Palestine . Les Etats-Unis ont lancé une offensive diplomatique pour relancer le processus de paix, loin de répondre aux attentes des Palestiniens qui continuent de réclamer un arrêt total de la colonisation israélienne avant toute reprise des négociations.
L’initiative américaine tant attendue depuis l’élection de Barack Obama, parviendra-t-elle à débloquer le processus de paix ? C’est la question qui se pose depuis que Washington a lancé la semaine dernière une offensive diplomatique qui a pour but de reprendre les négociations entre Palestiniens et Israéliens interrompues après la guerre israélienne contre Gaza fin 2008.
Le plan, dont les principaux éléments sont dévoilés petit à petit mais dont l’intégralité n’est pas encore rendue publique, prévoit de conclure un accord de paix en deux ans. La question des frontières serait traitée en premier, dans un délai de neuf mois, qui correspond au moratoire israélien sur les colonies. Viendraient alors la question de Jérusalem et des réfugiés palestiniens. Il y aurait également des lettres de garanties américaines adressées à chacune des parties. A part l’échéance fixée par Washington et l’ordre des questions à régler, il ne semble pas y avoir de nouveauté dans cette initiative américaine, mis à part une volonté américaine de faire avancer le processus de paix. Le règlement sera basé sur les frontières d’avant 1967, mais les changements démographiques effectués par Israël seraient pris en compte. Autrement dit, l’Etat hébreu bénéficierait des faits accomplis, pourtant illégaux, qu’il a créés dans les territoires palestiniens. Il y aurait un échange de territoire qui permettrait à Israël de conserver les blocs de colonies qui pourtant couvrent une grande partie de la Cisjordanie. Une idée qui a été incluse dans le passé dans de précédentes initiatives de paix et qui rappelle la lettre adressée en 2004 par l’ex-président américain, George Bush, à Israël lui promettant qu’un éventuel règlement prendrait en compte les changements démographiques israéliens effectués dans les territoires palestiniens.
Mais Israël n’aime pas les dates butoirs. Avigdor Lieberman, chef de la diplomatie israélienne, l’a fait savoir en se prononçant dores et déjà contre la date limite proposée par les Américains. Et de toutes les façons dans le passé, Israël n’a jamais respecté ses échéances fixées par le processus de paix en 1993.
Et c’est pour convaincre les Israéliens de reprendre le chemin des négociations que George Mitchell, envoyé spécial américain au Moyen-Orient, a « osé » dans un entretien à une chaîne américaine PBS parler d’éventuelles sanctions financières à l’encontre de l’Etat hébreu. « Selon la loi américaine, les Etats-Unis peuvent suspendre les garanties octroyés à Israël sur des prêts » bancaires, a-t-il déclaré. Des propos qui ont provoqué la colère des Israéliens habitués à agir en toute impunité et qui semblent bénéficier au sein de la communauté internationale d’une immunité contre toute sanction. D’ailleurs, l’ampleur des propos de Mitchell a été minimisée par le ministre des Finances israélien qui déclare ne pas les considérer comme des sanctions, car selon lui, Israël pourrait se passer des garanties américaines. D’ailleurs, quatre sénateurs américains, dont Joseph Lieberman et John McCain se sont précipités pour condamner les propos de Mitchell, rassurant leur partenaire israélien qu’une telle mesure de toutes les façons « ne passera pas au Congrès » américain.
Par contre, si pressions il y a, elles sembleraient être dirigées contre Mahmoud Abbass, chef de l’Autorité palestinienne. Ce dernier reste fidèle à sa position : pas de négociations sans arrêt total de la construction. Cette position était d’ailleurs, il y a encore quelques mois, soutenue par les Américains avant que ces derniers ne fassent un volte-face et se contentent du gel partiel et temporaire des colonies décrété par le gouvernement israélien. La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a donc demandé au côté palestinien de reprendre les négociations sans condition préalable.
« Résoudre la question des frontières résout la question des colonies, tout comme résoudre la question de Jérusalem résout la question des colonies », estime Mme Clinton. Autrement dit, les Palestiniens ne devraient ni s’inquiéter ni même protester contre les projets de colonies qui se poursuivent à Jérusalem-Est par Israël et qui sont pourtant une flagrante violation du droit international, de l’esprit, même de la paix et aussi de la Feuille de route parrainée en 2003 par le quartette (Etats-Unis, Union européenne, Russie et Nations-Unies) qui exige l’arrêt de la colonisation israélienne.
Saëb Eraqat, conseiller du président palestinien, ne cache pas le scepticisme palestinien. Les Palestiniens « me demandent si l’Administration américaine n’arrive pas à arrêter les colonies, devrons-nous croire qu’ils pourraient faire accepter aux Israéliens les frontières de 1967 ? ». Inquiétude partagée par Nabil Abou-Rodeina, autre conseiller de l’Autorité palestinienne, « si les Israéliens disent que Jérusalem ne sera pas sur la table (des négociations) et qu’aucun réfugié palestinien (ne retournera), qui oserait venir et négocier ? », a-t-il demandé.
Or, pour tenter de convaincre les deux parties à reprendre les négociations, Washington a cherché à impliquer d’autres acteurs régionaux. D’où l’entretien vendredi dernier à Washington entre Hillary Clinton et ses homologues égyptiens et jordanien, Ahmad Aboul-Gheit et Nasser Jawdeh. Et d’où la tournée entamée par George Mitchell, lundi et mardi derniers à Paris et à Bruxelles, pour rallier ses partenaires européens à cette initiative.
Mais l’obstacle majeur à toute perspective de paix demeure encore la politique israélienne dans les territoires occupés : les constructions des colonies à Jérusalem, le blocus israélien contre Gaza, mais aussi les mesures répressives contre la population palestinienne.
Car il est vrai que le gouvernement de Benyamin Netanyahu n’a toujours pas donné de réponse officielle à l’initiative américaine, mais en attendant qu’il se décide, dimanche dernier, il a rasé une vingtaine d’habitations d’agriculteurs palestiniens à Tana, un village à l’est de Naplouse. Des constructions qui seraient « illégales » selon Israël. Résultat : environ 40 familles palestiniennes se retrouvent en plein hiver sans abri.
Heba Zaghloul