Méditerranée - 07-07-2009 |
La destruction de Gaza, un coup fatal pour l’Union pour la Méditerranée - Nicolas Sarkozy ou la dystopie d’un discours
Par René Naba
La destruction de l’enclave palestinienne de Gaza par Israël, en janvier 2009, paraît avoir porté un coup fatal à l’Union Pour la Méditerranée, rendant aphone et atone la France, pour la première fois dans les annales diplomatiques internationales, sur un dossier clé de la géostratégie mondiale, le Moyen-Orient, un développement d’autant plus fâcheux qu’il survient au moment même où la zone auparavant résolument anti-américaine opère un basculement psychologique à la faveur du discours du Caire du président Barack Hussein Obama, fondateur de la nouvelle politique américaine à destination du monde arabo-musulman. Sauf retournement de tendance, tel est le bilan de la diplomatie méditerranéenne de Nicolas Sarkozy, un an après le lancement à grand fracas publicitaire du projet phare de sa mandature présidentielle.
La grande œuvre diplomatique de la présidence Sarkozy a surtout permis à un état membre (Israël) de détruire un autre état membre (Gaza Palestine), sous le regard impassible de ses deux co-présidents Nicolas Sarkozy (France) et Hosni Moubarak (Egypte), entraînant la paralysie de cette instance et le rehaussement parallèle des relations entre Israël et l’Union Européenne, la défense tonitruante du prisonnier franco-israélien Gilad Shalit et l’omission coupable du cas du franco palestinien Salah Hammoury.
L’UPM est désormais un château fantôme déserté par ses nombreux et bruyants pensionnaires, confus devant un tel gâchis, confus devant ce qui apparaît comme sa principale réalisation : l’éradication de toute sensibilité pro-palestinienne de l’administration préfectorale et de l’audiovisuel extérieur français et la promotion concomitante de personnalités au philo-sionisme exacerbé. La mise à l’écart de Bruno Guigue (administration préfectorale), –dont la destruction israélienne de Gaza, en janvier 2009, lui a donné a posteriori raison–, la mise à l’index de l’universitaire Vincent Geisser, l’éviction deRichard Labévière (Média) et de Wahib Abou Wassel, seul palestinien du dispositif médiatique extérieur, se sont accompagnés, en effet, de la promotion concomitante de Bernard Kouchner (Quai d’Orsay), Pierre Lellouche (Affaires européennes), Dominique Strauss-Khan (FMI), Arno Klarsfeld (Matignon), ainsi que de François Zimmeray, ancien vice-président de la commission d’études politiques du CRIF, Ambassadeur pour les Droits de l’homme, de Christine Ockrent (pôle audiovisuel extérieur) enfin de Philippe Val (France inter) (1).
Rien n‘avait pourtant été épargné par Nicolas Sarkozy pour ancrer Israël comme pivot de sa diplomatie. Rien. Ni la «désarabisation» (2) du Quai d’Orsay, ni sa participation inaugurale au dîner annuel du CRIF (Conseil représentatif des Institutions Juives de France), ni l’éradication des personnalités de sensibilité pro-palestinienne au sein de l’administration préfectorale et du dispositif audiovisuel extérieur parallèlement à la promotion de pro-israéliens patentés à des postes de responsabilité, ni le contournement du mausolée du dirigeant palestinien Yasser Arafat à Ramallah, lors de sa visite officielle en Palestine, en juin 2008. Rien, pas même la primeur réservée à Israël de la première visite d’Etat d’un dirigeant étranger en France sous l’ère Sarkozy, ni l’obligation faite aux jeunes écoliers d’adopter la mémoire d’un enfant juif déporté durant la IIème Guerre mondiale (1939-1945). Rien n’a été épargné. Tout a été concédé à Israël à jet continu, unilatéralement, sans contrepartie, y compris la démilitarisation du futur Etat palestinien et la reconnaissance d’Israël comme l’Etat du peuple juif, au point de confirmer Nicolas Sarkozy dans sa réputation de «dirigeant français le plus honni du monde arabe depuis Guy Mollet», l’ancien premier ministre socialiste, maître d’œuvre de l’agression franco-anglo-israélienne de Suez, en 1956, et des ratonnades d’Alger.
