Augustin Scalbert
Creuser, étayer, déblayer sans relâche : voilà le quotidien des ouvriers d’Abu Sleeman, propriétaire d’un tunnel à la frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte, régulièrement bombardée par les F-16 israéliens. Depuis le début du blocus, des centaines de ces tunnels permettent à la population de subsister. Dans un passionnant documentaire diffusé sur LCP-AN, deux reporters racontent ce périple sous le sable.
Le film s’appelle « Rue Abu Jamil », du nom de la dernière artère de la ville palestinienne de Rafah avant la frontière égyptienne. Il commence fin décembre 2008, quand Israël bombarde la bande de Gaza. Trois semaines plus tard, il ne reste plus rien des centaines de tunnels qui permettent aux Gazaouis de respirer pendant le blocus imposé par Israël depuis la victoire du Hamas.
Alexis Monchovet et Stéphane Marchetti nous racontent le travail de fourmi d’Abu Sleeman et des autres, qui reconstruisent peu à peu le boyau avant de recommencer leur contrebande de marchandises, du sac de ciment au lama vivant.
Ces deux reporters français connaissent bien la ville frontalière, où ils ont vécu et qu’ils ont dépeinte dans « Rafah, chroniques d’une ville dans la bande de Gaza » (2006). Diffusé dans le monde entier, ce film leur a valu le prix Albert-Londres en 2008.
Cette fois, ils s’enfoncent dans le tunnel et narrent cet étrange quotidien, entre le travail de forçat sous terre et les bombardements de F-16 la nuit, en surface. Le film, en arabe sous-titré, est dépourvu de voix off. Choix appréciable qui a pour effet de réduire la distance entre le téléspectateur et les protagonistes du documentaire.
Au lendemain des bombardements, les Gazaouis évaluent les dégâts et commencent immédiatement à réparer les tunnels bombardés.
Depuis juin 2008, Israël et le Hamas ont signé un cessez-le-feu. Les habitants de Rafah n’en voient pas vraiment la couleur. Après leur journée de travail, les ouvriers rentrent chez eux pour, parfois, devoir en sortir fissa en raison de l’arrivée des F-16.
Dans cet extrait, on suit Abu Jameel qui cherche un refuge avec sa famille pendant des bombardements. « N’ayez pas peur ! », répète-t-il sans cesse à ses fillettes. Mais la caméra montre qu’il n’est lui-même pas très rassuré…
Loin de l’immédiateté parfois spectaculaire des reportages de JT, « Rue Abu Jamil » montre très pudiquement le quotidien de ces Gazaouis de Rafah. Sans parti pris, le film se contente de recueillir leur parole.
► « Rue Abu Jamil », de Alexis Monchovet et Stéphane Marchetti - Lundi 24 mai à 20h30 et mardi 1er juin à 20h30 sur La Chaîne Parlementaire-Assemblée nationale.
publié sur Rue89