La scène politique israélienne
ne se limite pas aux deux parties de gouvernement qui se succèdent au
pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1948. Derrière le Likoud (à
droite) et le Parti travailliste (plutôt à gauche) émergent de temps à
autre des organisations chargées de porter au pouvoir un homme ou une
idéologie. Ainsi, Kadima permit à Ariel Sharon de s'affranchir du Likoud, tandis que les religieux créent de temps à autre des structures ad hoc.
Mais
un courant transcende depuis 1967 les débats politiques et religieux.
Il se revendique du messianisme. Ses tenants affirment que les droits
historiques et religieux valent titre de propriété pour l'État d'Israël.
Autrement dit, lorsque l'Ancien Testament et les textes sacrés
mentionnent un lieu, un petit coin de désert, un cours d'eau, une
montagne, une tombe, un arbre, celui-ci est de facto partie intégrante
de l'État d'Israël. La prééminence de ce pouvoir religieux ne peut que
gêner, et contrecarrer le pouvoir politique... Depuis
quarante-cinq ans, le messianisme et le politique cohabitent rarement
harmonieusement, mais font contre mauvaise fortune bon coeur. Menahem
Begin prêta une oreille attentive aux idées messianiques qu'il utilisa
avec opportunisme. Ce sont ces liaisons dangereuses que retrace dans Au nom du temple, un livre époustouflant, précis et très documenté, Charles Enderlin.
Une fuite en avant
Souvent
inspirée par des rabbins, l'idée messianique défend farouchement la
politique de colonisation de la Cisjordanie ou du Sinaï, et l'avènement
du Grand Israël. Dans les années 1980, certains de ces penseurs
revendiquèrent l'annexion d'une partie du Liban. On imputa à ces
"idéalistes" les germes des massacres de Sabra et Chatila... Charles
Enderlin, correspondant permanent de France 2 à Jérusalem depuis 1981,
montre le pragmatisme de ces mouvements capables de souffler le chaud et
le froid, d'alterner modération et provocation. Ils ont su habillement
exploiter les vides ou les hésitations politiques et profiter des
débordements et excès des extrémistes palestiniens.Sans
juger ni affirmer sans preuve, l'auteur convainc progressivement ses
lecteurs que ce messianisme a progressivement abdiqué ses devoirs de
modération pour ne trouver son salut et sa raison d'exister que dans la
guerre, le pousse-au-crime et la peur qu'il peut susciter dans les pays
limitrophes de l'État juif. Au nom du temple est le chaînon
manquant nécessaire à la bonne compréhension de l'histoire récente
politique et religieuse d'Israël et d'une partie du Moyen-Orient.
Par Jérôme Béglé
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