Quand les dirigeants israéliens passés et présents parlent
de cibler « l’infrastructure terroriste » de Gaza, ils parlent en
réalité d’une population qui a toujours résisté et soutenu la
résistance. Contrairement aux constructions faites de briques et de
mortier, l’esprit de résistance de ces Palestiniens ne pourra jamais
être écrasé.
- Peinture murale dans Gaza, à l’occasion de la commémoration de l’expulsion des Palestiniens de leurs terres en 1948 (Nakba)
Le mouvement de résistance dans la bande de Gaza est souvent déformé,
parfois intentionnellement et à d’autres moments non. Dans la bataille
de l’information qui a commencé depuis qu’Israël a déclenché sa dernière
guerre, l’opération dite mur de protection, de nombreux faits et éléments du contexte sont passés à la trappe.
Historiquement, la bande de Gaza a été la plaque tournante d’une
résistance populaire ininterrompue depuis le nettoyage ethnique de la
Palestine, aux mains des milices sionistes en 1947-48 et plus tard de
l’armée israélienne d’occupation. On estime que 200 000 sur les 800 000
réfugiés de Palestine y ont été littéralement parqués, dans les
conditions les plus sordides et humiliantes.
Malgré le choc de la guerre et l’humiliation de la défaite, les
Gazaouis ont riposté presque immédiatement. Il n’y avait ni Fatah, ni
Hamas et aucun siège - du moins par rapport à sa définition actuelle -
et les habitants de Gaza n’étaient pas organisés autour de factions
politiques ou d’idéologies. Ils se rassemblaient dans de petits groupes
connus des Gazaouis sous le nom de fedayins : les combattants de la liberté.
Ces réfugiés dépossédés ignoraient encore la complexité de leur environnement politiqu, et les fedayins
étaient pour la plupart d’entre eux de jeunes réfugiés palestiniens qui
se battaient pour rentrer chez eux. Mais leurs actions sont devenues de
jour en jour plus audacieuses. Ils se faufilaient dans leurs villes -
qui avaient alors fini par devenir une partie d’Israël - avec des armes
primitives et des bombes artisanales. Ils tuaient des soldats
israéliens, volaient leurs armes et revenaient ainsi nouvellement
équipés la nuit suivante.
Certains revenaient secrètement dans leurs villages en Palestine
« voler » de la nourriture, des couvertures et tout l’argent qu’ils
n’avaient pas réussi à récupérer dans leur fuite précipitée lors de la
guerre. Ceux qui ne revenaient pas recevaient les funérailles des
martyrs, des milliers de leurs compatriotes réfugiés marchant avec des
cercueils symboliques jusqu’aux cimetières. Des centaines ne sont jamais
rentrés et seules quelques dépouilles ont pu être récupérées.
Après chaque action d’éclat des fedayins, l’armée israélienne
s’en prenait violemment aux réfugiés de Gaza, ne faisant qu’inspirer
encore plus de soutien et de recrues pour le mouvement de commandos.
Le courage de ces jeunes combattants a été mis en pleine lumière en
novembre 1956 quand Israël a envahi la bande de Gaza et de larges
parties du Sinaï après la crise de Suez. Les Égyptiens ont combattu
l’armée israélienne avec beaucoup de courage, mais la garnison
palestinienne basée à Khan Younis - aujourd’hui une cible majeure dans
la dernière offensive israélienne - a refusé de se rendre.
Lorsque Israël a investi Khan Younis à la fin des combats, il a
commis ce qui est maintenant gravé dans la mémoire collective
palestinienne comme l’un des massacres les plus horribles de l’histoire
de la bande de Gaza - un massacre de 124 hommes et garçons dans le camp
de réfugiés de Rafah, connu sous le nom de massacre d’al -Amiriyah.
« Les victimes ont été rassemblées dans l’école sous les coups des matraques des soldats », témoigne le Dr Ahmed Yousef, dans un article récent.
