25 février 2011
Oui répond la Coalition contre Agrexco qui reproche à la collectivité d’accueillir l’entreprise israélienne sur le port de Sète. Cette dernière exporte des marchandises produites dans les colonies illégales d’Israël en Cisjordanie. Où en est-on réellement au niveau du droit ? Quelles sont les positions politiques sur la question des colonies et des produits qui en sont issus ?
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« On va les mettre en demeure de faire cesser les activités et s’ils ne le font pas, ils sont objectivement complices des violations du droit et des crimes de guerre. » C’est la conclusion que Christophe Perrin de la Coalition contre Agrexco a livré vendredi 18 lors d’une conférence de presse. Elle visait « les porteurs politiques du projet d’installation » de l’entreprise israélienne Agrexco-Carmel sur le port de Sète. C’est à dire le conseil régional. Ces propos font suite à la saisie par huissier de documents prouvant l’exportation via Sète de produits issus des colonies israéliennes en Cisjordanie.
Cour pénale internationale
Le raisonnement est simple. Il a été détaillé à Montpellier journal par Gilles Devers, avocat lyonnais de membres de la Coalition dont la Confédération paysanne. Pour lui, la deuxième phase de colonisation après la guerre des six jours (1967) est un crime de guerre. Il appuie son raisonnement sur le Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui définit comme crime de guerre : « Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe. » (article 8.2.b.viii). Ce qui est bien le cas des colonies de Cisjordanie peuplées d’israéliens. Problème, dans le statut de Rome, il n’est pas question des produits issus des colonies. Réponse de l’avocat : « Les produits ne viennent pas simplement du fait de l’eau qui tombe sur le sol. C’est bien parce qu’il y a l’appropriation des terres que les produits existent. Donc les produits sont bien le fruit de la colonisation. Le produit est en lui-même illicite à partir du moment où il est fabriqué dans une colonie. » Et de préciser : « Ça n’a jamais été fait juger. La jurisprudence n’est pas faite. »
Le raisonnement est simple. Il a été détaillé à Montpellier journal par Gilles Devers, avocat lyonnais de membres de la Coalition dont la Confédération paysanne. Pour lui, la deuxième phase de colonisation après la guerre des six jours (1967) est un crime de guerre. Il appuie son raisonnement sur le Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui définit comme crime de guerre : « Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe. » (article 8.2.b.viii). Ce qui est bien le cas des colonies de Cisjordanie peuplées d’israéliens. Problème, dans le statut de Rome, il n’est pas question des produits issus des colonies. Réponse de l’avocat : « Les produits ne viennent pas simplement du fait de l’eau qui tombe sur le sol. C’est bien parce qu’il y a l’appropriation des terres que les produits existent. Donc les produits sont bien le fruit de la colonisation. Le produit est en lui-même illicite à partir du moment où il est fabriqué dans une colonie. » Et de préciser : « Ça n’a jamais été fait juger. La jurisprudence n’est pas faite. »
Le droit n’a donc pas encore établi le lien entre l’illégalité des colonies et celle des marchandises qui y sont produites. Les politiques encore moins. Pourtant, l’illégalité des colonies ne fait plus débat aujourd’hui au sein de la communauté internationale – sauf bien sûr en Israël. En France, non plus. Ainsi par exemple, le 22 janvier, Michèle Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères, déclarait au quotidien Jordanien Al arab a yawn : « La colonisation est contraire au droit international et elle doit cesser. La France condamne systématiquement la poursuite de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. »
Déclarations beaucoup moins nettes
Quand il s’agit de s’intéresser aux produits issus des colonies, les déclarations sont beaucoup moins nettes. Ainsi le député (PC) Jean-Jacques Candelier adressait une question écrite au ministère des affaires étrangères le 8 septembre 2009. Se basant sur la résolution 465 adoptée à l’unanimité du conseil de sécurité des Nations unies qui « demande à tous les États de ne fournir à Israël aucune assistance qui serait utilisée spécifiquement pour les colonies de peuplement des territoires occupés », le député demandait la position du ministère sur l’action suivante : « Mettre fin à l’importation de biens produits dans les colonies, notamment par la suspension de l’accord d’association. » La simple réponse que l’élu obtiendra fera référence à la différence appliquée, en matière de droits de douane, aux produits israéliens (régime préférentiel) et à ceux des colonies (non préférentiel). Mais rien sur la fin de l’importation des produits des colonies. Une autre question voisine du député Michel Issindou (PS) posée le 6 avril 2010 n’a toujours pas obtenu de réponse. Montpellier journal a également interrogé le Parti socialiste sur la question de l’illégalité présumée de ces produits. Au secrétariat international du PS, on nous répond qu’il n’y a « pas de position ».