Tant de prosternation pour une telle impasse ? Malgré la posture reptilienne de la classe française politique devant les oukases israéliens, malgré les avanies infligées par Israël au personnel diplomatique français en Israël (3), la France sarkozienne n’a jamais été, en effet, audible en Israël. Elle ne le sera jamais dans un pays préoccupé au premier chef de sa relation stratégique avec les Etats-Unis. Elle n’est plus audible dans le monde arabe. Dans ce contexte, le compagnonnage du Qatar avec un pays sans passif colonial dans la zone ne doit pas faire illusion. Il est avant tout destiné à dédouaner la principauté de sa trop grande dépendance des Etats-Unis. Il en est de même d’Abou Dhabi.
Une alliance de second choix qui ne saurait compenser la brouille de la France avec l’Algérie et la Turquie, deux acteurs majeurs du monde arabo-musulman, ni l’absence de transactions substantielles avec l’Arabie saoudite depuis une dizaine d’années, à l’exception du contrat EADS de 2,5 milliards d’euros concernant la sécurisation électronique de la frontière saoudienne, ni non plus l’indifférence du monde arabe à son égard, encore moins l’hostilité résolue de l’Iran, puissance non méditerranéenne, activement courtisée néanmoins par les Etats-Unis pour son rôle incontournable au Moyen-Orient.
Il n’appartient pas au Monde arabe de servir de thérapie au complexe de persécution des Juifs, ni aux Palestiniens de payer par délégation pour les crimes commis par les pays occidentaux à l’encontre de leur compatriotes de confession juive, particulièrement l’Europe, plus précisément l’Allemagne et la France de même que le Royaume Uni (promesse Balfour). Dans le même ordre d’idées, le Hamas n’est pas responsable du malheur du peuple palestinien, comme ont tendu à le soutenir, telle une rengaine usée pendant la destruction de Gaza, Nicolas Sarkozy, son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner et sa secrétaire d’état aux Droits de l’Homme Rama Yade. Ce malheur est antérieur de soixante ans à la naissance du Hamas qui en est la résultante, la résultante de la spoliation du peuple palestinien, de son identité nationale, de sa souveraineté et de sa dignité.
Résultante de la négation de sa légitimité pourtant consacrée par des élections démocratiques, de la poursuite du blocus de Gaza, des assassinats extrajudiciaires, de la multiplication des checkpoints de contrôle (750) de l’armée israélienne, soit le tiers de la Cisjordanie, la poursuite de la colonisation en Cisjordanie et la judaïsation rampante de Jérusalem. De la même manière, la menace iranienne est postérieure de soixante ans à la spoliation palestinienne, la résultante de soixante ans de comportement abusif d’Israël, unique état du Monde à avoir été créé par une décision de l’ONU, unique état du monde à s’affranchir pourtant en toute impunité de la légalité internationale.
Nicolas Sarkozy est captif de sa démagogie et de ses préjugés, captif de ses présupposés idéologiques, lorsque depuis Jéricho, en juin 2008, il tonne ce slogan qui signe de manière manifeste son incompétence diplomatique : « le pouvoir par les urnes, pas par les fusils » feignant d’ignorer, ou plus vraisemblablement ignorant que le Hamas avait emporté haut la main les élections les plus démocratiques du Moyen-Orient. L’homme de la rupture est un vil suiviste : suiviste de son prédécesseur qu’il dénigre tant mais qu’il copie fidèlement même dans ses errements : tout le monde garde présent à l’esprit la prescription de Jacques Chirac ordonnant des « mesures coercitives » à l’égard du Hezbollah libanais lors de la guerre destructrice israélienne contre le Liban, en juillet 2006, un Hezbollah victorieux renvoyant Jacques Chirac à la condition de pensionnaire posthume de Rafic Hariri, l’ancien premier ministre libanais assassiné, sans doute partiellement du fait de la politique française au Moyen-Orient.
Rétrospectivement, la défection de deux personnalités de premier plan du Moyen-Orient, auparavant bénéficiaires de l’asile politique en France, l’Ayatollah Ruhollah Khomeiny, chef de la Révolution islamique iranienne (Iran 1979) et du Général Michel Aoun, chef du principal parti chrétien libanais (1990-2005), pose le problème de la pertinence de la politique française dans la zone.
Le premier président de sang mêlé de France parait pâtir du prestige international du premier président de sang mêlé des Etats-Unis d’Amérique.
