Un expert dans les affaires du Hamas affirme que son usage
des tunnels afin de lancer des incursions, sa capacité à repousser les
raids des commandos israéliens et son utilisation de puissantes
roquettes fabriquées à Gaza, sont les signes d’une maturité militaire
sans cesse croissante.
- Un combattant des Brigades Izz al-Din al-Qassam - Photo : AFP
La force représentée par le Hamas est basée sur le potentiel
militaire du mouvement, c’est-à-dire sa capacité à user de la force
contre l’ennemi. À la fois des ingénieurs et des combattants de la
branche armée du Hamas, les Brigades Izz al-Din al-Qassam, ont trouvé la
mort au cours des années de sorte que le groupe puisse construire ce
que cette capacité militaire est devenue aujourd’hui.
Cela a été un processus douloureux d’essais et d’erreurs, disent les
analystes. Lorsque le Hamas a été créé en 1987, il ne pensait pas faire
plus que se servir de l’emblématique fusil israélien Uzi. Maintenant, il
dispose de missiles M-75 qui, avec une portée d’environ 80 km, peuvent
aller jusqu’à Tel-Aviv.
La capacité du Hamas à repousser deux débarquements des forces
spéciales israéliennes par la mer et disposant d’une couverture aérienne
la dernière semaine, n’est pas passé inaperçue à l’échelle
internationale. Le Hamas a également immobilisé des chars israéliens et
lancé des incursions par des tunnels, soulevant des questions quant à la
capacité que l’aile militaire a pu développer depuis l’attaque
israélienne de 2008-2009.
« Les guerres de 2008-9 et 2012 ont été instructives pour le Hamas.
Maintenant, nous voyons l’introduction de nouvelles roquettes », a
déclaré Ibrahim Al-Madhoun, un expert dans les affaires du Hamas. « Sa
capacité militaire s’est améliorée en qualité et en quantité. »
Madhoun explique que le progrès a été tiré d’expériences douloureuses
dans l’opération israélienne de 2008-2009. Par exemple, les Brigades
al-Qassam ont introduit de nouveaux missiles capables de frapper des
tanks à une plus grande distance, comme l’ogive russe Tandem, qui peut
pénétrer jusqu’à 9 cms de blindage de char. Ce n’est pas comme en 2008,
où les missiles P7 et RPG-7 échouaient à obtenir ce résultat à plus
courte distance.
Bien qu’il n’y ait aucune information sur le nombre d’exemplaires du
modèle russe Tandem dont dispose la résistance, Madhoun dit qu’il y a
encore d’autres armes que le Hamas réserve comme une « surprise » en cas
d’invasions terrestres dans la bande de Gaza.
« Les tunnels entre les villes sont un autre facteur qui permet au
Hamas des tactiques défensives et qui lui donne la capacité de
surprendre Israël », a-t-il ajouté. L’armée israélienne a déclaré jeudi
qu’elle avait riposté à une incursion par le Hamas dans une zone
fortifiée près de la colonie juive de Sufa - mais les Brigades al-Qassam
ont déclaré de leur côté qu’elles avaient réussi leur « mission » au
cours du raid souterrain.
Cerveau militaire
Ahmed Jabari, commandant en chef des Brigades Qassam qui a été
assassiné dans un raid aérien israélien en novembre 2012, est largement
considéré comme le responsable de la planification d’une capacité
nationale de fabrication de missiles, développée au mépris d’un blocus
israélo-égyptien sur la bande. En l’honneur de Jabari, le Hamas a lancé
deux nouveaux modèles de missiles : les J80 et J160.
Le groupe a également connu des améliorations dans la formation et la
spécialisation dans les différentes divisions, y compris les explosifs,
l’ingénierie, le lancement de fusées, les tireurs d’élite, la défense
navale et aérienne et les unités de production d’armes, selon les
analystes.
Depuis 1987, année où le Hamas est apparu, la variété et la gamme des
armes dont dispose le groupe - deux secrets bien gardés - n’ont cessé
de s’améliorer.
La fabrication d’armes par l’aile armée du Hamas est un processus
évolutif qui, selon Al-Madhoun, a été en progrès constant, grâce au
temps passé et à la détermination du commandement militaire.
En comparaison avec 2008 et 2012, lorsque selon les experts à Gaza,
Israël aurait pris le Hamas par surprise, la réponse du Hamas dans le
conflit actuel suggère qu’il est plus conscient de ses forces et de ses
faiblesses.
