D’après al-Jazeera
Un sentiment très déroutant m’a traversé après avoir entendu
parler de l’échange de 1027 détenus palestiniens pour un seul soldat
israélien, Gilad Shalit, qui avait été capturé par les combattants de la
résistance palestinienne.
La libération des prisonniers a donné lieu à des scènes très émouvantes - Photo : Oren Ziv/ActiveStills
Je ne sais pas s’il faut se sentir heureux ou triste.
Contemplant les visages des familles des prisonniers
dans la tente de solidarité dans la ville de Gaza, je vois des regards
que je n’ai jamais vus auparavant : des yeux brillants d’espoir. Ces
personnes ont assisté à chaque événement en solidarité avec nos détenus,
n’ont jamais abandonné l’espoir que leur liberté était certaine un
jour, et ils sont restés forts pendant toute la durée de l’absence de
leurs proches, confinés dans les cellules israéliennes.
Penser à ces femmes dont les proches doivent être
libérés et voir leurs grands sourires me rend heureuse. Mais dans le
même temps, la pensée des 5000 autres prisonniers qui vont avec volonté
poursuivre leurs résistance dans les prisons, fait que mon coeur se
brise pour eux.
Des cœurs meurtris pour ceux toujours en prison
Quand je suis arrivée à la tente [de la solidarité avec
les prionniers], le 12 Octobre, l’épouse du prisonnier Nafez Herz, qui a
été condamné à l’emprisonnement à vie et est resté emprisonné depuis 26
ans, m’a serré la main et m’a dit son enthousiasme après avoir entendu
dire que son mari serait libéré. Puis elle m’a dit : « Mais vous ne
pouvez pas imaginer combien mon cœur saigne pour ces familles dont les
prisonniers ne seront pas relâchés dans cette opération d’échange.
Toutes les familles des prisonniers sont devenues comme une grande
famille. Nous nous réunissons chaque semaine, sinon quotidiennement
devant la Croix-Rouge, nous partageons nos tourments, et nous comprenons
les souffrances des uns et des autres. » J’ai saisi ses mains et les
ait pressées tout en disant, « Nous ne les oublierons jamais, et si Dieu
le veut, ils vont bientôt gagner leur liberté. »
Pendant que j’écrivais cet article au milieu de la foule
de gens dans le bâtiment de la Croix-Rouge, j’ai soudain entendu des
personnes chanter et taper des mains et je pouvais voir une femme
sautant de joie. Alors au téléphone, elle dit à haute voix : « Mon mari
va être libre ! » Son mari est Abou Thaer Ghneem, qui a été condamné à
la prison à vie et a passé 22 ans incarcéré. Comme je regardais les gens
célébrer et chanter pour la libération des détenus palestiniens, j’ai
rencontré son fils unique, Thaer. Il tenait sa mère serrée tout en
adressant à Dieu des prières pour montrer leur reconnaissance. J’ai
touché son épaule, en essayant d’attirer son attention.
« Félicitations ! Comment vous sentez-vous ? » lui ais-je demandé.
« J’avais un seul jour quand mon père a été arrêté, et maintenant j’ai
22 ans. J’ai toujours su que j’avais un père en prison, mais ne l’ai
jamais eu près de moi. Mais mon père va enfin être libre et il va
occuper la place qui est la sienne, restée vide au cours des 22 années
de ma vie. »
Sa réponse a été très touchante et m’a laissé sous le
choc et admirative. Alors qu’il me parlait, j’ai senti combien il ne
pouvait pas trouver les mots pour décrire son bonheur à l’idée de la
libération de son père.
La fête se poursuit depuis une heure. Puis je suis
revenue à mon ancienne confusion, me sentant noyée dans un flot de
pensées. Les familles des 1027 détenus fêteront la liberté de leurs
proches, mais que dire du sort du reste des prisonniers ?
Ne pas oublier la grève de la faim
J’ai entendu beaucoup d’informations depuis la nuit
dernière concernant les noms des prisonniers bientôt libérés, mais il
était difficile de trouver deux sources donnant les mêmes nouvelles, en
particulier sur Ahmad Saadat et Marwan Barghouti, et s’ils étaient
impliquées dans la opération d’échange. J’ai me suis toujours sentie
spirituellement reliée à eux, surtout Saadat, car il est un ami de mon
père. Je ne peux pas supporter l’idée qu’il puisse ne pas être concerné
par cette opération d’échange. Il a subi suffisamment de tourments sans
merci sous le régime d’isolement qu’Israël lui impose depuis plus de
deux ans et demi.
N’oublions pas ceux qui sont encore dans les prisons de
l’occupation israélienne et qui sont en grève de la faim, car cette
grève n’a pas eu lieu pour un accord d’échange, mais pour que
l’Administration pénitentiaire israélienne cède face aux demandes des
prisonniers. Les personnes qui ont rejoint la grève de la faim dans la
ville de Gaza se trouvent parmi ceux qui ont des proches en prison.
Nous devons parler haut et fort et dire au monde
qu’Israël doit répondre aux demandes de nos martyrs vivants. Nous ne
cesserons jamais de crier pour la libération des détenus palestiniens
des prisons israéliennes, jusqu’à ce que celles-ci soient vides.
* Shahd Abusalam est artiste, blogueuse et étudiante en littérature anglaise dans la bande de Gaza. Son blog est appelé Palestine from my eyes.
18 octobre 2011 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/conte...
Traduction : al-Mukhtarhttp://electronicintifada.net/conte...