La tension provoquée notamment par l'attaque aérienne menée mercredi
en Syrie par Israël ne devrait pas dégénérer en confrontation générale
entre ces deux vieux ennemis, estimaient hier les commentateurs
israéliens. Rappelons que les avions israéliens ont attaqué mercredi des
positions de l'armée syrienne, faisant au moins un mort et sept blessés
parmi les soldats syriens, lors de la plus grave escalade depuis 40 ans
sur le plateau du Golan, occupé par Israël depuis la guerre de juin
1967. Ces raids ont été lancés en représailles à l'explosion d'un engin
piégé au passage d'une patrouille israélienne qui a fait mardi quatre
blessés dans la partie du Golan occupée par Israël, près de la ligne de
cessez-le-feu. Israël a mené ces derniers mois une série d'attaques
aériennes visant des convois d'armes syriennes destinées au Hezbollah.
Ces opérations n'avaient toutefois pas été revendiquées officiellement
pour éviter une escalade militaire. Israël a, en revanche, assumé
publiquement les raids de mercredi. Plusieurs médias israéliens estiment
que l'armée syrienne a été visée, mais ils soulignent que c'est le
Hezbollah qui serait responsable de l'attaque contre les soldats
israéliens, avec l'assentiment du régime syrien. La Syrie fournit du
matériel militaire au Hezbollah et sert de relais pour les transferts
d'armes iraniennes destinées au mouvement chiite.
La plupart des commentateurs israéliens estiment donc que ni
Israël ni le président Assad ne souhaitent un affrontement direct, alors
que qu'ils doivent faire face à des menaces sur d'autres fronts. Assad
est impliqué dans une guerre civile, tandis qu'Israël est sur le
qui-vive au sud face à la bande de Gaza contrôlée par les islamistes
palestiniens du Hamas, et au nord face au Hezbollah, sans compter la
menace potentielle que représente l'Iran, si ce pays parvient à se doter
de l'arme nucléaire. « Assad n'a aucune intention d'être impliqué dans
une confrontation directe avec Israël, car un tel affrontement pourrait
signifier sa fin », estime Eyal Zisser, professeur de l'université de
Tel-Aviv expert de la Syrie, cité par le Jerusalem Post. La radio
publique, citant le commandant de la force des Nations unies au Liban
(Finul), Paolo Serra, affirme également que « le Hezbollah et Israël ne
veulent pas d'escalade après l'incident du Golan ».
L'explosion de l'engin piégé s'est produite après le récent
bombardement d'une position du Hezbollah à la frontière entre le Liban
et la Syrie. Israël n'a ni confirmé ni démenti sa responsabilité dans
cette attaque, mais le Hezbollah a promis de se venger. « Le Hezbollah
est le premier nom qui vient à l'esprit lorsqu'on tente d'imaginer qui
se trouve derrière l'attaque à l'engin piégé contre les soldats
israéliens », indique le Jerusalem Post dans un éditorial. Mais, ajoute
le journal, « rien ne correspond nécessairement aux apparences en Syrie.
Ce pays est devenu un champ de tirs (...) une arène pour tous les
groupes terroristes ».
Selon un expert du Moyen-Orient du Centre interdisciplinaire
d'Herzliya, Guy Bechor, « la responsabilité de l'explosion sur le Golan a
peu de chance d'être le fait du régime syrien ou du Hezbollah », déjà
très occupés sur le front intérieur. « Assad contrôle à peu près un
cinquième de son pays, et la plus grande partie de la frontière (avec
Israël) est passée sous le contrôle de différents groupes de rebelles,
essentiellement des jihadistes sunnites », souligne Guy Bechor dans le
quotidien Yediot Aharonot. Bien qu'Israël et la Syrie soient
officiellement en état de guerre, la ligne de cessez-le-feu était
considérée jusqu'à présent comme calme depuis l'armistice de 1974. La
situation sur le Golan est toutefois tendue depuis le début de la guerre
en Syrie en 2011, mais les violences étaient jusque-là limitées à des
tirs à l'arme légère, auxquels l'armée israélienne a généralement
répliqué.