Les modes de tirs de roquettes à partir de Gaza semblent cohérents au
cours des 10 derniers jours de la guerre, et selon certaines
estimations, le Hamas est toujours bien en dessous des 20% de ses
capacités en armes, dit Madhoun.
En effet, toujours selon Madhoun, d’autres divisions n’ont toujours
pas utilisé leur pleine capacité militaire, ce qui laisse supposer des
capacités correspondant à des mois de tirs de roquettes.
« Il y a aussi plus de ressources humaines ni utilisées ni
épuisées », dit-il, indiquant que la réponse à ce jour s’est concentrée
sur les attaques avec des fusées, et ce nombre de fusées est « ni en
augmentation, ni en diminution ».
« Je crois que - en général - la résistance de Gaza n’est pas encore en mouvement à pleine vitesse », dit-il à MEE.
Au cours des 10 derniers jours, les frappes d’Israël ont assassiné
230 Palestiniens et blessé 1700 autres, la grande majorité d’entre eux
étant des civils, principalement des enfants et des femmes selon les
Nations Unies.
Un commandant de l’aile navale des Brigades al-Qassam, le commandant
Mohammed Shaban a été tué, mais Madhoun dit que Shaban n’était pas un
responsable, mais un opérationnel et que quelques centaines de
combattants restent dans l’unité de marine. Dans le passé, des membres
d’al-Qassam ont été tués, soit alors qu’ils allaient lancer des
roquettes, soit sur le chemin du retour.
Les plans israéliens pour une invasion terrestre dans les prochains
jours ont suscité des déclarations provocatrices des Brigades al-Qassam,
qui ont dit que ce serait pour elles « la meilleure option pour libérer
nos prisonniers palestiniens ».
En 2003, les dirigeants du Hamas ont estimé le nombre de soldats dans
les rangs des Brigades à environ 20 000. Toutefois, certains
observateurs estiment que ce chiffre est plus proche de 40 000.
Une raison à cela est que, après que le Hamas ait remporté les
élections dans la bande de Gaza en 2006, les limites dans le recrutement
militaire ont été étendues par le gouvernement dirigé par le Hamas. Le
groupe est également en liens étroits avec d’autres factions qui ont
chacune quelques milliers de combattants.
En dépit de ses technologies de surveillance, Israël n’a qu’une
petite idée de la taille exacte de l’arsenal de roquettes al-Qassam.
« Cet arsenal est produit en grande partie localement - mais oui, le
Hamas a également bénéficié du chaos en Libye, qui lui a permis
d’importer des missiles ».
Un analyste du groupe de consultance Jane Intelligence basé à
Londres a déclaré à Reuters cette semaine que dans cette offensive, les
Brigades ont dévoilé de nouvelles fusées et nouveaux lanceurs qu’elles
ont elles-mêmes fabriquées, et les combattants sont donc moins
dépendants des armes de contrebande.
Alors que l’Iran a toujours été considérée comme le principal mécène
de la capacité militaire des Brigades al-Qassam, Madhoun dit que leur
relation s’était dégradée ces derniers temps après que le Hamas n’ait
pas suivi Téhéran dans sa volonté de soutenir le président Bachar
al-Assad en Syrie.
Un autre signe de l’amélioration des capacités militaires du Hamas
est sa maîtrise technologie dans l’usage de drones. Lundi, l’armée
israélienne a annoncé qu’elle avait abattu un drone baptisé Ababeel par
le Hamas, qui l’a présenté comme son premier véhicule aérien sans pilote
et porteur de bombes.
Attention à l’invasion
Selon Madhoun, l’utilisation du Kornet, missile guidé russe anti-char
guidé et utilisé à quatre reprises par le Hamas et le Djihad islamique a
fait réfléchir Israël à deux fois avant de lancer une invasion
terrestre qui conduirait à de nombreuses victimes parmi les troupes
israéliennes.
Il ajoute que ce serait une erreur de sous-estimer la capacité du Hamas à faire face aux troupes israéliennes.
« Une tactique utile pour le Hamas est la capture des soldats
israéliens et il s’est avéré plus que capable de le faire », a-t-il
ajouté.
S’il lance une invasion terrestre, Israël est susceptible d’être
confronté non seulement à une force militaire renouvelée du Hamas et à
ses techniques de combat, mais aussi à un grand nombre de tués et à une
forte critique internationale à cause de sa tactique de « la terre
brûlée », a encore déclaré Madhoun.
* Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.
Du même auteur : Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib