Ici
à Londres, des manifestations à l’échelle nationale ont été tenues
chaque week-end, ces dernières semaines. Au moment où j’écris ces
lignes, vendredi 1er août, une autre manifestation doit démarrer dans
quelques heures. Et il y a également eu d’autres actions, telles que
des sit-in dans des services gouvernementaux pour protester contre les
livraisons d’armes à Israël, des descentes de drapeaux et les
protestations en milieu de la semaine devant les locaux de la BBC pour
protester contre sa couverture pro-Israël.
Il y a actuellement un afflux énorme de nouvelles
recrues dans le mouvement. Ceci représente une opportunité énorme et un
défi important.
La pure barbarie de l’assaut d’Israël sur la
population civile de Gaza a été la motivation principale des personnes
qui se sont rassemblées. Quelques défenseurs du soulèvement syrien ont
maugréé sur Twitter : « comment se fait-il que vous ne prêtiez pas
attention aux crimes du régime d’Assad et que vous soyez maintenant
concentrés uniquement sur le massacre commis pas les Israéliens ? »
En mettant de côté le manque de justesse moral de
telles récriminations, ces militants oublient un point fondamental au
sujet du mouvement de solidarité de la Palestine en Occident : cela a
pris des décennies pour renforcer lentement et régulièrement ce
mouvement, jusqu’à ce que les choses atteignent cette étape
impressionnante. C’est une remarque que l’auteur et militant palestinien
Budour Hassan a faite sur Twitter récemment, critiquant de tels
défenseurs du soulèvement syrien (et Budour est un ennemi du
gouvernement Syrien, et il m’a par ailleurs fortement critiqué pour ma
propre position plutôt sceptique sur la révolution supposée en Syrie).
Hormis de négliger un point moral très évident (le
soutien gouvernemental des Anglais à Israël avec un commerce d’armes
bilatéral, tout en imposant des sanctions sur le gouvernement syrien),
ces commentaires montrent une certaine ignorance de l’histoire du
mouvement de solidarité.
Mythes sionistes
Pendant des décennies, en Europe, il était presque
impossible de faire n’importe quelle sorte de critique d’Israël sans
être immédiatement taxé d’antisémite. Cette méthode propagandiste
sioniste garde de sa puissance, mais les choses ont changé. L’accusation
a perdu le pouvoir qu’elle avait dans le passé, et plus en plus les
gens voient cela comme de la pure manipulation.
C’est dû en partie à la participation dans le
mouvement de solidarité d’un grand nombre de juifs Européens. Ma propre
participation dans le mouvement de solidarité de la Palestine a commencé
en 2001, et je peux sans risque dire que j’y ai rencontré bien plus de
personnes de confession juive que je ne l’ai fait dans ma vie
auparavant. Je dis cela sans données analysant la composition
démographique du mouvement de solidarité, mais néanmoins, je peux sans
grand risque présager qu’un tel sondage montrerait un nombre élevé de
personnes se présentant comme juives dans le mouvement de solidarité en
Grande-Bretagne.
C’est une bonne chose pour de nombreuses raisons.
Beaucoup sont organisés dans les groupes explicitement nommés, comme les
Juifs Pour la Justice pour les Palestiniens, les Juifs Pour Boycotter
les Marchandises Israéliennes, et le Réseau Juif International
Anti-Sioniste, plus radical. Je sais que quelques camarades juifs
critiquent l’idée de tels groupes, disant que les juifs n’ont pas besoin
d’avoir n’importe quel rôle « spécial » dans le mouvement. D’un point
de vue humaniste, j’ai de la sympathie pour une telle position, et je ne
chercherais jamais à imposer à quiconque une telle fonction. Néanmoins,
ma position personnelle est que de tels groupes explicitement
identifiés sont globalement une bonne chose, et ceci pour deux raisons.
Premièrement, parce qu’ils aident à combattre une
mythe central de l’entité d’occupation qui domine la Palestine : à
savoir, le mythe que le judaïsme, et/ou l’identité laïque juive, sont la
même chose que le sionisme. Et deuxièmement, l’existence même de ces
groupes aide à combattre les antisémites européens blancs marginaux qui
essayent de temps en temps d’infiltrer et de miner le mouvement de
solidarité pour leurs propres objectifs tout à fait condamnables.
Placez-vous sous la direction des Palestiniens
Il y a un facteur crucial auquel le mouvement de
solidarité avec la Palestine doit prêter attention. Son succès ou son
échec peut même dépendre de lui. Dans tout ce que nous faisons, nous
devons prendre nos directives, nos réponses et nos orientations des
Palestiniens eux-mêmes.
Ceci ne signifie pas trouver une quelconque
autorisation palestinienne pour avancer des ordres du jour que nous
avons déjà décidés. Non : Mahmoud Abbas, la marionnette d’Israël en
Cisjordanie, est un Palestinien mais il ne représente en rien les
Palestiniens.
Le principe d’un mouvement dirigé par les
Palestiniens est crucial. Nous devons écouter ce que les Palestiniens
veulent. Nous devons être constamment auto-critiques, et nous avons
besoin de contester sans interruption et uniformément toute suprématie
blanche et tout privilège.
Je pense que le mouvement s’est amélioré ces
dernières années en sachant veiller à ce que les voix palestiniennes
soient plus entendues. Mais nous devons faire bien mieux. Comme
porte-parole, il faut plus de Palestiniens et d’Arabes : nous ne
manquons certainement pas de jeunes militants, auteurs et analystes
Palestiniens extrêmement intelligents qui vivent en Occident, souvent
comme étudiants, journalistes et universitaires. L’éditeur de gauche
Verso a publié cette année « une liste de lecture du Jour de Nakba » -
qui au départ ne comprenait aucun auteur palestinien (cette liste a plus
tard été mise à jour après la réception de critiques sur Twitter).
Je dirais que le facteur principal qui a changé le mouvement en mieux pendant la dernière décennie a été la campagne pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS).
En 2005, la campagne BDS a évolué de ce qui était
une bonne idée vers un appel concret pour l’action - une plate-forme
d’action définie, signée sur un vaste choix de groupes en Palestine même
dans la Diaspora palestinienne. Avant tout, ce document a été lancé et
est toujours sous la responsabilité des Palestiniens eux-mêmes.
En soi, les exigences politiques à l’origine de
l’appel de BDS sont claires, et elles reprennent les priorités de longue
date du mouvement Palestinien de libération lui-même : une fin de
l’occupation israélienne, la pleine égalité pour tous et le retour de
tous les Palestiniens réfugiés expulsés de Palestine.
L’articulation de ces objectifs puissants, justes
et aisément compréhensibles, a été la raison principale de la lente et
régulière montée en puissance du mouvement de BDS depuis. C’est cette
croissance, réalisée par les Palestiniens eux-mêmes, qui est la toile de
fond essentielle des énormes manifestations aujourd’hui en faveur du
peuple palestinien et contre les crimes de guerre israéliens.
Les forces terrestre israéliennes font face
actuellement à une défaite humiliante à Gaza - la résistance met en
évidence un rapport renversant des forces, tuant bien plus de soldats
que ce que les Israéliens imaginaient possible. Israël devra tôt ou tard
se retirer de la Bande de Gaza. Une fois que ce sera fait et que la
pleine importance des crimes de guerre israéliens dans Gaza sera
révélée, le dégoût à l’échelle mondiale éprouvé à l’égard d’Israël
mènera à une montée rapide de la campagne BDS et de toute campagne
similaire (nous en voyons déjà quelques signes avant-coureurs). Nous
devrons alors saisir cette occasion à pleines mains.
Al-AkhbarTraduction : Info-Palestine.eu - Naguib
http://oumma.com