La guerre de 50 jours à Gaza a restauré le concept de résistance militaire comme moyen de l’unité palestinienne.
- Manifestation à Gaza, après l’annonce du cessez-le-feu
Netanyahu a déclaré qu’il n’avait jamais vu frapper si fort auparavant. Mais de qui, en vérité, parle-t-il ? du Hamas à Gaza ? Le Hamas récupérera et si l’histoire a une certaine logique, il se transformera en une plus grande menace sur la plan militaire. Gaza prendra les années qu’il faudra pour cela.
La tempête de démolition qu’Israël a lancée tout au long des 50 derniers jours sur une des enclaves les plus pauvres et les plus peuplées de la planète, n’a pas fait de distinction entre cibles civiles et militaires. Mais cette puissance féroce et cruelle n’a pas fait de distinction non plus entre les intérêts tactiques et stratégiques d’Israël.
L’un d’entre eux était de maintenir le siège de Gaza. Il n’est maintenant plus un gouvernement en Europe ou en Amérique qui puisse imaginer qu’aider Israël à maintenir le blocus soit une bonne idée. Le désarmement du Hamas est également sorti de tous leurs agendas et parler de prévenir le réarmement du Hamas est une politique assez différente. Un signe du décalage qu’il y a entre insister sur le désarmement du Hamas et empêcher son réarmement est visible dans le document concocté par les représentants de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni, puis communiqué au conseiller israélien à la sécurité nationale Yossi Cohen et qui a servi de base à une résolution des Nations Unies.
Le deuxième objectif stratégique des gouvernements israéliens successifs a été de garder les Palestiniens divisés. Cela a été la pierre angulaire de toute une stratégie pour empêcher la naissance d’un État palestinien, et elle s’est érodée à la suite de cette guerre, bien que la haine personnelle de Mahmoud Abbas à l’égard du Hamas ne doit jamais être sous-estimée. C’était l’assaut le plus brutal jamais lancé par Israël sur Gaza, mais cela ne reste pas sans conséquences. Les choses ne sont plus là où elles en étaient il y a 50 jours.
Les célébrations auxquelles on a assisté à Gaza la nuit dernière en ont fourni la preuve. L’accord politique d’unité entre le Fatah et le Hamas est moins important à cet égard, et en particulier plus fragile que l’aspect militaire de la question. Le Hamas n’a pas réussi à briser le siège et la deuxième série de pourparlers au Caire sur un port et l’aéroport pourrait ne jamais commencer, ou plus probablement, ne jamais aboutir. Mais ce que la guerre de 50 jours a fait à Gaza, c’est de restaurer la notion de résistance militaire comme moyen de l’unité palestinienne. Et c’est ce que les habitants de Gaza et les Palestiniens dans le monde entier ont fêté.
Ce n’était pas écrit sur le Playbook de Netanyahu. Rappelez-vous quand il a commencé la guerre il y a 50 jours. Il disait que c’était un bon moment pour frapper le Hamas. Israël et en particulier l’Autorité palestinienne avaient imaginé que le Hamas était impopulaire dans la bande de Gaza et que les Gazaouis se révolteraient s’ils étaient soumis au malheur d’une autre guerre. Netanyahu pensait que le Hamas était privé de fonds et d’armes en provenance d’Iran et du Sinaï, maintenant que l’Égypte avait fermé tous les tunnels. On parlait même de réinstaller Mohammed Dahlan dans un Gaza sans Hamas.
C’est le contraire qui s’est produit. Le Hamas a contre-attaqué, avec efficacité. Même au plus fort de la seconde Intifada, le Fatah étaient considéré comme co-responsable de la résistance, en grande partie en raison de son histoire. Aujourd’hui, il n’y a aucun doute dans la rue palestinienne, de qui dirige la résistance aujourd’hui : les Brigades al Qassam, dont la figure de proue est Mohammed al-Daif.
La guerre s’interrompt avec les Brigades al-Qassam placées au sommet d’une force de résistance plus large qui comprend d’autres factions palestiniennes, dont une partie affiliées au Fatah. La résistance remplace les factions et l’idéologie, et sur le champ de bataille, elle a réussi à combler la fracture Hamas-Fatah.
Le changement dans l’équilibre du pouvoir entre les deux principales factions palestiniennes se reflète aussi dans une réunion houleuse à Doha entre Mahmoud Abbas et Khaled Mechaal. Meshaal a critiqué Abbas pour la récente vague de répression contre les manifestants en Cisjordanie, et Abbas a accusé Meshaal de tenter de monter un coup de force contre lui, se référant à une histoire étrangement publiée au préalable dans les médias israéliens.
