Fares Chahin, El Watan, jeudi 20 mars 2014
Renforcé par le soutien de l’ensemble du peuple palestinien, pour
qu’il reste sur ses positions malgré les pressions, le président
Mahmoud Abbas a été reçu lundi à la Maison-Blanche par le président
américain Barack Obama qui « tente » de rapprocher les points de vue
entre Israéliens et Palestiniens pour un règlement final du conflit
qui les oppose depuis près de 66 ans.
Les craintes des Palestiniens de voir les Américains accentuer
les pressions sur leur président Abbas pour le pousser à faire de
nouvelles concessions concernant les « constantes » palestiniennes
se sont avérées fondées. Surtout après que le président Obama ait
demandé, devant les caméras de télévision, à Mahmoud Abbas de prendre
des risques et des « décisions politiques difficiles » pour arriver
à un règlement final du conflit avec Israël. « C’est très difficile,
très ardu, il va falloir prendre des décisions politiques difficiles
et des risques si nous voulons progresser », a soutenu le président
américain dans le bureau ovale de la Maison-Blanche.
Cette déclaration a été perçue dans les territoires palestiniens
comme une menace directe de la direction américaine à l’endroit du
président Mahmoud Abbas. « Vous devez renoncer à certains de vos
droits fondamentaux qu’Israël ne reconnaît pas. » C’est ainsi qu’a été
traduit l’appel du président Obama au président Abbas de prendre des
risques pour faire avancer le processus de paix.
Les observateurs craignent de voir ces pressions politiques
renforcées par des sanctions économiques dans les prochains mois,
surtout après l’expiration du délai imparti à ces négociations avec
les Israéliens. Ce délai doit normalement prendre fin à la fin du
mois d’avril. Les déclarations du président Mahmoud Abbas
à Washington ont, en revanche, fortement tranquillisé le peuple
palestinien. Il a rappelé aux Américains et à leurs protégés
israéliens qu’il n’était pas question d’accepter un accord qui ne
garantit pas le respect des droits fondamentaux du peuple
palestinien. « Nous voulons une solution basée sur des résolutions
qui respectent la légalité internationale. Nous voulons
l’établissement d’un Etat indépendant et souverain sur l’ensemble des
terres palestiniennes occupées en 1967,
avec El Qods-Est comme capitale et un règlement juste et négocié de la
question du retour des réfugiés », a martelé le président Abbas.
Netanyahou veut encore bloquer
Quant à l’exigence du Premier ministre israélien, Benyamin
Netanyahou, adoptée par la direction américaine de la nécessité de la
reconnaissance d’Israël comme Etat juif, Mahmoud Abbas l’a rejeté en
rappelant que la direction palestinienne a clairement reconnu l’Etat
d’Israël en 1993. Convaincu qu’il ne
trouvera aucun Palestinien ni dans l’immédiat ni dans l’avenir qui
puisse accepter une telle condition, le Premier ministre israélien, qui
se sert des négociations pour gagner du temps et imposer de nouvelles
réalités sur le terrain qui finiront par rendre impossible toute
création d’un Etat palestinien vraiment indépendant, muni d’une
continuité territoriale, ne perd aucune occasion pour rappeler aux
Palestiniens qu’il n’y aura aucun accord de paix sans cette
reconnaissance.
Le président Abbas ne s’est pas contenté de citer devant le
président des Etats-Unis les droits palestiniens. Il a prévenu
aussi qu’il ne reste plus beaucoup de temps aux négociations et qu’il
ne fallait pas le perdre. Des sources israéliennes ont indiqué que le
président Abbas a demandé la libération de plus de prisonniers,
à leur tête Marouane El Barghouti, un haut responsable du Fatah et
Ahmad Saadate, le secrétaire général du FPLP, avant toute demande de prolongation des négociations au-delà du 29 avril prochain.
Le porte-parole de la présidence palestinienne, Nabil Abou
Roudeina, a indiqué que le président américain n’a pas encore
officiellement présenté un accord-cadre au président Abbas. Selon
lui, il s’agit plutôt d’« un ensemble d’idées ». Les Palestiniens
avaient, rappelle-t-on, rejeté un projet d’accord-cadre présenté
par le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, qui contenait la
reconnaissance de l’Etat d’Israël comme Etat juif par les
Palestiniens. Ce projet prévoyait aussi une présence militaire
israélienne dans le futur Etat palestinien et n’était pas du tout
clair ni sur le statut de la ville sainte d’El Qods ni sur le règlement
de la question du retour des réfugiés.
Et c’était pour ainsi dire le cas également de bien d’autres points
qui ne font en réalité que traduire la vision israélienne de la paix.
Aujourd’hui, et malgré tous les dangers qui peuvent découler de cette
situation qui rappelle en tous points celle vécue par la direction
palestinienne conduite à l’époque par le défunt président Yasser
Arafat, lorsqu’il avait dit « non » aux propositions américaines et
israéliennes à Camp David, aux Etats-Unis en l’an 2000,
le président Mahmoud Abbas et son peuple sont prêts à faire les
sacrifices nécessaires pour réaliser le rêve de vivre dans un Etat
indépendant et souverain sur l’ensemble des terres occupées en 1967.
« Je ne trahirai jamais mon peuple et je suis prêt à subir le même
sort que mon compagnon de combat Yasser Arafat », ne cesse de répéter
depuis des mois le président palestinien, Mahmoud Abbas. Sortis par
dizaines de milliers dans toutes les villes et villages
palestiniens, le jour de sa rencontre avec le président des
Etats-Unis, les Palestiniens lui ont renouvelé leur confiance.
De jeunes Israéliens dénoncent
Ils sont 58 jeunes Israéliens, entre 17 et 20
ans, de milieux parfois très différents, à signer, selon le journal
Le Point, une lettre ouverte au Premier ministre, Benyamin Netanyahou,
dans laquelle ils annoncent leur refus de faire l’armée pour,
disent-ils, « ne pas cautionner l’occupation des territoires
palestiniens ». Ils dénoncent « les violations des droits de l’homme
en Cisjordanie, la construction des colonies, les détentions
administratives, la torture, les punitions collectives et une
répartition injuste de l’eau et de l’électricité ». Pour eux, et ils
l’écrivent : « Tout service militaire perpétue la situation actuelle,
et de ce fait nous ne pouvons prendre part à un système qui se livre
à de tels actes. » Publié d’abord sur le site en ligne de Yesh Gvul
(« Il y a une limite », en français), une organisation
anti-occupation qui soutient les objecteurs de conscience, le texte
et ses signataires ont très vite suscité de vives réactions en Israël,
surtout au sein de la majorité gouvernementale.(R. I.)