Un an après son sacre diplomatique, le flamboyant président, orphelin de sa plateforme européenne, privé de sa passerelle méditerranéenne, plombé par un ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner affligé par son affairisme kurdo-gabonais, est désormais éclipsé par la nouvelle icône médiatique planétaire Barack Obama. La surenchère protestataire à laquelle s’est livrée Nicolas Sarkozy par rapport au président américain à propos de l’Iran, à la mi-juin, correspondait davantage à son souci de sécuriser le marché militaire français des pétromonarchies du Golfe dans la foulée de l’aménagement d’une base navale à Abou Dhabi qu’elle ne répondait à son intransigeance sur les violations des libertés démocratiques.
La suppression du secrétariat aux Droits de l’Homme dans le remaniement ministériel de juin 2009 porte confirmation de cette tendance. Le zèle protestataire anti-iranien de la France aurait gagné en crédibilité s’il s’était accompagné du même activisme à l’encontre d’Israël. La conférence des ambassadeurs français en poste au Moyen orient, qui se tiendra pour la première fois de l’histoire le 9 juillet à Damas, sous la présidence de Bernard Kouchner, le plus hostile à la Syrie des ministres français des Affaires étrangères, témoigne du désarroi général de la diplomatie française dans la zone. Ce rétropédalage a retenti comme un désaveu cinglant pour le tandem Sarkozy-Kouchner, artisan de l’alignement inconditionnel de la France envers Israël.
En plein naufrage diplomatique, la France a d’ailleurs sollicité le concours de la Suède pour un co-pilotage de l’Union Pour la Méditerranée, accentuant le brouillard institutionnel euro méditerranéen (4). Président semestriel de l’Union Européenne, la Suède est favorable à l’entrée de la Turquie au sein de l’ensemble européen. Sa diplomatie est créditée d’un fort degré de fiabilité au sein du tiers-monde.
Vindicatif, à la culture dyspeptique, au débit stroboscopique, au comportement nourri de tics, à la démarche ambulatoire, le « premier président de sang mêlé » de France parait pâtir du prestige international du « premier président de sang mêlé » des Etats-Unis d’Amérique. Même sur ce registre là, le français ne supporte pas la comparaison : face au Kenyan, le hongrois fait piètre figure. Le discours fondateur du Caire, le 4 juin dernier, sur la nouvelle diplomatie américaine à l’égard du monde arabo musulman a révélé, par contrecoup, le caractère pathétiquement dérisoire des embardées xénophobes antimusulmanes du « premier président de sang mêlé » de la France. En cette heure de grande solitude diplomatique, qu’il plaise aux oracles de lui prévenir une nouvelle méprise, et, que dans sa gesticulation démagogique solitaire, la France ne redevienne une partie du problème et non de sa solution du fait de la dystopie (5) du discours de son président.
Références
1- Philippe Val a imputé la politique antijuive du Régime de Vichy à la politique arabe de la France, se livrant ainsi à un sournois travail de révisionnisme anti-arabe. Sa plus belle perle, qui relève désormais du domaine de l’anthologie, est incontestablement ce constat en forme de sentence : « Les otages français (en Irak), Christian Chesnot et George Malbrunot ont été enlevés par des terroristes islamiques qui adorent égorger les Occidentaux, sauf les Français, parce que la politique arabe de la France a des racines profondes qui s’enfoncent jusqu’au régime de Vichy, dont la politique antijuive était déjà, par défaut, une politique arabe », assurait-il avec beaucoup de suffisance dansCharlie Hebdo en date du 5 janvier 2005.
2- Sous l’autorité de Bernard Kouchner, transfuge socialiste de l’atlantisme néo-conservateur américain, Gérard Araud, ancien ambassadeur à Tel-Aviv de 2003 à 2006, passe pour être l’artisan du virage pro-israélien de la diplomatie française en tandem avec son supérieur hiérarchique, Gérard Errara, ancien ambassadeur représentant permanent de la France à l’OTAN à Bruxelles (1995-1998) et ancien ambassadeur à Londres (2002-2007) sous la primature de Tony Blair, « le caniche anglais de Bush ». Leur postulat repose sur l’idée que le monde arabe est sans influence sur les relations internationales. Ils sont secondés par Philippe Errera, fils de Gérard et énarque comme lui, un admirateur de l’historien Bernard Lewis, un des idéologues des néo-conservateurs américains, ainsi que par Michel Miraillet (ministère de la défense), Thérèse Delpuech (commissariat à l’énergie atomique), Bruno Tertrais (Fondation de la Recherche Stratégique) et Erik Chevalier, porte-parole du Quai D’orsay, proposé par la France pour être le prochain ambassadeur de France en Syrie.