Meshaal a répondu avec mépris que personne ne pouvait monter un coup d’État alors que l’ensemble de la Cisjordanie est sous occupation. Meshaal a ensuite demandé à savoir quand Abbas signerait le traité de Rome qui permettrait à l’État non membre de Palestine à rejoindre la Cour pénale internationale. Toutes les factions palestiniennes ont signé, sauf bien sûr, Abbas. Meshaal voulait savoir quand ce sera fait. Abbas n’a rien répondu.
L’autre conséquence de la guerre était d’exposer qui faisait le mouchard à l’oreille de Netanyahu et pourquoi Israël et l’Égypte ont pensé pouvoir contourner leur bienfaiteur commun, l’Amérique. Le soutien à Israël par l’Arabie Saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis (EAU), qui avant la guerre était un secret, est maintenant devenu manifeste. Les responsables israéliens n’arrêtaient pas de se vanter à ce sujet. Israël a révélé que Abdel Fatah al-Sisi et Mohammed bin Zayed, le prince héritier d’Abou Dhabi, voulaient la destruction du Hamas, en allant même plus loin que ce qu’’ils étaient en train de faire. Les pays du Golfe ont considéré la guerre contre Gaza comme faisant partie intégrante de leur campagne contre les Frères musulmans et les islamistes en général et dans toute l’Afrique du Nord.
Ce n’est pas une coïncidence si la semaine qui a précédé le cessez-le-feu, les EAU ont emprunté les aéroports égyptiens et ont bombardé des cibles islamistes et du mouvement de Misrata à Tripoli pour empêcher l’aéroport international de tomber entre leurs mains. La guerre par procuration en Libye a impliqué directement des avions du Golfe et des bases égyptiennes. Les Américains étaient si furieux qu’ils l’ont fait savoir par le New York Times. Ces mêmes États voulaient et avaient besoin de la destruction du Hamas.
Le conflit n’est évidemment pas fini et les principaux objectifs du Hamas n’ont pas été atteints. Il n’y a pas d’ouverture d’un port ou d’un aéroport dans l’immédiat ni de libération des prisonniers kidnappés lorsque Israël a lancé sa campagne répressive en Cisjordanie après que les trois jeunes colons aient été enlevés et tués.
Cependant, bien que le Hamas ait tenté d’y résister, l’Égypte est restée dans la position officielle de négociateur, tandis que le Qatar et la Turquie ont été éliminés par Israël. Et les tensions sur le rôle de l’Égypte ont continué jusqu’à la l’annonce de cessez le feu. Ni l’Égypte, ni Abbas ne voulaient que le Hamas puisse prétendre à la victoire. Ce fut un autre échec dans les buts de guerre de l’informelle coalition israélo-saoudo-émirati : propulser al-Sisi comme leader régional. Un autre exemple des travaux non terminés.
Le Hamas a fait le calcul qu’il serait préférable de négocier dans une délégation unie. Cela signifie cependant que le Hamas était mis sous pression pour accepter ce qu’il considérait comme un accord au rabais. La pression exercée par les autres délégués palestiniens a augmenté en raison de la tactique appliquée par Israël de tout raser dans Gaza, augmentant ainsi considérablement le problème des réfugiés de l’intérieur après-guerre. Il y a près de 450 000 personnes sans abri, 2143 personnes assassinées, plus de 10 200 personnes blessées. C’est un lourd tribut à payer.
L’avenir dépend maintenant de la capacité du Hamas à consolider le soutien populaire qu’il a si durement acquis. Est-il en mesure de gérer le retour de l’appareil sécuritaire de l’Autorité palestinienne à Gaza sans déboucher sur une confrontation, étant donné que la répression en Cisjordanie et à Jérusalem est susceptible non seulement de se poursuivre mais de s’intensifier ? Israël ne peut pas tout réorganiser à sa convenance dans la bande de Gaza, mais il le peut dans les zones sous son contrôle direct. Ni aura-t-il aucun retour de bâton de la bande de Gaza pour les régimes arabes qui ont soutenu l’attaque israélienne ? Et le siège de Gaza sera-t-il enfin levé ?
Il n’y a pour l’instant aucune réponse à ces questions.
* David Hearst est rédacteur en chef de Middle East Eye. Il est éditorialiste en chef de la rubrique Étranger du journal The Guardian, où il a précédemment occupé les postes de rédacteur associé pour la rubrique Étranger, rédacteur pour la rubrique Europe, chef du bureau de Moscou et correspondant européen et irlandais. Avant de rejoindre The Guardian, il était correspondant pour l’éducation au sein du journal The Scotsman.
Traduction : Info-Palestine.eu - al-Mukhtar