Témoignage de Rina Andolini, Khuza’a, Palestine Occupée.
On parle rarement des agriculteurs. Ils se fondent dans l'arrière-plan des terres au-delà des immeubles détruits des villes. La réalité, cependant, est qu'ils sont confrontés eux-mêmes à une bataille. Beaucoup de fermiers ont eu leurs maisons et leurs terres agricoles attaquées. Des terres agricoles attaquées... je veux dire, qui aurait jamais pensé que la terre pourrait être un ennemi qu'il faut frapper avec un missile ?
Eh bien, les attaques ont cessé, pour l'instant, bien que le bourdonnement des drones fasse vibrer le silence, parfois accompagnés par le sifflement des vents à haute vitesse que les F-16 amènent avec eux.
La situation des agriculteurs est claire et simple ; ils ont des terres et ont peur de s'en occuper. Qu'y a-t-il à craindre quand tout ce que vous voulez, c'est labourer, semer et bonifier votre terre pour procurer à votre famille nourriture, gîte et vêtements ? Comment peut-on accepter qu'une personne travaille dans la crainte de se faire tirer dessus, quand elle ne fait rien d'autre que cultiver sa terre ?
La clôture dans la zone tampon marque la frontière, nous devrions donc être en mesure de nous diriger vers elle sans craindre d'être blessés par balle, ou pire encore, bombardés, car l'armée israélienne parcourt la zone dans ses chars en permanence.
Hier, le 8 novembre, les fermiers sont allés sur leurs terres pour commencer à labourer avant les semailles. Ils utilisent un tracteur. Que s'est-il passé lorsqu'ils sont arrivés ? L'armée israélienne a tiré dans leur direction. Heureusement, personne n'a été blessé, mais la balle a crevé un pneu du tracteur. C'est dur pour ces fermiers de payer ce genre d'imprévus ; des risques liés au travail provoqués par des attaques israéliennes.
Alors ils ont appelé plusieurs militants internationaux ici à Gaza, pour dire, "Venez avec nous sur nos terre, nous voulons y aller avec le tracteur pour travailler, mais ils n'arrêtent pas de nous tirer dessus."
Bien sûr nous avons été d'accord pour aller aider et même ce matin, ils nous ont appelé deux fois pour s'assurer que nous venions. Ils ne voulaient pas commencer le travail sans notre présence.
Voilà leur situation, ils ne peuvent travailler sans crainte de se faire tirer dessus. C'est aussi simple que cela. Où au monde entendez-vous parler de tels crimes contre l'humanité et pour lesquels l'agresseur n'est pas puni ?
Cela se passe ici à Gaza, en Palestine, tout le temps. Les Israéliens attaquent, et ils continuent de s'en sortir. Le silence du monde tue et détruit ces gens.
J'ai rencontré un fermier, Rami Salim Kudeih, il a 33 ans, il est marié et père de cinq enfants. Le plus jeune est un bébé d'un mois, l'aîné a 9 ans.
Je lui ai demandé ce qu'il voulait cultiver sur sa terre, et il m'a dit, "du blé et des lentilles."
"C'est la saison pour ce travail, il faut que nous le fassions mais nous sommes constamment dans la crainte des attaques en provenance d'Israël. Ils ont tué des gens ici, auparavant, sur cette terre appelée Um Khamseen."
"Quand les Israéliens tirent, je suis en colère et triste. Une femme a été tuée dans un champ voisin, au cours de ces deux dernières années. Ma sœur a également été blessée alors qu'elle travaillait dans ces champs, elle a été blessée à la tête, maintenant, grâce à Dieu, elle va mieux, mais parfois, quand il fait froid, la douleur à la tête revient."
Le plus triste de tout cela, c'est que quand j'ai interrogé Rami sur ce que le monde pourrait faire, le monde à l'extérieur de la prison à ciel ouvert qu'estGaza, sa réponse m'a brisé le cœur. Elle montre qu'il a perdu tout espoir, qu'il vit avec la situation telle qu'elle est, sans aucune amélioration en vue.
"Ils [l'armée israélienne] tirent souvent, ils tirent dans notre direction, et alhamdulillah [Dieu soit loué], jusqu'à présent nous n'avons pas eu de morts... mais on ne sait jamais ce qui va arriver". "La seule solution, c'est que les internationaux nous accompagnent dans les champs pour que nous puissions travailler."
Je m'attendais à ce qu'il me réponde que les gens de par le monde devaient faire entendre leurs voix et faire pression sur leurs dirigeants pour mettre un terme à ces crimes contre l'humanité, mais en fait, il m'a fait une réponse qui montre sa résignation à la vie qu'ils subissent à Gaza. Une vie dans la peur constante d'être attaqué par Israël.
Ce n'est pas ainsi qu'ils devraient vivre, personne ne devrait vivre ainsi, mais c'est ainsi que vit la population de Gaza. Quand ferons-nous quelque chose pour laisser ces gens vivre la vie qu'ils ont le droit de vivre et qu'ils méritent ?
Ce matin, nous étions donc dans le champ, à environ 100 à 150 mètres de la clôture, c'était calme, même si nous avons vu deux chars israéliens circuler à proximité, puis se cacher.
Les agriculteurs ont réussi à faire leur travail en paix puis nous sommes partis.
Le problème est toutefois qu'ils ne devraient pas avoir besoin de la présence d'internationaux, ils devraient pouvoir aller sans problème sur leurs terres en toute sécurité.
Source : Palsolidarity
Traduction : MR pour ISM