglise orthodoxe grecque favorise les tentatives d’Israël de maintenir Jérusalem Est occupée sous sa souveraineté et d’empêcher son incorporation dans un futur Etat palestinien. La vente par l’Eglise de terres politiquement sensibles à Jérusalem Est, dans des circonstances douteuses et au milieu d’accusations de chantage politique, a provoqué l’indignation des Palestiniens grecs orthodoxes et menace de faire une scission dans l’église.
Bethéem, 6 janvier 2010 (photo IMEMC)
Pour tenter d’empêcher la division de Jérusalem, Israël a accéléré sa judaïsation de Jérusalem Est qui, en vertu du droit international, fait partie de la Cisjordanie palestinienne occupée et que les Palestiniens souhaitent voir devenir la capitale de leur futur Etat. Les Palestiniens ont été expulsés de leurs maisons pour faire place à des colons juifs dont Israël a encouragé l’installation, politiquement et économiquement.
Outre les restrictions sociales, les Palestiniens se voient régulièrement refuser tout permis de construire et ceux qui construisent sans, à cause de la pénurie chronique de logements, sont confrontés à la destruction de leurs maisons par la municipalité de Jérusalem.
La crise au sein de l’Eglise orthodoxe grecque palestinienne a atteint son paroxysme mercredi 6 janvier, veille du Noël orthodoxe, quand le patriarche de l’église, Théophile III, a dû être escorté jusqu’à la Place de la Crèche, à Bethléem, par la police antiémeute palestinienne pour assister aux célébrations.
Plusieurs centaines de manifestants palestiniens du Conseil des Institutions et Organisations arabes orthodoxes en Palestine, représentant 19 groupes, l’ont hué lorsqu’il est arrivé et ont brandi des pancartes où on pouvait lire : « La Terre Sainte n’est ni à vendre ni à louer ».
Une voiture privée appartenant à l’entourage de Théophile a fait hurler des chants de Noël pour essayer de couvrir les protestataires. Un peu plus tôt, des groupes avaient accueilli l’arrivée des patriarches syrien copte et syrien avec de la musique, mais avaient tout remballé et étaient partis en signe de protestation à l’arrivée de Théophile.
Elias Isaid, leader du Club orthodoxe grec de Beit Sahour, a déclaré : « La manifestation d’aujourd’hui marque le début de notre action contre le patriarche. » Il a averti que ce dernier pourrait être déclaré persona non grata à Bethléem si les griefs légitimes n’étaient pas pris en considération.
L’Eglise orthodoxe grecque est le plus grand propriétaire terrien privé à Jérusalem et possède la plupart des terres en Cisjordanie, sur lesquelles les sites religieux chrétiens, dont l’Eglise de la Nativité à Bethléem, où les Chrétiens croient que Jésus est né, sont construits.
La plus grande partie de ces terres lui a été donnée par les Palestiniens chrétiens orthodoxes à la fin des années 1880. Au cours des dernières décennies, l’église a augmenté les ventes de terre aux autorités israéliennes ou les leur a louées pour une période de 999 ans.
Ceci a permis à Israël de construire plusieurs des grandes colonies israéliennes dans le secteur de Jérusalem Est, créant un couloir avec les autres colonies de Cisjordanie et coupant ainsi Jérusalem Est du reste de la Cisjordanie.
Mais les ventes de terre de l’église ont eu lieu dans un contexte d’allégations de corruption. Nicholas Papadimas, ancien trésorier de l’église à Jérusalem, était derrière quelques-unes de ces ventes avant qu’il ne s’enfuie du pays et soit accusé en Grèce de vol des fonds de l’église, dans une affaire séparée.
Théophile III, nommé patriarche en 2005 en remplacement de son prédécesseur discrédité le patriarche Irénée, avait promis de mettre un terme à la vente de la terre palestinienne.
Irénée était accusé d’être derrière des accords terriens secrets avec deux groupes juifs d’investissement international. Un tribunal israélien a statué que son élection était illégale parce qu’elle avait été aidée par un trafiquant de drogue notoire qui avait discrédité ses rivaux en utilisant des photos érotiques homosexuelles.
Mais les autorités israéliennes ont utilisé la corruption de l’Eglise et les difficultés financières à leur avantage politique et ont appliqué une pression politique supplémentaire pour assurer que le choix des patriarches soit bénéfique à la politique d’acquisition de terre d’Israël.
Selon le quotidien israélien Ha'aretz, quand, il y a plusieurs années, Théophile attendait l'aval israélien, l’Etat a demandé que le patriarcat orthodoxe grec fasse le recensement de tous les biens de l’Eglise en Israël et dans les territoires palestiniens, et donne à Israël le premier droit de refus sur les propriétés à vendre ou à louer.
Israël a également demandé que quelques biens dans le secteur de la Porte de Jaffa de Jérusalem « restent entre les mains des preneurs israéliens. » On a dit aux avocats de Théophile que l'acceptation du patriarche par Israël dépendait du respect de ces clauses.
L’un des biens de l’Eglise à Jérusalem a été acquis avec la participation de l’association Ateret Cohanim, qui se consacre à l’achat de biens arabes à Jérusalem pour y installer des Juifs.
Mais il y a une controverse autour de l’organisation Ateret Cohanim. L’organisme ‘Les Amis de Ateret Cohanim’, enregistré aux Etats-Unis en tant qu’entité éducative, envoie des millions de dollars de dons exonérés d’impôts à Israël tous les ans pour des motifs politiques, en particulier pour l’achat de biens palestiniens à Jérusalem Est.
Près de 60% de l’argent d’Ateret Cohanim levé aux Etats-Unis sert à acheter de la terre et des biens palestiniens dans les territoires occupés.
Le droit fiscal états-unien interdit que les organismes exonérés d’impôt soient impliqués dans la politique ou la promotion d’idées politiques.
L’ordre du jour politique d’Ateret Cohanim ne fut pas perdu pour l’organisation israélienne Peace Now (PN). L’année dernière, PN a organisé une protestation contre une visite de Jérusalem par le candidat républicain pro-israélien Mike Huckabee, visite qui était parrainée par Ateret Cohanim.
La cérémonie de réception d’Huckabee était organisée à l’hôtel Al-Quds Sheperd, dont ses résidents palestiniens ont été expulsés pour construire de nouveaux logements pour colons juifs. Le département d’Etat US a demandé qu’Ateret Cohanim mette un terme à ses projets de construction d’appartements sur le site.
« Nous pensons que tous ces gestes ne feront que nourrir plus de colère et de méfiance parmi les Arabes de la capitale, et nous voyons ces tentatives comme rien moins qu’une provocation destinée à saper la possibilité d’un futur accord de paix dans la capitale. »
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=13241&type=analyse&lesujet=Collabos