« Ceux qui ont survécu aux coups ont été atteints avec une grêle de
balles et le bâtiment a été démoli sur leurs têtes. Les taches de sang
sont restés sur les murs de l’école pendant des années pour nous
rappeler, à nous les enfants, la nature criminelle d’Israël. »
Yousef était alors un enfant dans un Rafah martyrisé et il deviendra
plus tard un haut conseiller d’Ismaël Haniyeh, le premier Premier
ministre du Hamas à Gaza. Son article, publié à l’origine en arabe, est intitulé : « La résistance ne se rendra pas ... nous serons victorieux ou nous mourrons. »
Est-ce étonnant de voir combien le passé est lié à la fois au présent
et à l’avenir de la bande de Gaza ? Il n’y a rien de surprenant dans le
fait que la plus puissante organisation de résistance aujourd’hui, les
Brigades Izz al-Din al-Qassam, a été formée par un petit groupe
d’écoliers dans la bande de Gaza.
Ce sont de pauvres réfugiés qui ont grandi témoins de la brutalité de
l’occupation et de tous ses abus imposés dans leur vie quotidienne. (Le
groupe a adopté le nom de Izz al-Din al-Qassam, un prédicateur arabe
qui a combattu le colonialisme britannique et les forces sionistes
jusqu’à ce qu’il soit assassiné par les forces britanniques dans un
verger de Jénine en 1935.)
Les jeunes gens qui ont créé les Brigades al-Qassam ont été tués peu
de temps après la fondation de leur groupe. Mais ce qu’ils ont mis au
monde est depuis devenu un mouvement massif de milliers de combattants,
hommes et femmes qui, alors que cet article est rédigé, tiennent tête
aux forces israéliennes dans le nord de la bande de Gaza et leur impose
un surplace.
La résistance à Gaza, comme dans toute nécessité historique, ne
pourra jamais être éradiquée. Les gouvernements israéliens successifs
ont essayé les mesures les plus extrêmes pendant des décennies avant de
culminer avec ce qui est resté sous le nom d’Opération Plomb Durci l’hiver 2008-9.
Après la guerre de 1967, Ariel Sharon s’est vu confier la tâche
sanglante de « pacifier » la bande de Gaza si entêtée. celui qui était
alors le chef du commandement sud des Forces de défense d’Israël » avait
été surnommé à juste titre le « Bulldozer ».
Pour Sharon, la pacification de Gaza exigeait des véhicules
blindés lourds car les quartiers et ruelles sillonnant les camps de
réfugiés surpeuplés et démunis de tout, n’étaient pas adaptés pour les
véhicules blindés. Il a donc fait raser des milliers de maisons pour
ouvrir la voie aux tanks et permettre à encore plus de bulldozers de
circuler et d’écraser encore plus de maisons.
Selon des estimations modestes, le nombre de maisons détruites en
août 1970 était de 2000. Plus de 16 000 Palestiniens ont été transformés
en sans-abri, des milliers d’entre eux étant forcés de errer d’un camp
de réfugiés à l’autre.
Le camp de réfugiés de la Plage, près de la ville de Gaza, a subi le
plus de dégâts, beaucoup de ses habitants fuyant pour sauver leur vie et
de se réfugier dans les mosquées, dans les écoles et sous les tentes
des Nations Unies. L’objectif déclaré de Sharon était « l’infrastructure
terroriste ». Ce qu’il ciblait en fait, c’était la population qui
résistait et soutenait la résistance.
En effet, c’est toute cette population qu’il a durement frappée
pendant plusieurs jours et semaines. L’invasion sanglante de Sharon a
également abouti à l’assassinat de 104 combattants de la résistance et à
la déportation de centaines d’autres, certains en Jordanie et d’autres
au Liban. Le reste a été tout simplement laissé pourrir dans le désert
du Sinaï.
C’est la même « infrastructure terroriste » que le disciple de
Sharon, Benjamin Netanyahu, cherche à détruire aujourd’hui en utilisant
les mêmes tactiques de punition collective et en usant du même langage
et même types de communiqués destinés aux médias.
A Gaza, le passé et le présent sont intimement liés. Israël est uni
par un seul objectif : écraser quiconque ose lui résister. Les
Palestiniens de Gaza sont également unis mais par une menace commune, et
en dépit des défis insurmontables leur résistance semble s’intensifier.
Si l’on jette un rapide coup d’œil vers l’histoire de ce long combat, les réfugiés qui font face à la plus forte armée du Moyen-Orient peuvent dire avec un grand degré de conviction qu’Israël ne soumettra jamais Gaza. Cela aussi est inscrit dans l’Histoire.
* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est doctorant à l’université de Exeter, journaliste international directeur du site PalestineChronicle.com et responsable du site d’informations Middle East Eye. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach