GAZA, bande de Gaza — Les Palestiniens pensent qu’il est nécessaire que la résistance palestinienne reste armée tant que l’occupation israélienne persiste dans les territoires palestiniens. Ils sont convaincus que le désarmement de la résistance entraînera pour eux une nouvelle perte de droits.
- Des militants palestiniens du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) participent à une parade militaire dans la ville de Gaza, le 2 sept 2014 - Photo : Reuters/Mohammed Salem
« Nous rejetons en bloc le désarmement de la résistance, et c’est la raison pour laquelle les pourparlers n’ont pas abouti à plusieurs reprises. L’accord a été conclu après qu’Israël a renoncé à exiger le retrait de ces armes », a déclaré la source, qui faisait partie de la délégation palestinienne au Caire.
Le 28 août, lors d’une conférence de presse, le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Meshaal, s’est exprimé : « La résistance et ses armes sont sacrées, dans la mesure où il s’agit d’une icône du peuple, d’un bouclier qui le protège et de sa voie vers la libération. Nous n’accepterons pas qu’elles soient à l’ordre du jour des [discussions] politiques internes, car il n’y a pas de politique sans la résistance et ses armes. »
À l’échelle du peuple, les Palestiniens rejettent le désarmement de la résistance, puisqu’ils considèrent ces armes comme un moyen de protection et un gardien face aux attaques militaires à répétition menées par Israël.
Mohammed Faraj, un chauffeur de taxi gazaoui, a poussé un rire sarcastique lorsque nous lui avons demandé son opinion sur le désarmement de la résistance. « Il est selon moi ridicule de discuter de cette question, parce que les Palestiniens n’ont pas d’autre option que la résistance armée pour chasser l’occupation israélienne », a-t-il expliqué à Al-Monitor.
Un sondage d’opinion réalisé mi-août par le Centre palestinien pour l’opinion publique auprès d’un échantillon aléatoire de 1 000 habitants de la bande de Gaza a révélé que 93,2 % de la population de Gaza sont opposés au désarmement de la résistance. 3 % se sont prononcés en faveur du désarmement tandis que 3,8 % n’ont pas souhaité s’exprimer.
L’analyste politique Hassan Abdo a attribué l’insistance des Palestiniens à faire en sorte que l’exigence du désarmement de Gaza ne fasse pas partie des pourparlers de cessez-le-feu à la poursuite de l’occupation israélienne et à l’absence d’État palestinien indépendant.
« L’exigence israélienne [du désarmement de Gaza] n’est pas logique et n’est pas plus acceptée par le peuple ou par les factions. Ces armes représentent l’identité palestinienne et personne ne pourra les en priver tant que l’occupation perdurera », a-t-il déclaré à Al-Monitor.
L’insistance politique palestinienne quant à l’illégitimité du désarmement de la résistance ne se limite pas aux factions islamiques telles que le Hamas et le Djihad islamique, qui ont affronté Israël sur le terrain militaire. Elle comprend également le Fatah, qui a signé un accord de paix avec Israël en 1993 et qui persiste dans l’option des négociations politiques pour résoudre le conflit.
Lors d’une déclaration sans précédent sur la chaîne Al-Mayadeen, le 14 août, Abbas Zaki, membre du Comité central du Fatah, a déclaré que « les dirigeants palestiniens sont convenus du fait qu’accepter le désarmement de la résistance serait [semblable à] une trahison ».
Hassan Abdo a indiqué que le gel des négociations politiques entre l’Autorité palestinienne et Israël ont grandement contribué au ralliement du peuple palestinien à la cause de la résistance armée, considérée comme ce qui pourra sauver les Palestiniens de l’occupation israélienne. « Depuis qu’elles ont commencé en 1993, les négociations entre l’Autorité palestinienne et Israël n’ont pas abouti à la moindre avancée en faveur des Palestiniens. Au contraire, elles ont permis d’accroître l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie », a-t-il affirmé.
L’analyste politique Mustafa al-Sawaf a confirmé les déclarations de Hassan Abdo, soulignant que le désarmement de la résistance « est une étape qui ne peut précéder la fin de l’occupation israélienne ». Il s’est exprimé à Al-Monitor : Lorsque l’occupation sera terminée et qu’un État palestinien indépendant sera formé, les armes ne seront plus à la résistance. Elles passeront aux mains de l’armée officielle palestinienne. Quant aux pourparlers visant à procéder à cette étape avant la fin de l’occupation, ce n’est pas sérieux. »
Mustafa al-Sawaf a également écarté la possibilité d’un désarmement de la résistance avec le retour de l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza. « Les armes de la résistance resteront entre ses mains, et je pense qu’il existe des accords à ce sujet entre l’Autorité palestinienne et la résistance », a-t-il expliqué.
Selon le texte égyptien présenté aux parties à propos des dispositions relatives à l’ouverture des points de passage et la fin du siège de Gaza, les demandes palestiniennes ont été basées sur le fait que toutes ces questions devaient passer sous l’administration de l’Autorité palestinienne.
« S’il est vrai que les points de passage, les frontières et le territoire de Gaza seront complètement sous l’administration de l’Autorité palestinienne, cela ne signifie pas un désarmement de la résistance », a indiqué la source proche des pourparlers du Caire. Il existe un accord entre les groupes palestiniens selon lequel l’existence simultanée à Gaza de l’Autorité palestinienne et des armes de la résistance n’est pas contradictoire.
Le quotidien libanais An-Nahar a annoncé le 29 août qu’il avait obtenu une copie de ce qu’il a décrit comme « le projet américain de faire de Gaza une zone sans armes ni personnes armées », projet qui sera soumis aux Nations Unies. « La résolution stipule la transformation de la bande de Gaza en une zone sans armes ni personnes armées, à l’exception des armes de l’Autorité palestinienne, ainsi que la destruction de tous les tunnels transfrontaliers avec Israël et l’Égypte », a rapporté An-Nahar.
Le Hamas a souhaité commenter au sujet de ce projet dans des propos publiés le 30 août dans le journal Felesteen, journal affilié au Hamas : « Tout projet qui vise à désarmer la résistance palestinienne n’a aucune valeur. Ce qui est nécessaire, c’est de désarmer l’occupation israélienne et d’empêcher l’administration américaine de lui fournir des armes qui servent à tuer des enfants et des femmes. »
L’analyste politique Talal Okal a affirmé qu’un tel projet « ne pourrait d’aucune manière forcer le désarmement de la résistance ». Il s’est exprimé à Al-Monitor : « Ce modèle est une réplique de ce qui s’est passé avec le Hezbollah pendant la guerre israélienne contre le Liban en 2006, lorsque le Conseil de sécurité [de l’ONU] a imposé des restrictions sur les armes du Hezbollah et déployé des forces internationales le long de la frontière. La réalité montre cependant que [le Hezbollah] est devenu plus fort qu’auparavant. »
« Le blocus israélien de sept années sur Gaza n’a pas permis d’affaiblir la résistance palestinienne ; elle a plutôt été en mesure de développer et [d’augmenter] ses capacités militaires », a-t-il précisé. Talal Okal a souligné qu’Israël joue la carte du désarmement de la résistance comme un prétexte pour poursuivre l’agression.
Selon l’analyste politique, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou cherchait à commercialiser à l’international l’idée du désarmement de Gaza en comparant le Hamas à l’État islamique. « Il n’y a aucune similitude entre la résistance à Gaza et l’État islamique », a-t-il dit.
Talal Okal a ajouté que toute pression internationale exercée sur les pays qui adoptent et soutiennent les factions de la résistance (comme le Qatar, la Turquie, l’Iran et le Liban) pour désarmer la résistance « n’aura aucun effet ». L’analyste politique a insisté sur le fait qu’une solution juste à la question palestinienne « constitue la meilleure option pour désarmer la résistance ».
* Rasha Abou Jalal est écrivain et journaliste à Gaza, spécialisée dans les nouvelles politiques, les questions humanitaires et sociales liées à l’actualité.