Karim Lebhour
L’examen
de la demande d’adhésion palestinienne à l’ONU aura nécessité cinquante
jours et neuf réunions du Comité d’admission. Dans un bref document de 4
pages obtenu par RFI, présenté ce vendredi 11 novembre au Conseil de
sécurité, le Comité conclut à « l’impossibilité de faire une
recommandation unanime au Conseil de sécurité ». Le rapport établit que
si la Palestine satisfait aux critères d’adhésion à l’ONU et à
l’engagement du respect de la Charte des Nations unies, les désaccords
au sein du Conseil sur cette candidature sont insurmontables.
Le véritable objectif de
cette procédure exceptionnellement longue (l’examen de l’adhésion du
Soudan du Sud avait duré moins d’une journée) était de gagner du temps
afin de laisser une chance au Quartette pour le Proche-Orient
(Etats-Unis, Union Européenne, Russie, ONU) de relancer les négociations
entre Israéliens et Palestiniens. Il n’en a rien été.
Cet échec constaté, le Conseil de sécurité pouvait
difficilement faire traîner les choses plus longtemps. « Les choses ont
assez duré. Il est temps que ce processus arrive à son terme », s’est
agacé le représentant palestinien à l’ONU, Ryad Mansour. Pour les
Palestiniens, l’échec pourrait cependant s’avérer plus douloureux que
prévu.
En présentant leur demande à l’ONU, Mahmoud Abbas et ses
conseillers savaient le veto américain assuré, mais ils pensaient
pouvoir isoler les Etats-Unis, comme lors du vote sur la résolution
condamnant la colonisation israélienne, le 18 février dernier. Les
Etats-Unis avaient alors été les seuls à s’y opposer.
Le soutien de huit pays sur les quinze membres du Conseil
Cette fois, la situation est très différente. Les
Palestiniens ont obtenu le soutien assuré ou probable de huit pays
seulement sur les quinze membres du Conseil. La Russie, la Chine, le
Brésil, l’Inde, le Liban et l’Afrique du Sud soutiennent la demande
palestinienne. Le Gabon et le Nigeia ne se sont pas prononcés
publiquement, mais voteront probablement « oui ».
Les Etats-Unis s’y opposent. La France, la
Grande-Bretagne et la Colombie ont dit qu’ils s’abstiendront. « Le vote
positif de la France à l’Unesco était un message aux Palestiniens pour
les assurer que nous trouvons légitime leur demande d’indépendance, mais
nous ne pouvons pas soutenir une confrontation au Conseil de
sécurité », explique l’ambassadeur français Gérard Araud.
L’Allemagne et le Portugal devraient également
s’abstenir. Tout comme la Bosnie, dont la présidence collégiale entre
Musulmans, Serbes et Croates n’est pas parvenue à s’accorder. Au final,
si un vote a lieu au Conseil de sécurité, les Palestiniens échoueront à
réunir la majorité requise de neuf voix. La demande d’adhésion sera
rejetée et les Etats-Unis n’auront pas même besoin de poser leur veto [1] .
Le statut d’Etat non membre
Les Palestiniens n’ont pas encore dit s’ils ont
l’intention de demander ce vote même s’ils sont mis en minorité.
Plusieurs pays arabes tentent de les en dissuader. « C’est une situation
dangereuse. En l’absence de processus de paix, un échec des
Palestiniens au Conseil de sécurité peut entraîner des violences »,
confie un diplomate du Conseil. « La dernière chose dont la région a
besoin en ce moment, c’est de voir brûler des drapeaux américains dans
les rues du Caire », renchérit un autre diplomate.
Que leur demande d’adhésion soit rejetée ou enterrée par
le Conseil de sécurité, les Palestiniens peuvent encore se tourner vers
l’Assemblée générale pour obtenir un statut d’Etat non membre. Ce vote
ne demande que la majorité simple des 193 membres des Nations unies. Ce
statut permettrait à l’Autorité palestinienne de rejoindre plusieurs
agences des Nations unies, comme ils l’ont déjà fait à l’Unesco, ainsi
que la Cour pénale internationale.
[1] voir aussi Pierre Barbancey dans l’Humanité
Palestine à l’ONU : "Quelle que soit l’issue, c’est un succès pour Mahmoud Abbas"
Les Palestiniens ne se font pas d’illusion sur
l’issue d’un vote au Conseil de sécurité de l’ONU ce vendredi. Ils
savent qu’ils ne peuvent vraisemblablement compter que sur six votes.
Ceux de la Russie, de l’Inde, de l’Afrique du Sud, du Nigeria, du Liban
et du Gabon. Mais les Etats-Unis, la Bosnie et la Colombie voteraient
contre. Les pays de l’Union européenne (Allemagne, Angleterre, France et
Portugal siègent au conseil de sécurité) préfèrent un accord de paix
israélo-palestinien avant toute reconnaissance à l’ONU. La Chine, qui
possède un veto, s’abstiendrait. Les neuf votes nécessaires à la
reconnaissance d’un Etat n’y sont donc pas. Les Etats-Unis, qui ont fait
pression sur des pays comme la Bosnie ou la Colombie pour mettre à mal
ce vote, n’auraient même pas besoin d’user de leur veto.
Plusieurs scénarios peuvent se produire. Les
Palestiniens peuvent demander un vote de l’Assemblée générale de l’ONU
pour obtenir un statut d’observateur, ce qui leur permettrait d’intégrer
les organismes de l’ONU. Mais les Etats-Unis et Israël font là-aussi
pression pour limiter la présence des Palestiniens à certains
organismes, afin qu’ils n’aient par exemple pas accès à la Cour pénale
internationale pour qu’ils ne suscitent pas de procédure à l’encontre
des chefs de l’armée israélienne.
De leur côté, les Palestiniens ne veulent pas
arriver à une situation de blocage. Au contraire, ils souhaitent avancer
pour parvenir à la reconnaissance. Ils essaient de mobiliser leur
diaspora pour donner plus de poids encore à leur demande.
Pour Mahmoud Abbas, quelle que soit l’issue de ce
week-end, l’action menée auprès de l’ONU est déjà un succès. Il a réussi
à inverser la situation en obligeant les pays à se déterminer au sujet
de la Palestine. Jusqu’à présent, ce fut toujours l’inverse, avec une
Palestine contrainte de se positionner par rapport aux propositions
d’Israël ou du Quartet. Il y a aussi le succès du vote à l’Unesco.
Enfin, ce processus est une victoire personnelle pour Mahmoud Abbas dont
le prestige s’est considérablement accru en Palestine.