Khalid Amayreh - Al Ahram
          Après que les États-Unis ait admis ne pas être en mesure  d’obliger Israël à prendre au sérieux les négociations de paix, les  Palestiniens se tournent vers d’autres voies pour obtenir leurs droits  nationaux, écrit Khaled Amayreh depuis Ramallah.         
Un Netanyahu jubilatoire accueille son obligé Mitchell (envoyé US au Proche-Orient) - Photo : AP
Après avoir déclaré son incapacité à convaincre Israël  de renouveler un gel de l’expansion des colonies, même pour une période  limitée de 90 jours, et avec Israël refusant une offre d’armement des  Etats-Unis ainsi que de scandaleuses et excessives concessions  diplomatiques, l’administration Obama a de nouveau expédié au  Moyen-Orient son envoyé George Mitchell pour un ultime effort pour  sauver un processus de paix déjà mort.
Comme à l’accoutumée, Mitchell a eu des entretiens avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et Mahmoud Abbas,  le président de l’Autorité palestinienne de Ramallah. Cependant, il est  apparu une fois de plus que Mitchell n’apportait rien de nouveau avec  lui, ce qui a conduit ses hôtes à Jérusalem-ouest et à Ramallah à le  recevoir avec des sentiments mitigés et peut-être un relent de mépris.
Netanyahu, conscient - ou peut-être tirant parti - de sa  victoire sur l’administration Obama, au moins en ce qui concerne la  question de l’expansion des colonies, a parlé de sa volonté de discuter  non seulement du conflit israélo-palestinien, mais aussi de « toutes les  questions moyen-orientales essentielles ». Mitchell a proposé un retour  aux ainsi-nommés « pourparlers indirects », mais il lui a été répondu,  notamment à Ramallah, qu’il était peu probable pque des négociations  indirectes réussissent là où des pourparlers directs ont échoué.
Les dirigeants palestiniens ont déclaré à l’émissaire  américain que Washington devrait donner des garanties réelles aux  Palestiniens, faire arrêter la construction de colonies israéliennes et  s’abstenir de décourager d’autres Etats de reconnaître un Etat  palestinien. Les États-Unis ont dénoncé la reconnaissance de la Palestine  par deux Etats d’Amérique du Sud, le Brésil et l’Argentine, la  présentant comme contre-productive et prématurée. Mitchell a dit aux  dirigeants palestiniens : « Je comprends que vous soyez en colère et  déçus, mais je vous promets que le président Obama et la secrétaire  d’Etat Hillary Clinton ne ménageront aucun effort pour faire avancer le processus de paix et veilleront à ce qu’un Etat palestinien viable voit le jour dès que possible. »
Même Mahmoud Abbas n’a pas été impressionné ou flatté  par ce discours. Un proche collaborateur d’Abbas, qui a requis  l’anonymat, a dit : « On nous a dit la même chose cent fois. Croit-il  que nous soyons des enfants qui peuvent être calmés ou trompés avec une  poignée de bonbons ? » Pourtant, c’est exactement ce que Mitchell semble  faire, du moins à en juger par le résultat de ses nombreux voyages dans  la région pour maintenir un processus, même si zéro-aboutissement se  profile à l’horizon.
Cette approche américaine, même si elle repose sur une  certaine bonne volonté, est exaspérante pour les dirigeants palestiniens  tandis qu’un nombre croissant d’officiels de l’Organisation de  Libération de la Palestine (OLP) poussent fortement Mahmoud Abbas à cesser de « courir après l’illusion américaine ». La semaine dernière, il a été rapporté que l’OLP, y compris sa faction du Fatah,  insistait pour mettre fin de façon unilatérale à tous les engagements  d’Oslo et à la feuille de route, et même à la coordination sécuritaire  avec Israël.
« Nous ne pouvons rester engagée vis-à-vis d’accords que  les Israéliens eux-mêmes ne respectent pas. Une partie ne peut pas  rester engagée tandis que l’autre les détruits », a déclaré Yasser Abed Rabbo, un proche collaborateur du chef de l’OLP, Mahmoud Abbas.
Toutefois, cesser les accords de sécurité  avec Israël  constituerait une sorte de suicide politique pour l’Autorité  palestinienne. Israël serait forcé de réoccuper les parties de la  Cisjordanie qui sont symboliquement contrôlées par le gouvernement de  l’AP. C’est pourquoi le gouvernement israélien ne prend pas ce genres  déclarations venant de l’AP au sérieux.
