vendredi 26 mars 2010

Jérusalem au coeur des tensions

publié le jeudi 25 mars 2010
Franck Weil-Rabaud

 
Il n’est pas anodin que Benjamin Netanyahu ait affirmé avant sa rencontre avec le président américain que Jérusalem est la « capitale éternelle du seul Etat juif ».
La municipalité de Jérusalem a donné son feu vert pour la construction de vingt logements juifs à Jérusalem-Est. Ils verront le jour dans un hôtel racheté en 1985 par le milliardaire juif américain Irving Moskowitz. L’annonce est intervenue alors que Benyamin Netanyahu rencontrait le président américain Barack Obama pour tenter d’apaiser les tensions nées d’un autre projet de construction de 1 600 logements juifs dans la partie occupée de Jérusalem. Depuis 1967, la ville sainte est l’un des points les plus sensibles du conflit israélo-palestinien.
L’image, en positif ou en négatif, est restée gravé dans toutes les mémoires. Nous sommes en juin 1967. Le général Moshe Dayan, alors ministre de la Défense, accompagné du chef d’état-major, Ytzhak Rabin, vient prier au Mur des Lamentations, le lieu le plus saint du judaïsme. Pour l’Etat hébreu c’est un jour historique. Son armée vient de remporter une victoire aussi éclatante que rapide sur une coalition des armées arabes. Elle s’est entre autre emparée de la partie orientale de Jérusalem, qui appartenait alors à la Jordanie. Depuis cette date, et en dépit des lois internationales qui reconnaissent Jérusalem-Est comme territoire occupé, les gouvernements israéliens n’ont eu de cesse d’installer des familles juives pour tenter de modifier l’équilibre démographique dans une partie de la ville que les Palestiniens veulent ériger en capitale de leur éventuel futur Etat.
Une démographie favorable aux Palestiniens
A l’issue de sa conquête militaire, le gouvernement israélien procède à un recensement de la population arabe vivant à Jérusalem-Est. Elle est alors de 66 000 personnes. Pour l’ensemble de Jérusalem, la population arabe représente 33% des habitants. Année après année, les autorités municipales et nationales israéliennes incitent les juifs à s’installer dans la partie orientale de Jérusalem. Ils bénéficient pour cela d’incitations financières. En 2009, le nombre d’Israéliens juifs considérés par la loi internationale comme des colons installés à Jérusalem-Est, dépasse les 200 000 personnes. Malgré cela, la démographie reste favorable aux Palestiniens. Ils représentent 35% de la population totale de Jérusalem aujourd’hui et, selon le démographe israélien Sergio della Pergola, la parité entre juifs et arabes pourrait être atteinte en 2030.
Une bureaucratie très politique
Parallèlement à l’implantation de résidents juifs, Israël a multiplié les mesures pour limiter l’accroissement de la population palestinienne. A l’issue de la guerre des Six-Jours, les résidents arabes de Jérusalem, qui ont refusé de prendre la nationalité israélienne, se sont vu accorder le statut de résident. Un statut très précaire. Une loi israélienne stipule ainsi que tout résident qui a séjourné plus de sept ans à l’extérieur des limites municipales de Jérusalem, que ce soit à l’étranger ou en Cisjordanie, perd automatiquement son droit de résidence. Les conditions du regroupement familial se sont également durcies et restent à la discrétion du ministère de l’Intérieur. Selon plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, plus de 120 000 dossiers sont aujourd’hui en attente d’une décision. Les Palestiniens ont par ailleurs les plus grandes difficultés à obtenir des permis de construire. De nombreuses maisons sont alors considérées comme illégales et peuvent être ainsi détruites par les autorités israéliennes. Plus de 2 500 d’entre elles ont ainsi été rasées depuis 1967.
Unité de façade, discriminations de fait
Alors que depuis 1980, et le vote d’une loi par la Knesset, le Parlement israélien, l’ensemble de la ville de Jérusalem est considéré comme la capitale unie et indivisible d’Israël, les disparités des investissements municipaux entre les parties occidentale et orientale de la ville sainte sont criantes. En 2006, alors que les Palestiniens représentaient un peu plus de 30% de la population de la ville, le budget global consacré à Jérusalem-Est atteignait à peine 12% de l’ensemble du budget municipal. Pour le démographe israélien Sergio della Pergola, dans l’optique d’une capitale pour deux Etats, « il faudrait que chaque partie de Jérusalem dispose de son propre conseil municipal, chapeauté par un super-conseil. Mais c’est une solution très difficile à mettre en place en raison des oppositions qu’elle suscite de part et d’autre ».
Il faut dire que le dossier ne semble pas près d’être réglé. En visite aux Etats-Unis, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a répété que « Jérusalem n’est pas une colonie. Jérusalem est la capitale d’Israël ». Une affirmation qui ne laisse guère de place aux aspirations palestiniennes de voir cesser toute colonisation juive dans la ville sainte et au-delà dans les Territoires occupés. [1] L’Autorité palestinienne en est aujourd’hui réduite à s’en tenir une nouvelle fois aux promesses du Quartette. Ce dernier, composé des Etats-Unis, de la Russie, de l’Union européenne et des Nations unies a encore récemment exprimé son souhait de voir naître d’ici 2012 un Etat palestinien indépendant et viable. Etat qui selon la « feuille de route » élaborée par le même Quartette aurait dû voir le jour en… 2005. .