Quand il s’agit de s’intéresser aux produits issus des colonies, les déclarations sont beaucoup moins nettes. Ainsi le député (PC) Jean-Jacques Candelier adressait une question écrite au ministère des affaires étrangères le 8 septembre 2009. Se basant sur la résolution 465 adoptée à l’unanimité du conseil de sécurité des Nations unies qui « demande à tous les États de ne fournir à Israël aucune assistance qui serait utilisée spécifiquement pour les colonies de peuplement des territoires occupés », le député demandait la position du ministère sur l’action suivante : « Mettre fin à l’importation de biens produits dans les colonies, notamment par la suspension de l’accord d’association. » La simple réponse que l’élu obtiendra fera référence à la différence appliquée, en matière de droits de douane, aux produits israéliens (régime préférentiel) et à ceux des colonies (non préférentiel). Mais rien sur la fin de l’importation des produits des colonies. Une autre question voisine du député Michel Issindou (PS) posée le 6 avril 2010 n’a toujours pas obtenu de réponse. Montpellier journal a également interrogé le Parti socialiste sur la question de l’illégalité présumée de ces produits. Au secrétariat international du PS, on nous répond qu’il n’y a « pas de position ».
Au vu de toutes ces non prises de positions, on comprend pourquoi Christian Bourquin pouvait déclarer le 18 janvier sur un bateau d’Agrexco à bord duquel il était invité : « Je note que cet acte commercial [celui d'Agrexco] n’est surtout pas réprouvé par le gouvernement français, encore moins par les autorités européennes. Donc, à partir de là, allons-y! Fonçons! ».
Étiquetage des produits des colonies
Au minimum, on pourrait penser que les consommateurs ont au moins la liberté de ne pas acheter des produits des colonies israéliennes. Sauf que l’étiquetage ne fait pas la différence. Devrait-il la faire ? La question a été posé à Michèle Alliot-Marie le 21 janvier lors d’un point presse à Jaffa :
« Q – A propos du boycott des produits israéliens, ne pensez-vous pas que les produits fabriqués dans les colonies devraient être identifiés pour les consommateurs ?
R – Mais c’est bien le cas, effectivement. Vous avez deux régimes différents, puisque vous avez un régime préférentiel qui est accordé aux produits israéliens, et vous n’avez pas ce régime préférentiel accordé aux produits venant des colonies.
Q – Mais pour les consommateurs ?
R – Comment ?
Q – Fabriqués dans les colonies, c’est un grand problème aussi.
R – J’en parlerai peut-être demain. Mais enfin, pour l’instant ce n’est pas comme cela que se présentent les choses. Si vous voulez, encore une fois, les origines sont des origines géographiques générales et ont des régimes différents. »
Bref, pas de réponse sur l’étiquetage.
Au minimum, on pourrait penser que les consommateurs ont au moins la liberté de ne pas acheter des produits des colonies israéliennes. Sauf que l’étiquetage ne fait pas la différence. Devrait-il la faire ? La question a été posé à Michèle Alliot-Marie le 21 janvier lors d’un point presse à Jaffa :
« Q – A propos du boycott des produits israéliens, ne pensez-vous pas que les produits fabriqués dans les colonies devraient être identifiés pour les consommateurs ?
R – Mais c’est bien le cas, effectivement. Vous avez deux régimes différents, puisque vous avez un régime préférentiel qui est accordé aux produits israéliens, et vous n’avez pas ce régime préférentiel accordé aux produits venant des colonies.
Q – Mais pour les consommateurs ?
R – Comment ?
Q – Fabriqués dans les colonies, c’est un grand problème aussi.
