Claude Angeli
Le 22 mars, à Washington, signe de ces temps de grande fâcherie, Hillary Clinton n’a pas reçu le Premier ministre israélien au Département d’Etat, là où la presse les attendait tous deux : elle s’est rendue à son hôtel. Et, le même jour, la Maison-Blanche annonçait que l’entretien de Barack Obama avec Netanyahou, le lendemain, au moment où « Le canard » sortait des imprimeries, serait une simple « rencontre privée ». Il n’est d’ailleurs pas certain qu’après cette conversation un cameraman soit autorisé à filmer sourires et poignées de mains.
La visite du Premier ministre israélien a débuté par sa réception au congrès de l’Aipac, le puissant lobby juif et pro-Likoud. Il y a été accueilli par 7.500 Américains « avec affection et acclamé avec enthousiasme » (formule entendue à l’ambassade de France). A la tribune, Netanyahou a répété ce qu’il avait déclaré la veille, avant de s’envoler vers Washington : « Nous continuerons de construire des immeubles à Jérusalem-Est, comme l’ont fait tous les gouvernements israéliens depuis quarante-deux ans ».
A la même tribune, en mission commandée, Hillary Clinton a demandé l’arrêt de la colonisation dans les territoires occupés et à Jérusalem-Est, pour laisser « une chance à la paix », et réaffirmé, sous les applaudissements, l’attachement des Etats-Unis à la sécurité d’Israël.
Dialogues de sourds ? Oui et non, car Obama cherche à calmer le jeu. Il espère obtenir quelques concessions de Netanyahou – libération de prisonniers du Fatah, allégement du blocus de Gaza, etc... – afin de voir s’instaurer, sous l’égide américaine, des négociations indirectes entre Israéliens et Palestiniens.
Selon les diplomates français en poste à Tel-Aviv, c’est loin d’être gagné [1]. Et l’un d’eux croit savoir que le gouvernement Netanyahou entend jouer plus finement.
« Il veut agir avec davantage de discrétion, dit-il. Et cesser de proclamer qu’il va développer ses colonies, ici et là, voire ralentir le rythme de ces constructions contestées par les Etats-Unis et l’Union européenne. » A croire que le béton israélien peut devenir transparent.
Si Obama veut trouver une sortie de crise, malgré l’humiliation subie, à Jérusalem, par son vice-président Joe Biden, et décrite par « Le Canard » la semaine dernière, c’est pour des raisons de politique intérieure. En novembre prochain, les élections législatives s’annoncent plus que délicates pour la Maison-Blanche.
« Obama ne peut se permettre, affirment à Washington journalistes et diplomates, de « punir » le gouvernement Netanyahou. Et il n’y a pas que le danger d’affronter les lobbies pro-israéliens. Au Congrès, comme dans l’électorat on le lui ferait payer. » Pas question, donc, d’utiliser l’arme de dissuasion dont disposent les Etats-Unis. Chaque année, Israël reçoit une aide financière, pour l’essentiel militaire, de 3 milliards de dollars. Sans compter une augmentation récente de 225 millions et d’autres générosités en matière de technologie.
Pour des raisons presque similaires, Netanyahou ne peut envisager – mais l’idée ne l’affleure même pas – de céder face aux exigences américaines. Son gouvernement de coalition, droite et extrême-droite associées, exploserait dans l’heure. Tout plutôt que renoncer à ces chères colonies en terre palestinienne.