Une source israélienne, citée par le journal de droite, The Jerusalem Post, a été citée comme disant : « Nous entendons ce genre de choses maintenant et à nouveau du côté palestinien, que Mahmoud Abbas  va démissionner, qu’ils vont démanteler l’Autorité palestinienne,  qu’ils vont tout remettre à l’ONU, qu’ils vont renoncer à une solution à  deux Etats. Mais ils ne sont pas vraiment sérieux. »
Un peu plus tôt, l’Autorité palestinienne avait réagi  avec colère à l’annonce de son échec par l’administration Obama, disant  qu’il était inconcevable que la seule superpuissance au monde accepte  son incapacité à faire pression sur Israël.
Des officiels de l’OLP ont également réaffirmé leur attachement au droit au retour en vertu de la résolution 194 qui stipule  le rapatriement et l’indemnisation des réfugiés palestiniens.  L’Autorité palestinienne, en particulier depuis la conclusion des  Accords d’Oslo, a montré une certaine propension à faire des compromis -  ou au moins à faire preuve de flexibilité - en ce qui concerne le sort  des réfugiés.
la réaffirmation par l’OLP des questions clés telles que le droit  au retour ainsi que le rejet croissant de la notion d’échange de  terres, montrent que l’Autorité palestinienne et l’OLP pourraient  radicaliser leur position sur les conditions de la paix avec Israël, au  point même de reprendre la résistance armée, surtout si le processus de  paix continue à tourner à vide.
En outre, de nombreux Palestiniens accusent à présent Washington de ne pas prendre la cause de la paix en Palestine suffisamment au sérieux.
Le scénario qui est celui de la direction palestinienne à  Ramallah semble pour l’instant être de compter sur la création d’un  mouvement vers la reconnaissance internationale d’un futur Etat  palestinien. Au départ, l’Union européenne (UE) avait déclaré dans un  communiqué qu’elle pourrait reconnaître un tel Etat dans un an ou deux  si les efforts de paix sous direction américaine restaient dans une  impasse. Mais les fonctionnaires de l’UE ont par la suite précisé que la  reconnaissance européenne n’était par pour bientôt, de peur qu’elle ne  sape les [dits] efforts de paix en cours.
Cependant, il y a peu ou pas d’efforts de paix réels qui  seraient compromis par une possible reconnaissance européenne d’un Etat  palestinien, ce qu’un journaliste israélien décrit comme « une  atmosphère de ’ramasser ce que l’on peut’ ». Tout cela  alors que les colons, soutenus par leur gouvernement, lancent la  campagne de colonisation la plus frénétique depuis 1967. Par conséquent,  il serait plus probable que la reconnaissance européenne d’un Etat  palestinien aurait pour effet de perturber les activités illégales de  colonisation plutôt que des efforts pour la paix.
Pour détourner l’attention de son échec plutôt humiliant  pour ce qui d’amener Israël à geler l’expansion des colonies,  l’administration Obama ressort comme neuf une vieille proposition  permettant d’éluder la question des colonies, au lieu de les geler et de  se concentrer sur d’autres questions. D’autres problèmes incluant les  réfugiés, Jérusalem et les frontières, ont été discutés ad nauseam depuis le début des années 1990 avec Israël, lequel refuse de renoncer à son occupation. Tout au contraire,  Israël, avec l’assentiment des États-Unis, a continué à boucher les  horizons palestiniens dans la mesure où la solution à deux Etats a été  pratiquement rendue inapplicable.
Dans ce contexte, l’AP est tentée dans les semaines à  venir de réévaluer sa position et pourrait opter pour demander à plus de  pays - en particulier des poids-lourds comme la Chine et l’Inde - de se  prêter à la reconnaissance d’un Etat palestinien. Ce scénario est de  plus en plus encouragé dans de nombreux cercles dirigeants de Ramallah,  en particulier après que le Brésil et l’Argentine aient reconnu la Palestine  sur la base des frontières de 1967. Une raison supplémentaire de  prendre ce chemin est de plus en plus liée à la certitude que les  États-Unis sont incapables de contribuer à une paix juste entre Israël  et les Palestiniens.
TRaduction : Naguib
 
 
