Le Quartette pour le Proche-Orient s’apprête à intervenir pour faire pression sur les deux parties, afin de reprendre les négociations directes. Une mission qui s’annonce difficile.
Sous forte pression de la communauté internationale, surtout américaine, les Palestiniens et les Israéliens sont poussés à reprendre les négociations directes suspendues depuis 2008. Mais les analystes prévoient que ce nouveau round de négociations n’apportera pas de grand progrès pour le relancement du processus de paix s’il se tiendra. « On doit avoir un bâton magique pour réaliser un peu de progrès dans le règlement du conflit palestino-israélien. Il ne faut pas être si optimiste que ça, la bonne volonté ne suffit pas pour résoudre ou même relancer le processus de paix. Les deux rivaux campent sur leurs positions. Ils doivent présenter des concessions, notamment la partie israélienne, pour pouvoir relancer le processus de paix. Les Palestiniens, de leur part, doivent régler leurs problèmes et s’unir pour qu’ils aient plus d’appui et de soutien », explique Dr Saïd Okacha, politologue.
Cela dit, les efforts ne manquent pas. Une série de va-et-vient a eu lieu cette semaine entre des responsables américains, européens, palestiniens et israéliens. Des rencontres après lesquelles George Mitchell, l’émissaire du président américain Barack Obama au Proche-Orient, a dit que l’on serait sur le point de ramener les deux parties à une même table dans l’espoir de parvenir, à court terme, à un accord de paix global.
Pour concrétiser cet espoir, les Etats-Unis sont en consultations avec le Quartette pour le Proche-Orient (USA, Russie, Union européenne et Onu), concernant les moyens de favoriser un redémarrage des discussions de paix directes entre Israël et les Palestiniens. « Nous sommes donc en consultations avec le Quartette, et nous essayons de voir comment nous pouvons encourager les parties à entamer des négociations directes », a indiqué le porte-parole du département d’Etat, Philip Crowley.
En effet, le Quartette publiera un communiqué engageant les deux parties à se contacter directement. Le Quartette devrait inviter les deux parties à reprendre les discussions directes, fournir un calendrier des négociations et appeler Israël à prolonger la période de 10 mois de gel partiel de la colonisation en Cisjordanie qui doit expirer le 26 septembre prochain.
De leur part, les Palestiniens espèrent que l’appel du Quartette correspondra à la déclaration publiée par le Quartette le 19 mars à Moscou, appelant Israël à stopper toutes ses activités de colonisation et invitant les deux parties à renouer un dialogue direct en vue de conclure un accord de paix dans les 24 mois à venir. Cependant, les autorités palestiniennes ont indiqué qu’elles maintenaient les demandes qu’elles formulent depuis des mois, à savoir un gel de la colonisation juive en Cisjordanie occupée, et particulièrement à Jérusalem-Est, et des garanties sur le tracé des frontières d’un futur Etat palestinien. En effet, les Palestiniens ont résisté, depuis plusieurs mois, aux pressions américaines les invitant à discuter directement avec Israël, en se défendant que le gouvernement de droite du premier ministre Benyamin Netanyahu, considéré comme un faucon, n’a pas sérieusement l’intention de se retirer des territoires palestiniens occupés depuis la guerre des Six Jours en 1967, notamment de Jérusalem-Est. Israël a appelé, de manière répétée, à une reprise des pourparlers directs, mais avait accueilli très froidement la déclaration de Moscou, rejetant notamment le calendrier prévu. Le dernier cycle de négociations directes avait échoué en décembre 2008, lorsqu’Israël avait lancé une offensive contre la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas, destinée à faire cesser les tirs de roquettes contre son territoire.
Abbass, prêt à négocier directement
Mais pour la première fois, le président palestinien a annoncé son intention de reprendre les négociations directes. La Haute représentante de l’Union Européenne (UE) pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, a assuré, dans une lettre adressée aux ministres des Affaires étrangères de l’UE, que M. Abbass était « sur le point d’accepter » des négociations directes. Elle a précisé que le Quartette publierait un communiqué au début de la semaine prochaine réaffirmant ses engagements antérieurs, notamment sa déclaration de Moscou.
Commentant ces déclarations, le porte-parole de la présidence de l’Autorité palestinienne, Nabil Abou Rudeina, après des entretiens entre le président de l’Autorité, Mahmoud Abbass, et David Hale, adjoint de l’émissaire américain pour le Proche-Orient George Mitchell, a annoncé que la position officielle palestinienne (sur les discussions directes) sera rendue publique après le communiqué du Quartette.
Le Hamas sceptique
En première réaction à ces déclarations, le Hamas a organisé une rencontre exceptionnelle, estimant qu’il avait permis de réunir onze organisations, qui représentent à ses yeux la majorité des Palestiniens. Après cette rencontre, le Hamas et d’autres mouvements palestiniens ont exhorté, dimanche dernier, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass, à ne pas céder aux pressions des Etats-Unis pour une reprise des pourparlers de paix directs avec Israël, qu’ils qualifient de dangereux. « Insister sur la tenue de pourparlers directs revient à lancer une bouée de sauvetage à Israël, au moment où son isolement s’accroît », écrit le Hamas dans un communiqué. « Le retour aux pourparlers directs sert les intérêts des Etats-Unis et des sionistes, visant à liquider les droits nationaux du peuple palestinien », ajoute le communiqué, signé aussi par le Front Démocratique de Libération de la Palestine (FDLP), partisan de longue date de négociations avec Israël et détenteur d’un portefeuille au gouvernement de l’Autorité palestinienne. Pour le FDLP, les pourparlers directs doivent se tenir sous l’égide de la communauté internationale, et leur reprise est subordonnée à la levée du blocus de la bande de Gaza imposé par Israël.
Israël rejette d’avance
En revanche, le premier ministre israélien rejette le préalable formulé par le président Abbass, pour se rasseoir en face de lui, compliquant ainsi les efforts de Washington et de ses trois partenaires du Quartette. « Israël est prêt à des négociations directes immédiates, mais sans aucune condition préalable », a affirmé à l’AFP un responsable israélien qui a requis l’anonymat. « Les Palestiniens, qui ont perdu un temps précieux en refusant de relancer ces contacts directs, pourront présenter tous les sujets qu’ils souhaitent soulever autour de la table des discussions », a ajouté ce responsable. Les médias israéliens, dont les radios militaire et publique, affirment, de leur côté, que le « forum » des sept plus importants ministres a décidé dimanche qu’Israël rejettera un communiqué que devrait publier dans les prochains jours le Quartette. « La déclaration du Quartette est une perche tendue aux Palestiniens pour reprendre les négociations sans perdre la face, mais elle n’engage pas Israël », ont affirmé des ministres cités par les médias.
Maha Salem