Ecrit par Pierre Tiercin | |
25.10.11 | |
Quelques jours avant l'ouverture de la 36ème session de l'UNESCO, qui
étudiera
alors une demande d'adhésion de l'Etat palestinien, un groupe de 84
archéologues internationaux ont signé une pétition appelant Israël à
stopper
la construction du Musée de la Tolérance qui s'opère sur le site du
Cimetière de
Mamilla à Jérusalem.
Le quotidien Ha'aretz a rapporté lundi que la pétition des archéologues a
été transmise le 20 octobre à la Municipalité de Jérusalem, au Département
Israélien des Antiquités, et au Centre Simon Wiesenthal, un important mécène du
projet, pour leur demander l'arrêt des travaux.
"Le passage au bulldozer de ce cimetière historique est un ultime acte
d'expansion territoriale : l'effacement des premiers résidents de ces lieux. La
profanation du cimetière de Mamilla est une tragédie historique et culturelle",
a revendiqué Harvey Weiss, professeur d'archéologie du Proche-Orient à
l'Université de Yale.
Le cimetière de Mamilla fut un cimetière musulman et un lieu saint depuis que
les compagnons du Prophète Mahomet y auraient été enterrés au 7ème siècle.
Plusieurs saints Soufi et d’autres milliers de personnalités, de savants, de
notables et des familles entières de Jérusalem y ont été enterrés au cours du
dernier millénaire. Le Conseil Suprême Musulman a reconnu le cimetière comme
site historique en 1927 et les autorités du Mandat Britannique l’ont considéré
comme antiquité en 1944. Mamilla servait encore de cimetière jusqu’en 1948, date
à laquelle le nouvel état d’Israël s’est emparé de la partie Ouest de Jérusalem
et a de ce fait tenu le cimetière sous son contrôle.
« Le mépris total pour le sens élémentaire de la tolérance qui préside à la
construction de ce musée sur le plus ancien et le plus respecté cimetière de
Jérusalem n'est pas seulement une offense faite par le Centre Simon Wiesenthal
aux nombreux habitants de Jérusalem dont les familles, comme la mienne, ont des
ancêtres enterrés ici depuis des siècles, affirme Rashid Khalidi, professeur au
Département des études arabes de l'Université Columbia, à New York. C'est aussi
une violation flagrante des responsabilités éthiques, morales et juridiques du
gouvernement israélien, qui avait lui-même protesté contre la profanation des
cimetières juifs à Jérusalem entre 1948 et 1967 ».
A Los Angeles, le rabbin Marvin Hier, fondateur du Centre Simon Wiesenthal,
ne voit pas les choses sous cet angle. Il ne voit pas ce qui pourrait justifier
l'interdiction de la construction de l'immense complexe comprenant un centre de
conférences, un théâtre et des musées pour les adultes et les enfants. Apprenant
que les pétitionnaires avaient saisi les Nations Unies, il leur a répondu, lors
d'une interview à Associated press : « vous pouvez en appeler à la Lune si vous
voulez, cela ne vous aidera pas. Nous continuons. L'affaire est classée ».
Les archéologues ont effectivement affirmé qu'ils se rendraient à l'UNESCO
et au Conseil des Droits de l'Homme pour s'interposer et demander à Israël de
construire le musée sur un autre site.
La Palestine à l'UNESCO
Au cours d'une première session du Conseil Exécutif de l'UNESCO, 40 nations
ont voté en faveur de la proposition de la mise à l'agenda de l'Assemblée
Générale du vote pour la reconnaissance de la Palestine en tant qu'Etat membre
de plein droit. Seules quatre nations ont voté contre la proposition : les
Etats-Unis, l'Allemagne, la Roumanie et la Lettonie. Les quatorze nations
restantes, et notamment la France, la Belgique, l'Italie et l'Espagne, se sont
abstenues. L'UNESCO, l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la
Science et la Culture, doit alors voter la promotion de la Palestine du statut
d'observateur à celui d'Etat membre d'ici le 10 novembre.
Si la Palestine est reconnue en tant qu'Etat membre de plein droit à
l'UNESCO, les dirigeants palestiniens seront alors à même de demander la
protection par l'UNESCO de leur patrimoine et de leurs sites culturels. Tout en
leur permettant de demander la protection de lieux saints tels que Jéricho et
Bethléem, les dirigeants palestiniens pourraient également appeler à la
protection des sites menacés de Jérusalem-Est - et notamment à la protection du
cimetière de Mamilla.
Toujours dans l'hypothèse de la reconnaissance de la Palestine en tant
qu'Etat membre de plein droit à l'UNESCO, l'organisation risquerait alors de
sévères restrictions budgétaires. Les Etats-Unis fournissent aujourd'hui 22% du
financement de l'UNESCO, et suite à la promulgation d'une nouvelle loi aux Etats
Unis, le pays ne peut plus accorder de financement à un organisme des Nations
Unies qui reconnait le statut d'Etat membre de plein droit à n'importe quel
groupe qui "n'aurait pas la reconnaissance internationale et l'attribut officiel
d'un Etat".
Les Etats-Unis ont déjà retiré une partie du financement qu'ils accordent à
l'UNESCO de 1984 à 2003, suite à des désaccords portant sur la gestion et sur la
politique de l'organisation. Cependant depuis leur retour au sein de
l'organisation sous le mandat de George W. Bush en 2003, les Etats-Unis ont
entretenu d'excellents liens avec l'UNESCO et ont fait l'éloge de ses programmes
à maintes reprises.
Si les Etats-Unis interrompaient leur financement à l'UNESCO, ils ne
pourraient en rester membre plus de deux ans. L'influence et la capacité de
l'UNESCO à développer ses programmes s'en trouverait néanmoins profondément
diminuée.
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