3- Quatre diplomates français ont fait l’objet de vexations de la part des autorités d’occupation israélienne en moins d’un an : le 22 juin 2009, la directrice du centre culturel français de Naplouse (Cisjordanie) a été sortie de son véhicule, jetée à terre et rouée de coups par des militaires israéliens près de Jérusalem. « Je peux te tuer », a lancé en anglais l’un des soldats. Le 23 ce fut au tour du directeur du centre culturel de Jérusalem-Ouest, Olivier Debray, qui, à bord d’un véhicule pourvu de plaques consulaires, a été insulté par des policiers. Le 11 juin 2008, Catherine Hyver, consulte adjointe à Jérusalem, avait été retenue dix-sept heures sans une goutte d’eau ni une miette de pain par la sécurité israélienne à un point de passage de la bande de Gaza. Mais l’incident le plus grave est l’occupation du domicile de l’agent consulaire français, Majdi Chakkoura, à Gaza, pendant l’attaque israélienne de janvier. En son absence, les soldats israéliens ont complètement ravagé les lieux – pourtant signalés à l’armée israélienne -, volé une grosse somme d’argent, les bijoux de son épouse, son ordinateur et détruit la thèse sur laquelle il travaillait. Et ils ont souillé d’excréments le drapeau français. Le Quai d’Orsay n’a élevé aucune protestation à la suite de cet incident.
4- Le co-pilotage de l’Union Pour la Méditerranée a été annoncé par le premier ministre suédois Frederick Reinfeldt au terme de ses entretiens vendredi 3 juillet à Stockholm avec Nicolas Sarkozy. « Aujourd’hui nous nous sommes mis d’accord sur une Présidence suédo-française du côté de l’UE pour l’Union pour la Méditerranée lors de cet automne. Cela signifie que la France et la Suède vont codiriger les réunions qui auront lieu » a déclaré M. Reinfeldt. La Suède, pays à la diplomatie prestigieuse, assume de surcroît président semestriel de l’Union Européenne.
5- Une dystopie est un récit de fiction, parfois raccordé à la science-fiction, se déroulant dans une société imaginaire, inventée par les écrivains, afin d’exagérer et ainsi montrer des conséquences probables. La dystopie s’oppose à l’utopie : au lieu de présenter un monde parfait, la dystopie propose le pire qui soit. Cette forme littéraire a été rendue célèbre par Le meilleur des Mondes (1932) de Aldous Huxley, 1984 de George Orwell (1949) ou encoreFahrenheit 451 de Ray Bradbury (1954).
La grande œuvre diplomatique de la présidence Sarkozy a surtout permis à un état membre (Israël) de détruire un autre état membre (Gaza Palestine), sous le regard impassible de ses deux co-présidents Nicolas Sarkozy (France) et Hosni Moubarak (Egypte), entraînant la paralysie de cette instance et le rehaussement parallèle des relations entre Israël et l’Union Européenne, la défense tonitruante du prisonnier franco-israélien Gilad Shalit et l’omission coupable du cas du franco palestinien Salah Hammoury.
L’UPM est désormais un château fantôme déserté par ses nombreux et bruyants pensionnaires, confus devant un tel gâchis, confus devant ce qui apparaît comme sa principale réalisation : l’éradication de toute sensibilité pro-palestinienne de l’administration préfectorale et de l’audiovisuel extérieur français et la promotion concomitante de personnalités au philo-sionisme exacerbé. La mise à l’écart de Bruno Guigue (administration préfectorale), –dont la destruction israélienne de Gaza, en janvier 2009, lui a donné a posteriori raison–, la mise à l’index de l’universitaire Vincent Geisser, l’éviction deRichard Labévière (Média) et de Wahib Abou Wassel, seul palestinien du dispositif médiatique extérieur, se sont accompagnés, en effet, de la promotion concomitante de Bernard Kouchner (Quai d’Orsay), Pierre Lellouche (Affaires européennes), Dominique Strauss-Khan (FMI), Arno Klarsfeld (Matignon), ainsi que de François Zimmeray, ancien vice-président de la commission d’études politiques du CRIF, Ambassadeur pour les Droits de l’homme, de Christine Ockrent (pôle audiovisuel extérieur) enfin de Philippe Val (France inter) (1).
