Les dirigeants palestiniens ont accueilli très fraîchement, sans cacher leur scepticisme, les déclarations de Hillary Clinton en vue d’une hypothétique relance du processus de paix via des négociations indirectes avec Israël.
Face à l’échec de la stratégie de l’administration Obama, qui n’a pas réussi à obtenir d’Israël un nouveau gel de la colonisation, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a proposé de donner un nouvel élan aux négociations, pour sortir le processus de paix israélo-palestinien de l’impasse des colonies, appelant les deux parties à s’attaquer sans délai au fond du dossier. « Nous allons pousser les parties à présenter leurs positions sur les sujets-clés sans délai et en détail », a déclaré la secrétaire d’Etat américaine à Washington, dans un discours prononcé face à de nombreux responsables politiques des deux camps. « Les Etats-Unis ne seront pas un partenaire passif », a-t-elle promis. « Nous travaillerons à réduire les désaccords, en posant les questions difficiles, en attendant de vraies réponses et en proposant nos idées quand cela sera nécessaire », ajoute-t-elle. Celle-ci s’exprimait quelques jours après l’annonce que Washington renonçait à obtenir d’Israël un nouveau moratoire sur la colonisation juive en Cisjordanie. Cette question lancinante a empoisonné le processus de paix, conduisant à l’interruption, à peine un mois après son lancement en septembre, du dialogue direct que Washington avait réussi à rétablir entre Israël et les Palestiniens. Ces derniers ont d’ailleurs répété avec force, toute cette semaine, qu’une reprise du dialogue direct était exclue tant que la colonisation continuera.
D’ailleurs, la proposition de Clinton a été accueillie avec scepticisme par les dirigeants palestiniens. « Les Etats-Unis remettent sur le tapis des négociations indirectes avec Israël, ce qui veut dire qu’ils n’ont rien à proposer pour le moment », a déclaré le négociateur palestinien Mohammed Shtayyeh. « Il n’est pas raisonnable que les Etats-Unis s’abstiennent de prendre position et laissent les parties négocier sans fixer d’objectif final », a-t-il estimé.
En rappelant que depuis 19 ans, Israël et les Palestiniens négocient en vain, en référence à la conférence de Madrid de 1991 qui avait lancé le processus de paix, il a réclamé à Washington une position plus ferme face à Israël.
Selon Shtayyeh, elle devrait consister à reconnaître un Etat palestinien dans les frontières d’avant la guerre israélo-arabe de juin 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, ou du moins annoncer que tel sera l’objectif final des négociations. Mahmoud Abbass ne cachait pas son soupçon, en rejetant « l’ancien mode de négociations et son cortège de réunions » sans résultats. « Au bout du compte, nous aurons perdu encore une année et on nous dira alors que l’administration (américaine) ne peut s’impliquer, vu qu’elle est absorbée par les préparatifs des élections » présidentielles, a-t-il souligné.
Côté israélien, le cabinet réuni dimanche s’est abstenu de réagir officiellement, tout en laissant apparaître des désaccords internes. Baignant dans l’ironie et le ridicule, l’entité sioniste fait la victime, en faisant croire, par le biais de son ministre de l’Environnement Gilad Erdan, qu’elle va continuer à œuvrer pour la paix, étant bien entendu que son prix ne soit pas tel qu’il menacerait son existence et son avenir, tout en écartant un retrait global de la Cisjordanie et d’Al-Qods-Est.
Erdan a fait savoir que le gouvernement n’était pas prêt à discuter des questions-clés du conflit « un chronomètre à la main » sous la pression américaine. De sa part, Netanyahu lui-même a désavoué son ministre de la Défense Ehud Barak, qui a évoqué à Washington l’hypothèse d’une partition de Jérusalem dans le cadre d’un règlement de paix. « Jérusalem sera discuté à la fin (...) Jérusalem-Ouest et les (quartiers) juifs pour nous, les quartiers arabes peuplés de réfugiés pour eux, et une solution négociée pour les lieux saints », a prévenu M. Barak, chef du Parti travailliste (centre-gauche).
Un responsable du bureau de Netanyahu a affirmé que les commentaires du ministre de la Défense ont été exprimés sans la moindre coordination avec le premier ministre. « Ils représentent des opinions connues depuis longtemps (de M. Barak) mais certes pas les vues du gouvernement », a-t-il ajouté. Une opinion partagée par Benyamin Ben Eliezer, l’un des ministres travaillistes, qui a évoqué la menace d’un départ de son parti du gouvernement si les « négociations de paix sont gelées » du fait de l’intransigeance d’Israël. Dans cette optique, l’émissaire américain, Washington, a dépêché à cet effet, pour une énième tournée dans la région, l’émissaire américain George Mitchell qui va reprendre son bâton de pèlerin et devra rencontrer Benyamin Netanyahu et le président palestinien Mahmoud Abbass. Mme Clinton veut amener les parties, chacune en tête-à-tête avec les Etats-Unis, à se concentrer désormais sur les paramètres centraux d’un accord de paix : la question des frontières, celle du statut de Jérusalem, celle des réfugiés et le sort définitif des colonies. « Si les Etats-Unis n’ont même pas pu convaincre les Israéliens de geler les colonies, comment pourront-ils les persuader des questions aussi cruciales que Jérusalem, les réfugiés ou les frontières ? », s’est interrogé l’analyste palestinien Hani Al-Masri l
Inès Eissa