Daoud Kuttab
Les Palestiniens attachent une grande importance au fait que toute une série d’Etats sud-américains viennent de reconnaître une Palestine indépendante dans les frontière de 67. Bien qu’Israël minimise le phénomène, les Palestiniens y voient un élément du changement général dans l’attitude de nombreux membres importants de la communauté internationale envers le conflit israélo-palestinien.
Bien que l’Amérique latine soit éloignée et que ses pays n’aient pas autant d’influence dans notre région que, disons, l’Union européenne, la Chine, la Russie ou les Etats-Unis, leur reconnaissance est importante pour d’autres raisons. Sous l’influence des Etats-Unis et de ses orientations en politique étrangère, la plupart d’entre eux soutenaient précédemment Israël. Certains Palestiniens se souviennent même que le Brésil, l’un des pays qui viennent de reconnaître la Palestine aujourd’hui, présidait la session des Nations unies au cours de laquelle celle-ci reconnut l’existence d’Israël.
Ces changements sont importants, non seulement en eux-mêmes et par eux-mêmes, mais parce que ce sont des indicateurs d’une intensification du soutien international à un Etat palestinien indépendant et, plus important encore, de la volonté croissante de la communauté internationale de jouer un rôle plus direct pour mettre fin à l’occupation et créer l’Etat palestinien. Parmi d’autres indicateurs, la tendance, du même ordre, de monter le niveau des représentations diplomatiques palestiniennes en Grèce, en France et en Norvège. Tout aussi important, les positions exprimées par le Conseil des Ministres européens en décembre et la dernière déclaration du Quartette en mars marquaient une avancée significative vers un soutien actif à l’arrêt de l’occupation israélienne et à permettre les conditions de créer l’Etat palestinien.
Et bien que ce ne soit pas des développements qui auront nécessairement des conséquences directes ou immédiates sur la réalité du terrain, les Palestiniens les perçoivent comme un aspect de l’attitude internationale, déterminée à contribuer à la fin du conflit d’une manière ou d’une autre.
Trois facteurs principaux sont à l’oeuvre dans ces développements. S’ils continuent selon la tendance actuelle, ces facteurs peuvent faire avancer encore les positions de la communauté internationale.
D’abord, le plus important, c’est la succès continu de l’Autorité palestinienne qui a démontré que les Palestiniens peuvent se gouverner eux-mêmes, comme les autres peuples indépendants. L’Autorité palestinienne s’est montrée capable de construire les institutions étatiques, d’imposer la loi et l’ordre, de se réformer, de remplir ses obligations internationales et d’améliorer les services sociaux élémentaires, et même d’améliorer l’économie malgré toutes les interférences et les dégâts dus à l’occupation.
Le deuxième facteur ce sont les violations continues par Israël de la légalité internationale, de ses obligations par rapport au processus de paix et ses termes de référence, particulièrement la Feuille de route. La poursuite de l’extension des colonies est bien la politique israélienne la plus dangereuse, qui convainc des membres toujours plus nombreux de la communauté internationale qu’il n’est ni juste ni logique de laisser aux caprices de l’occupant la charge de mettre fin à l’occupation, comme on le voit dans les négociations bilatérales.
Le dernier facteur qui joue un rôle dans ces réponses internationales, c’est le rejet constant de l’occupation par les Palestiniens et la résistance légale à l’expansion des colonies, par tous les moyens légaux possibles, que ce soit la résistance populaire ou le droit international et les organisations mondiales.
Les Palestiniens—qui sont toujours prêts à des négociations bilatérales – pensent que, si les Etats-Unis n’arrivent toujours pas à contraindre Israël à se plier à ses obligations ou à montrer du sérieux dans les négociations, alors un changement de paradigme sera peut-être nécessaire. En passant de l’approche bilatérale mise en avant comme la seule manière de résoudre le conflit à une approche multilatérale qui permette à la communauté internationale de prendre directement ses responsabilités dans la fin de l’occupation, alors peut-être les Palestiniens obtiendront-ils la liberté dont jouissent la plupart des peuples aujourd’hui dans le monde.