Rien n‘avait pourtant été épargné par Nicolas Sarkozy pour ancrer Israël comme pivot de sa diplomatie. Rien. Ni la «désarabisation» (2) du Quai d’Orsay, ni sa participation inaugurale au dîner annuel du CRIF (Conseil représentatif des Institutions Juives de France), ni l’éradication des personnalités de sensibilité pro-palestinienne au sein de l’administration préfectorale et du dispositif audiovisuel extérieur parallèlement à la promotion de pro-israéliens patentés à des postes de responsabilité, ni le contournement du mausolée du dirigeant palestinien Yasser Arafat à Ramallah, lors de sa visite officielle en Palestine, en juin 2008. Rien, pas même la primeur réservée à Israël de la première visite d’Etat d’un dirigeant étranger en France sous l’ère Sarkozy, ni l’obligation faite aux jeunes écoliers d’adopter la mémoire d’un enfant juif déporté durant la IIème Guerre mondiale (1939-1945). Rien n’a été épargné. Tout a été concédé à Israël à jet continu, unilatéralement, sans contrepartie, y compris la démilitarisation du futur Etat palestinien et la reconnaissance d’Israël comme l’Etat du peuple juif, au point de confirmer Nicolas Sarkozy dans sa réputation de «dirigeant français le plus honni du monde arabe depuis Guy Mollet», l’ancien premier ministre socialiste, maître d’œuvre de l’agression franco-anglo-israélienne de Suez, en 1956, et des ratonnades d’Alger.
Tant de prosternation pour une telle impasse ? Malgré la posture reptilienne de la classe française politique devant les oukases israéliens, malgré les avanies infligées par Israël au personnel diplomatique français en Israël (3), la France sarkozienne n’a jamais été, en effet, audible en Israël. Elle ne le sera jamais dans un pays préoccupé au premier chef de sa relation stratégique avec les Etats-Unis. Elle n’est plus audible dans le monde arabe. Dans ce contexte, le compagnonnage du Qatar avec un pays sans passif colonial dans la zone ne doit pas faire illusion. Il est avant tout destiné à dédouaner la principauté de sa trop grande dépendance des Etats-Unis. Il en est de même d’Abou Dhabi.
Une alliance de second choix qui ne saurait compenser la brouille de la France avec l’Algérie et la Turquie, deux acteurs majeurs du monde arabo-musulman, ni l’absence de transactions substantielles avec l’Arabie saoudite depuis une dizaine d’années, à l’exception du contrat EADS de 2,5 milliards d’euros concernant la sécurisation électronique de la frontière saoudienne, ni non plus l’indifférence du monde arabe à son égard, encore moins l’hostilité résolue de l’Iran, puissance non méditerranéenne, activement courtisée néanmoins par les Etats-Unis pour son rôle incontournable au Moyen-Orient.
Il n’appartient pas au Monde arabe de servir de thérapie au complexe de persécution des Juifs, ni aux Palestiniens de payer par délégation pour les crimes commis par les pays occidentaux à l’encontre de leur compatriotes de confession juive, particulièrement l’Europe, plus précisément l’Allemagne et la France de même que le Royaume Uni (promesse Balfour). Dans le même ordre d’idées, le Hamas n’est pas responsable du malheur du peuple palestinien, comme ont tendu à le soutenir, telle une rengaine usée pendant la destruction de Gaza, Nicolas Sarkozy, son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner et sa secrétaire d’état aux Droits de l’Homme Rama Yade. Ce malheur est antérieur de soixante ans à la naissance du Hamas qui en est la résultante, la résultante de la spoliation du peuple palestinien, de son identité nationale, de sa souveraineté et de sa dignité.
Résultante de la négation de sa légitimité pourtant consacrée par des élections démocratiques, de la poursuite du blocus de Gaza, des assassinats extrajudiciaires, de la multiplication des checkpoints de contrôle (750) de l’armée israélienne, soit le tiers de la Cisjordanie, la poursuite de la colonisation en Cisjordanie et la judaïsation rampante de Jérusalem. De la même manière, la menace iranienne est postérieure de soixante ans à la spoliation palestinienne, la résultante de soixante ans de comportement abusif d’Israël, unique état du Monde à avoir été créé par une décision de l’ONU, unique état du monde à s’affranchir pourtant en toute impunité de la légalité internationale.
