lundi 28 février 2011

Savoir tirer des leçons

publié le dimanche 27 février 2011
Saleh Abdel Jawad

 
La stratégie de Mahmoud Abbas et de Salam Fayyad va échouer
"Trop peu, trop tard"—cette expression a acquis une nouvelle réputation ces quarante derniers jours. Les événements en Tunisie, en Egypte et d’autres pays du monde arabe, ont confirmé la validité de l’ expression. Des dirigeants arabes comme Zein al-Abidine Ben Ali et Hosni Mubarak, désireux de calmer les protestations contre leur régime ont essayé de consentir des concessions mineures à l’opposition. Mais c’était, comme nous l’avons vu, trop tard.
Si on la compare à la direction fatiguée qu’est la “vieille garde ” (les dirigeants des partis musulmans, libéraux et de gauche, y compris les Frères musulmans), la génération de la "jeune garde" n’est pas satisfaite car elle recherche un réel changement et non des réformes cosmétiques mineures.
Et ceci s’applique à la situation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza qui subissent maintenant -en silence mais résolument- les retombées du tremblement de terre qui a balayé le régime de Moubarak.
Décision du gouvernement palestinien de tenir des élections à la fin juillet, dissolution du cabinet Fayyad il y a dix jours, démission de Saeb Erekat de son poste de principal négociateur palestinien et décision du Comité exécutif de l’OLP de tenir des élections législatives et présidentielle d’ici septembre 2011 : tout cela s’inscrit dans les manoeuvres et la "stratégie" conçues pour répondre à la nouvelle situation dans le monde arabe comme au scandale causé par les fuites d’al-Jazeera et pour la surmonter.
Pourtant, la stratégie de Mahmoud Abbas et de Salam Fayyad va échouer—non seulement parce que c’est "trop peu, trop tard"— mais parce que ce n’est pas adapté. D’abord, tous les mouvements et partis politiques islamiques (Hamas, Jihad islamique et Hizb al-Tahrir) s’y opposent. A vrai dire, l’ opposition à la tenue de ces élections est unanime parmi les factions sauf dans quelques cercles du Fatah (considérés comme "le parti du pouvoir").
Les observateurs, les partis politiques qui ne sont pas des islamistes politiques et les forces indépendantes sans affiliation politique (soit plus de 30 pour cent de la carte politique palestinienne), considèrent la tenue d’élections avant de mettre fin à la division entre Fatah et Hamas comme une internalisation et un renforcement de cette division, laquelle existe non seulement entre les deux factions mais aussi entre Gaza et la Cisjordanie, compromettant ainsi, voire réduisant à néant, le projet national d’un Etat palestinien.
Mais il existe d’autres préoccupations plus graves : tous ceux qui ne sont pas favorables à l’Autorité nationale palestinienne (AP), y compris la nouvelle génération Facebook, considèrent ces élections comme une tentative de l’AP pour regagner une légitimité érodée à un moment où non seulement elle est remise en question, mais où la légitimité des institutions de l’OLP et sa capacité de mener les négociations israélo-palestiniennes l’est aussi. Les documents qui ont filtré sur al-Jazeera ont entraîné de la colère mais ils ont également montré l’inutilité du processus de négociations.
Les changements internationaux et régionaux (la faiblesse des Etats-Unis, l’intransigeance d’Israël, la montée du « front du refus » et la chute de Moubarak, principal allié de l’AP) affaiblissent tous l’AP et l’actuelle direction de l’OLP.
Seuls des changements comme l’élection d’un nouveau Conseil national palestinien (l’organisme le plus important dans l’OLP) pourraient établir de nouvelles règles du jeu. Mettre un terme à la division politique, repenser les négociations sont vus comme l’offre minimale que l’AP doit accepter.
La plupart des Palestiniens aujourd’hui veulent revenir à une situation où la Palestine est considérée comme une entité sous occupation, où le droit à l’auto-détermination et le droit de résister sont garantis. Les durs annoncent même la mort de l’AP.
Le véto des Etats-Unis au Conseil de Sécurité des Nations unies, la semaine dernière, a renforcé cet état d’esprit. Ceux qui pensaient que les Etats-Unis reverraient leur politique dans la région après ce qui est arrivé à leurs alliés, savent aujourd’hui que les Etats-Unis sont bloqués par leur politique intérieure et qu’à terme cela affaiblira leurs propres intérêts. Malheureusement pour les dictateurs arabes, nous avons aussi une situation que connaissent la Tunisie et l’Egypte : des dirigeants incapables de regarder la vérité en face et de tirer des leçons.
publié par bitterlemons.org
traduction : C. Léostic, Afps