vendredi 15 octobre 2010

La tentation du départ pour les chrétiens de Taybeh en Cisjordanie

publié le jeudi 14 octobre 2010
Nicolas Falez

 
Le pape Benoît XVI réunit depuis le 10 octobre 2010 à Rome les évêques du Proche et du Moyen-Orient. Un synode au cours duquel l’Eglise s’interroge sur l’avenir des chrétiens dans la région où leur religion est née il y a 2 000 ans mais où ils sont de moins en moins nombreux. Reportage dans le village palestinien de Taybeh, en Cisjordanie.
A une demi-heure de voiture de Jérusalem, en direction du Nord, voici Taybeh, perché sur une colline pierreuse de Cisjordanie. Dans ce village palestinien, il n’y a ni mosquée ni minaret mais trois clochers. Trois églises de rites différents : catholique romain, catholique grec et grec orthodoxe. Taybeh est le seul village palestinien entièrement chrétien. Le lieu est mentionné dans la Bible, sous le nom d’Ephraïm, Jésus et ses apôtres s’y seraient réfugiés. Le nom actuel du village (« la Belle » en arabe) aurait été donné ultérieurement par Saladin.
Taybeh compte aujourd’hui 1300 habitants, contre environ le double dans les années 1960. Une hémorragie que déplore Azmi Jasser, un habitant du village : « Chaque année, entre 15 et 20 personnes de valeur s’en vont en Amérique ou en Suède. Ils émigrent, ils ne partent pas juste pour travailler et revenir. Une fois partis, vous ne les reverrez plus… ».
La cause de ces départs ? « On ne peut pas aller à Jérusalem, poursuit Azmi Jasser, c’est un gros problème pour nous. Nous souffrons beaucoup trop de l’occupation. Beaucoup de gens partent à cause de cela. Il n’y pas de travail. Pas de travail pour les jeunes, ils n’ont pas d’argent alors ils quittent ce pays et vont à l’étranger… »
Il y aurait aujourd’hui de 8 000 à 12 000 personnes originaires de Taybeh installées aux Etats-Unis, en Amérique du Sud ou en Europe. Dix fois plus que dans leur propre village ! Les chrétiens représentent aujourd’hui moins de 1% de la population des Territoires palestiniens.
La messe du dimanche dans l’église catholique romaine de Taybeh N.Falez/RFI Le synode des évêques du Proche et du Moyen-Orient, voulu par Benoît XVI va se pencher sur cet exode. Mais il abordera également la question de l’intolérance religieuse. Le Père Raed, curé de Taybeh, ne nie pas « les problèmes » survenus parfois entre ses paroissiens et des habitants des villages musulmans voisins, « mais nous avons trouvé un modus vivendi, assure-t-il, quand il y a eu des problèmes nous les avons réglés entre-nous ».
Il y a cinq ans, plusieurs maisons de Taybeh ont été mises à sac par des habitants d’un village musulman voisin. Une affaire mêlant honneur, vendetta familiale et aussi - sûrement - tensions intercommunautaires. A Taybeh, rares sont ceux qui souhaitent évoquer ce mauvais souvenir.