Nicolas Sarkozy est captif de sa démagogie et de ses préjugés, captif de ses présupposés idéologiques, lorsque depuis Jéricho, en juin 2008, il tonne ce slogan qui signe de manière manifeste son incompétence diplomatique : « le pouvoir par les urnes, pas par les fusils » feignant d’ignorer, ou plus vraisemblablement ignorant que le Hamas avait emporté haut la main les élections les plus démocratiques du Moyen-Orient. L’homme de la rupture est un vil suiviste : suiviste de son prédécesseur qu’il dénigre tant mais qu’il copie fidèlement même dans ses errements : tout le monde garde présent à l’esprit la prescription de Jacques Chirac ordonnant des « mesures coercitives » à l’égard du Hezbollah libanais lors de la guerre destructrice israélienne contre le Liban, en juillet 2006, un Hezbollah victorieux renvoyant Jacques Chirac à la condition de pensionnaire posthume de Rafic Hariri, l’ancien premier ministre libanais assassiné, sans doute partiellement du fait de la politique française au Moyen-Orient.
Rétrospectivement, la défection de deux personnalités de premier plan du Moyen-Orient, auparavant bénéficiaires de l’asile politique en France, l’Ayatollah Ruhollah Khomeiny, chef de la Révolution islamique iranienne (Iran 1979) et du Général Michel Aoun, chef du principal parti chrétien libanais (1990-2005), pose le problème de la pertinence de la politique française dans la zone.
Le premier président de sang mêlé de France parait pâtir du prestige international du premier président de sang mêlé des Etats-Unis d’Amérique.
Un an après son sacre diplomatique, le flamboyant président, orphelin de sa plateforme européenne, privé de sa passerelle méditerranéenne, plombé par un ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner affligé par son affairisme kurdo-gabonais, est désormais éclipsé par la nouvelle icône médiatique planétaire Barack Obama. La surenchère protestataire à laquelle s’est livrée Nicolas Sarkozy par rapport au président américain à propos de l’Iran, à la mi-juin, correspondait davantage à son souci de sécuriser le marché militaire français des pétromonarchies du Golfe dans la foulée de l’aménagement d’une base navale à Abou Dhabi qu’elle ne répondait à son intransigeance sur les violations des libertés démocratiques.
La suppression du secrétariat aux Droits de l’Homme dans le remaniement ministériel de juin 2009 porte confirmation de cette tendance. Le zèle protestataire anti-iranien de la France aurait gagné en crédibilité s’il s’était accompagné du même activisme à l’encontre d’Israël. La conférence des ambassadeurs français en poste au Moyen orient, qui se tiendra pour la première fois de l’histoire le 9 juillet à Damas, sous la présidence de Bernard Kouchner, le plus hostile à la Syrie des ministres français des Affaires étrangères, témoigne du désarroi général de la diplomatie française dans la zone. Ce rétropédalage a retenti comme un désaveu cinglant pour le tandem Sarkozy-Kouchner, artisan de l’alignement inconditionnel de la France envers Israël.
En plein naufrage diplomatique, la France a d’ailleurs sollicité le concours de la Suède pour un co-pilotage de l’Union Pour la Méditerranée, accentuant le brouillard institutionnel euro méditerranéen (4). Président semestriel de l’Union Européenne, la Suède est favorable à l’entrée de la Turquie au sein de l’ensemble européen. Sa diplomatie est créditée d’un fort degré de fiabilité au sein du tiers-monde.
Vindicatif, à la culture dyspeptique, au débit stroboscopique, au comportement nourri de tics, à la démarche ambulatoire, le « premier président de sang mêlé » de France parait pâtir du prestige international du « premier président de sang mêlé » des Etats-Unis d’Amérique. Même sur ce registre là, le français ne supporte pas la comparaison : face au Kenyan, le hongrois fait piètre figure. Le discours fondateur du Caire, le 4 juin dernier, sur la nouvelle diplomatie américaine à l’égard du monde arabo musulman a révélé, par contrecoup, le caractère pathétiquement dérisoire des embardées xénophobes antimusulmanes du « premier président de sang mêlé » de la France. En cette heure de grande solitude diplomatique, qu’il plaise aux oracles de lui prévenir une nouvelle méprise, et, que dans sa gesticulation démagogique solitaire, la France ne redevienne une partie du problème et non de sa solution du fait de la dystopie (5) du discours de son président.
