Abdel-Moneim Saïd
Cette polémique qui se répétait sans cesse était l’un des outils de la guerre psychologique et de propagande dans le conflit arabo-israélien. Cependant, un intérêt moindre a été orienté vers les occasions qu’Israël n’a pas saisies tout au long de sa longue histoire. Depuis le début de l’itinéraire, « la question juive » est passée d’un simple récit de minorités juives haïes dans un nombre de pays pour se confiner à un Etat où se sont rassemblés les juifs. Les Israéliens ont laissé passer la chance dans les années 1920 après l’entente Fayçal-Eisman, de la mise en place ensemble d’un Etat indépendant garantissant les droits des minorités y compris les juifs. Ils ont laissé passer également une autre chance en 1948, lorsqu’ils ont transformé la Palestine d’un refuge des juifs persécutés en Europe en Etat israélien. Et une troisième fois, lorsque les forces israéliennes ont tenté d’envahir les terres palestiniennes, faisant fi de la résolution de partage, à un moment où les armées arabes luttaient afin de l’appliquer.
Mon objectif en étalant ces occasions perdues est de dire qu’il existe actuellement des chances pour la paix avec une administration américaine disposée à déployer un effort présidentiel mobilisant les efforts internationaux et régionaux afin de mettre un terme au conflit arabo-israélien. Ajoutons à cela qu’Israël n’a jamais maintenu le calme actuel sur tous ses fronts, même celui du Hezbollah et du Hamas, et jamais Israël ne disposait, comme il est le cas maintenant, de chances de développement économique et de prospérité. Non moins importante dans ce contexte est l’initiative arabe globale au règlement du conflit ne garantissant uniquement pas de mettre un terme à l’état de guerre avec Israël, mais en l’occurrence de coexister et de normaliser avec lui à la lumière d’un ordre régional sécurisé. Tout au long des derniers mois, les signaux provenant de nombreux pays se sont multipliés, faisant état d’une disposition à présenter des initiatives de bonne volonté. A l’heure où Le Caire a maintenu l’ouverture de nombreux canaux avec Israël pour saisir les chances qui lui sont disponibles.
Tout ceci porte à croire qu’Israël a une chance réelle de régler le conflit arabo-israélien, permettant à la région de coexister avec les autres pays. D’autre part, ceci donnerait l’occasion à son peuple de vivre normalement en contrepartie de son retrait des territoires arabes occupés en juin 1967 et de l’approbation de la mise en place d’un Etat palestinien indépendant avec comme capitale Jérusalem-Est. En réalité, Israël peut réaliser d’énormes gains en réalisant un règlement juste à la cause palestinienne.
En premier, Israël se débarrassera en partie de l’hostilité à son égard et l’état de suspicion qui entoure la légitimité de son existence, voilà plus de six décennies, et ceci auprès de larges secteurs de l’opinion publique arabe. Y compris les pays ayant signé avec Israël des traités de paix, comme l’Egypte et la Jordanie. Jusqu’à maintenant, il s’avère que les relations sur le niveau populaire sont froides en raison de l’absence de la confiance mutuelle. D’autant plus que l’opinion publique populaire a tendance à classer Israël dans la case de l’ennemi et notamment dans les périodes d’affrontements entre Israël et les parties arabes. Ce qui s’est manifestement révélé pendant la guerre du Liban en juillet 2006, la guerre de Gaza en décembre 2008 et en 2009 avec le Hezbollah et le mouvement du Hamas.
La paix peut représenter un nouveau début pour une éventuelle coopération économique efficace dans la région du Moyen-Orient, ce qui sera bénéfique certes pour Israël.
La conclusion de la paix avec les Palestiniens va contrecarrer les prétextes des factions armées, avec en tête le Hamas et le Djihad islamique de poursuivre l’affrontement avec Israël. Le fait de se dérober à la paix et d’ignorer les droits du peuple palestinien engendre souvent des mouvements de violence chaotiques, tels que les soulèvements (intifada) et les opérations kamikazes, d’une manière qui mènerait la région à sombrer dans un état de violence et de contre-violence.
Les actes de violence connaîtront une escalade si les Palestiniens n’ont d’autre choix que de continuer à résister contre l’occupation. La preuve en est que le mouvement Fatah a renouvelé son engagement, durant sa dernière conférence, à résister par tous les moyens contre l’occupation israélienne. Il est difficile également de parier sur le calme actuel qui règne sur Gaza tant qu’il y a une dégradation de la situation en raison de la persistance du blocus d’une part et du trébuchement du règlement politique de l’autre. Nous ne pouvons pas non plus parier sur la tendance du Hamas à la modération tant que ceci n’est pas lié à un règlement politique global, sinon de nouveaux courants plus rigoristes que le Hamas émergeront en surface. Et enfin, la mise en place de la paix avec les pays arabes pourrait réduire l’influence de certaines forces qu’Israël considère comme menaçant son existence, telles que l’Iran.
Mais selon toute vraisemblance, Israël laissera passer cette occasion au même titre que les autres. Ceci revient à deux facteurs intrinsèquement liés. Le premier se rapporte à la compréhension du statut actuel et l’autre se rapporte aux résultats découlant de cette compréhension. Lorsque j’étais à Washington, un ami américain, travaillant dans un centre de recherches renommé, disait à propos de cette compréhension de ce statut actuel qu’il y a aujourd’hui un état de décontraction en Israël et Tel-Aviv ne ressent effectivement aucune menace à l’heure provenant de Gaza ou de Cisjordanie. En conséquence à cet état de faits, ils ne sont pas véritablement motivés pour la négociation. D’ailleurs, on les entendait souvent prétexter pendant « les jours de menaces » que la partie palestinienne pratiquait la violence et qu’il n’était pas prêt à s’asseoir comme allié sur une même table de négociations. Que désire Israël ? Le calme ou la violence ? Cette logique inversée à toujours été à l’origine des chances perdues. Lorsque le calme règne, la paix est écartée parce qu’elle n’est plus une urgence. Mais si au contraire, l’affrontement est le mot d’ordre, la paix est écartée parce qu’on est en temps de guerre.
Quant au second facteur, il se rapporte au comportement de l’actuel gouvernement israélien qui n’a pas ménagé un effort pour s’affirmer davantage par des opérations d’implantation actives et agressives. Mais, ceux qui ont vécu l’expérience du conflit arabo-israélien depuis le début savent qu’il n’y a pas de paix avec la colonisation, surtout après le rétrécissement au maximum de la terre palestinienne.
publié par al-Ahram hebdo en français