Akiva Eldar
Il est plus facile pour Netanyahu de présenter ses voeux pour le Ramadan que d’arrêter la construction du Musée de la Tolérance sur le site de ce qui était autrefois un cimetière musulman dans le centre de Jérusalem.
Il était assurément très courtois de la part du Premier ministre Benjamin Netanyahu de souhaiter « Ramadan karim » à nos frères musulmans pour leur mois saint. Comme tous les ans, les émissions de radio vont parler de la façon dont le président a été l’hôte de « respectés Arabes » pour le repas de l’iftar à la fin du jeûne quotidien du Ramadan. Il est plus facile pour Netanyahu de présenter ses voeux pour le Ramadan que de mettre un terme aux caprices d’un groupe de juifs américains qui a décidé de construire un Musée de la Tolérance en lieu et place de ce qui était un cimetière musulman dans le centre de Jérusalem. Et le plus difficile de tout est de remplir les obligations historiques des pères fondateurs de l’Etat, telles qu’énoncées dans la Déclaration d’Indépendance, qui demandent de garantir à tous ses habitants une « complète égalité de droits sociaux et politiques ».
Aux Etats-Unis, pays dont la population musulmane est inférieure à 2% de la population globale, le président a approuvé la création d’un centre pour la communauté musulmane près de Ground Zero. Le rapport de la Commission Or sur les évènements violents d’octobre 2000, au cours desquels 13 manifestants arabes ont été tués dans l’affrontement avec la police, indique qu’il y a environ 100 mosquées désaffectées à travers le pays. Beaucoup d’entre elles sont aujourd’hui utilisées à d’autres fins : comme écuries, bâtiments de stockages, restaurants, galeries, et même comme synagogues. Lors d’un colloque organisé à l’occasion du cinquième anniversaire de ces épouvantables évènements, un membre de la Commission Or, le professeur Shimon Shamir, a fait remarquer qu’il n’y avait eu aucune amélioration notable dans la situation des mosquées. Selon le célèbre orientaliste, persister dans l’ignorance de la profanation de ces maisons du culte musulman était emblématique de la façon dont était traité quotidiennement le secteur arabe.
« L’Etat et ses gouvernements successifs ne se sont pas, de façon déterminée et complète, attaqués aux difficiles problèmes posés par l’existence d’un large minorité d’Arabes au sein de l’Etat juif, » déclare la Commission dans son rapport. Elle conclut également que les politiques des gouvernements, destinées à répondre aux besoins de la minorité arabe, peuvent pour la plus grande part être qualifiées de négligentes et discriminatoires dans l’allocation des ressources. Le rapport Or cite notamment des documentalistes avec le service de sécurité du Shin Bet qui soulignent les insuffisances budgétaires et le manque de terres disponibles dans les municipalités arabes et font valoir que le problème de l’égalité est un « problème fondamental » pour les Arabes d’Israël.
Ces conclusions déprimantes tombent à propos, alors que nous nous préparons à marquer les dix ans depuis les affrontements, comme on peut le voir dans l’enquête parlementaire sur la pénurie d’Arabes dans la fonction publique. Les auditions de la commission d’enquête, qui furent présidées par le député Ahmed Tibi, ont eu lieu la semaine dernière. Il semble que les quatre résolutions ministérielles votées entre 2004 et 2007 et appelant à augmenter le nombre d’embauches d’Arabes (augmentation pourtant modeste pour aller à 10% d’employés arabes dans le secteur public d’ici 2010) ne sont pas appliquées.
Le Dr Danny Geyra, qui fut le conseiller principal de la toute première commission parlementaire présidée par un député arabe, a présenté des statistiques qui montrent que le nombre de salariés arabes employés par l’Etat n’excédait pas 6,6% à fin 2009. Si on exclut les salariés du système de santé publique, ce pourcentage tombe à 5,2%. Entre 2001 et 2009, le nombre d’Arabes ayant des postes de haut niveau dans les organismes gouvernementaux a légèrement augmenté. Mais il n’y a pas plus de huit Arabes à être contractuellement employés à un poste de direction. La commission est également arrivée à la conclusion qu’il y avait deux hiérarchies distinctes, une pour les employés juifs et une autre pour les Arabes, dans les ministères, permettant ainsi à l’Etat de présenter une fausse réalité montrant une prétendue amélioration dans le nombre d’Arabes à des fonctions à responsabilité.
Les budgets additionnels que le ministre en charge des Minorités, Avishay Braverman, a récemment obtenus du Trésor ne sont juste qu’une goutte d’eau dans l’océan qui fait la séparation entre les ressources allouées à la minorité arabe pour l’enseignement, le logement et la protection sociale, et les promesses politiques et les décisions de la Cour suprême contre les discriminations qui perdurent.
« Les politiciens et hommes d’affaires juifs permettent aux chirurgiens arabes de leur ouvrir le ventre et de les opérer dans la tête, » dit Tibi, qui est lui-même médecin, « mais quand un médecin arrive à l’aéroport Ben Gourion, ils lui font baisser son pantalon. Quand ce médecin demande à travailler, les employeurs le renvoient chez lui. »
Soixante-deux ans après la création de l’Etat et dix ans après les émeutes d’octobre, il est temps de reconnaître que l’Etat juif n’est pas intéressé pour être aussi l’Etat de ses citoyens arabes. La situation difficile que connaît la minorité arabe entre la Méditerranée et la Ligne verte, spécialement la minorité arabe musulmane, est révélatrice de l’attitude de l’Etat démocratique juif envers ceux qui n’appartiennent pas aux seigneurs de la terre.
Nos frères musulmans en Galilée, dans la région du Triangle et les villages bédouins, ont coutume d’inviter des convives pour se délecter ensemble à leur table durant le Ramadan. Voilà une excellente occasion pour les gens de droite, et ceux de gauche qui proposent de renoncer à la solution à deux Etats en faveur d’une annexion du territoire, de voir de près, la grosse et laide face qu’aurait un Etat binational entre la Jordanie et la Méditerranée.
Ramadan karim, effectivement.