R – J’en parlerai peut-être demain. Mais enfin, pour l’instant ce n’est pas comme cela que se présentent les choses. Si vous voulez, encore une fois, les origines sont des origines géographiques générales et ont des régimes différents. »
Bref, pas de réponse sur l’étiquetage.
Certains militants opposés à la colonisation israélienne choisissent d’appeler au boycott des produits israéliens notamment parce que les consommateurs ne peuvent pas différencier les produits des colonies de ceux d’Israël. Sur ce sujet, Michel Alliot-Marie est beaucoup plus claire et plus ferme. Alors Garde des sceaux, elle déclarait au dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) de Bordeaux le 18 février 2010 : « Je n’accepte pas que des personnes, responsables associatifs, politiques ou simples citoyens, appellent au boycott de produits au motif qu’ils sont kasher ou qu’ils proviennent d’Israël. » Notons au passage la confusion entre produits « kasher » et israéliens donc entre religion juive et état israélien alors que la campagne de boycott n’a jamais concerné les produits kasher. Et la ministre de poursuivre : « Je souhaite que le parquet fasse preuve de davantage de sévérité à ce sujet. J’ai donc adressé une circulaire aux parquets généraux, leur demandant d’identifier et de signaler tous les actes de provocation à la discrimination. » Cette déclaration a été suivi d’effet puisque des militants de Perpignan ont notamment été poursuivis à l’automne 2010.
Contradiction
Du côté d’Agrexco-Carmel, la question des colonies n’est jamais abordée de façon claire et transparente. Par exemple, mardi, Montpellier journal contacte Ouzi Kouris suite à la diffusion par la Coalition de factures prouvant que des produits débarqués à Sète proviennent des colonies de Cisjordanie de Gilgal, Tomer et Petza’el. Le directeur général d’Agrexco France avait pourtant déclaré en juin 2009 à Montpellier journal : « En Cisjordanie, il n’y a pas de production pour l’export. » Interrogé sur la contradiction, Ouzi Kouris déclare à propos de Tomer et Gilgal : « Ce sont des colonies israéliennes dans la vallée du Jourdain mais pas en Cisjordanie. » Sauf que la consultation d’une carte montre bien que ces colonies sont situées dans la vallée du Jourdain et aussi en… Cisjordanie. Ainsi Tomer et Gilgal, sont situées à une vingtaine de kilomètre au nord de Jericho. Réaction à ces propos de Christophe Perrin de la Coalition : « Ça démontre bien qu’Agrexco adopte une ligne politique qui est celle de l’État israélien et qui considère que les colonies ne sont pas illégales. » Rappelons qu’Agrexco est détenu à 50 % par l’État d’Israël. Agrexco communiquera-t-elle un jour le détail des tonnages exportés en fonction de leur lieu d’origine ? Rien n’est moins sûr.
Du côté d’Agrexco-Carmel, la question des colonies n’est jamais abordée de façon claire et transparente. Par exemple, mardi, Montpellier journal contacte Ouzi Kouris suite à la diffusion par la Coalition de factures prouvant que des produits débarqués à Sète proviennent des colonies de Cisjordanie de Gilgal, Tomer et Petza’el. Le directeur général d’Agrexco France avait pourtant déclaré en juin 2009 à Montpellier journal : « En Cisjordanie, il n’y a pas de production pour l’export. » Interrogé sur la contradiction, Ouzi Kouris déclare à propos de Tomer et Gilgal : « Ce sont des colonies israéliennes dans la vallée du Jourdain mais pas en Cisjordanie. » Sauf que la consultation d’une carte montre bien que ces colonies sont situées dans la vallée du Jourdain et aussi en… Cisjordanie. Ainsi Tomer et Gilgal, sont situées à une vingtaine de kilomètre au nord de Jericho. Réaction à ces propos de Christophe Perrin de la Coalition : « Ça démontre bien qu’Agrexco adopte une ligne politique qui est celle de l’État israélien et qui considère que les colonies ne sont pas illégales. » Rappelons qu’Agrexco est détenu à 50 % par l’État d’Israël. Agrexco communiquera-t-elle un jour le détail des tonnages exportés en fonction de leur lieu d’origine ? Rien n’est moins sûr.