Cyrille Louis, Le Figaro, vendredi 28 mars 2014
Dans un rapport interne, les chefs de mission
mettent par ailleurs en garde contre les risques d’incidents
qu’entraînerait une modification du statu quo sur l’esplanade
des mosquées.
Les diplomates européens en poste à Jérusalem dénoncent, dans
leur rapport annuel, l’« accélération sans précédent de la
colonisation » intervenue depuis la reprise du processus de paix,
fin juillet dernier, sous le patronage de John Kerry. Entre août 2013 et janvier 2014,
les autorités israéliennes ont, selon leur calcul, donné leur feu
vert à la construction d’autant de logements à Jérusalem-Est qu’au
cours des quatre années précédentes.
Contrairement à ce qu’espérait l’Autorité palestinienne, le
gouvernement de Benyamin Nétanyahou a en effet refusé de geler la
colonisation dans les territoires occupés durant la période des
négociations. Il s’est en revanche engagé à élargir 104
prisonniers détenus pour des faits commis avant la signature des
accords d’Oslo. Or, chacune des trois premières vagues de libération
a été accompagnée de nouveaux appels d’offre, provoquant la colère
des Palestiniens.
Alors que les sept premiers mois de 2013
avaient été marqués par une mise en silence des constructions
à Jérusalem-Est, les diplomates relèvent ainsi que la création de 1695 nouveaux logements a été autorisée durant les cinq mois qui ont suivi. Des appels d’offres infructueux portant sur quelque 1400 logements ont par ailleurs été republiés.
L’instrumentalisation de l’archéologie à des fins politiques
Le rapport des chefs de mission de l’Union européenne, document
à usage interne dont le quotidien Haaretz dévoile les grandes lignes,
décrit plus généralement les mesures prises par Israël afin de
« renforcer l’annexion unilatérale et illégale de Jérusalem-Est ».
Comme les années précédentes, il s’émeut de l’instrumentalisation de
l’archéologie à des fins politiques et pointe la création de parcs
nationaux dont l’une des finalités, souligne-t-il, est
manifestement de rompre la continuité entre les quartiers
palestiniens de la ville.
Le document insiste aussi sur les obstacles mis à l’attribution de
permis de construire aux habitants palestiniens de Jérusalem-Est,
seuls 13% de sa superficie leur étant réservée par le plan d’occupation des sols. Il souligne que 98 immeubles y ont été détruits l’an dernier, entraînant le déplacement de quelque 300 personnes dont 153
enfants. Il rappelle enfin qu’un tiers environ des logements édifiés
à Jérusalem-Est l’ont été sans permis de construire, si bien que 90.000 Palestiniens peuvent à tout moment être expulsés.
Ce rapport, rédigé comme chaque année depuis 2005
par les vingt-huit diplomates européens accrédités auprès de
l’Autorité palestinienne, reflète une vision de terrain, plus
critique des politiques israéliennes que ne le sont généralement
les positions officielle de l’UE. Son
expression tend cependant à s’assagir depuis que les pays membres ont
pris l’habitude de le voir « fuiter » dans la presse.
Dans leur dernière livraison, les diplomates européens mettent
garde avec une gravité particulière contre les risques
qu’impliquerait une remise en cause du statu quo sur l’esplanade des
mosquées. Troisième lieu saint de l’islam, celle-ci est placée
depuis 1967 sous le contrôle des autorités
jordaniennes mais un nombre croissant de parlementaires
israéliens plaident pour que les Juifs soient également autorisés à y
prier. « Il existe un risque significatif pour que des incidents
survenant sur ce site très sensible, ainsi que les craintes de remise
en cause du statu quo, ne suscitent des réactions extrêmes aussi bien
localement qu’à travers le monde arabo-musulman, qui risqueraient
de faire dérailler le processus de paix », s’inquiètent les auteurs du
rapport.
En conclusion de leur travail, ceux-ci reprennent un certain nombre de
recommandations formulées les années précédentes.
L’Union européenne et ses États membres sont notamment invités
à approfondir leur réflexion sur l’étiquetage des produits venant des
colonies, ainsi que sur la sensibilisation des acteurs économiques
aux risques juridiques induits par leurs activités dans les
territoires occupés.
Il est aussi conseillé à ces pays de ne plus délivrer de visas aux
colons reconnus coupables de violences, envers les Palestiniens,
à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.