Références
1- Philippe Val a imputé la politique antijuive du Régime de Vichy à la politique arabe de la France, se livrant ainsi à un sournois travail de révisionnisme anti-arabe. Sa plus belle perle, qui relève désormais du domaine de l’anthologie, est incontestablement ce constat en forme de sentence : « Les otages français (en Irak), Christian Chesnot et George Malbrunot ont été enlevés par des terroristes islamiques qui adorent égorger les Occidentaux, sauf les Français, parce que la politique arabe de la France a des racines profondes qui s’enfoncent jusqu’au régime de Vichy, dont la politique antijuive était déjà, par défaut, une politique arabe », assurait-il avec beaucoup de suffisance dansCharlie Hebdo en date du 5 janvier 2005.
2- Sous l’autorité de Bernard Kouchner, transfuge socialiste de l’atlantisme néo-conservateur américain, Gérard Araud, ancien ambassadeur à Tel-Aviv de 2003 à 2006, passe pour être l’artisan du virage pro-israélien de la diplomatie française en tandem avec son supérieur hiérarchique, Gérard Errara, ancien ambassadeur représentant permanent de la France à l’OTAN à Bruxelles (1995-1998) et ancien ambassadeur à Londres (2002-2007) sous la primature de Tony Blair, « le caniche anglais de Bush ». Leur postulat repose sur l’idée que le monde arabe est sans influence sur les relations internationales. Ils sont secondés par Philippe Errera, fils de Gérard et énarque comme lui, un admirateur de l’historien Bernard Lewis, un des idéologues des néo-conservateurs américains, ainsi que par Michel Miraillet (ministère de la défense), Thérèse Delpuech (commissariat à l’énergie atomique), Bruno Tertrais (Fondation de la Recherche Stratégique) et Erik Chevalier, porte-parole du Quai D’orsay, proposé par la France pour être le prochain ambassadeur de France en Syrie.
3- Quatre diplomates français ont fait l’objet de vexations de la part des autorités d’occupation israélienne en moins d’un an : le 22 juin 2009, la directrice du centre culturel français de Naplouse (Cisjordanie) a été sortie de son véhicule, jetée à terre et rouée de coups par des militaires israéliens près de Jérusalem. « Je peux te tuer », a lancé en anglais l’un des soldats. Le 23 ce fut au tour du directeur du centre culturel de Jérusalem-Ouest, Olivier Debray, qui, à bord d’un véhicule pourvu de plaques consulaires, a été insulté par des policiers. Le 11 juin 2008, Catherine Hyver, consulte adjointe à Jérusalem, avait été retenue dix-sept heures sans une goutte d’eau ni une miette de pain par la sécurité israélienne à un point de passage de la bande de Gaza. Mais l’incident le plus grave est l’occupation du domicile de l’agent consulaire français, Majdi Chakkoura, à Gaza, pendant l’attaque israélienne de janvier. En son absence, les soldats israéliens ont complètement ravagé les lieux – pourtant signalés à l’armée israélienne -, volé une grosse somme d’argent, les bijoux de son épouse, son ordinateur et détruit la thèse sur laquelle il travaillait. Et ils ont souillé d’excréments le drapeau français. Le Quai d’Orsay n’a élevé aucune protestation à la suite de cet incident.
4- Le co-pilotage de l’Union Pour la Méditerranée a été annoncé par le premier ministre suédois Frederick Reinfeldt au terme de ses entretiens vendredi 3 juillet à Stockholm avec Nicolas Sarkozy. « Aujourd’hui nous nous sommes mis d’accord sur une Présidence suédo-française du côté de l’UE pour l’Union pour la Méditerranée lors de cet automne. Cela signifie que la France et la Suède vont codiriger les réunions qui auront lieu » a déclaré M. Reinfeldt. La Suède, pays à la diplomatie prestigieuse, assume de surcroît président semestriel de l’Union Européenne.
5- Une dystopie est un récit de fiction, parfois raccordé à la science-fiction, se déroulant dans une société imaginaire, inventée par les écrivains, afin d’exagérer et ainsi montrer des conséquences probables. La dystopie s’oppose à l’utopie : au lieu de présenter un monde parfait, la dystopie propose le pire qui soit. Cette forme littéraire a été rendue célèbre par Le meilleur des Mondes (1932) de Aldous Huxley, 1984 de George Orwell (1949) ou encoreFahrenheit 451 de Ray Bradbury (1954).
Source : Blog René Naba