lundi 4 janvier 2010 - 08h:22
Susan Abulhawa et Ramzy Baroud
D’autres nations ont fait des guerres et ont mené des luttes épiques pour atteindre le type de coexistence qui était déjà une réalité en Palestine.
Mais alors que le monde s’efforce d’évoluer vers de nobles vérités disant que nous sommes tous créés égaux, Israël a institutionnalisé la notion de peuple élu bénéficiant de droits et privilèges exclusifs au profit des Juifs. Tandis que les autres pays agissent pour l’intégration de leurs citoyens et ainsi créer la richesse de la diversité, Israël travaille dans le sens contraire, en usant de politiques racistes pour « judaïser » la terre par lesquelles des biens et des ressources sont confisqués aux chrétiens et aux musulmans au profit exclusif des Juifs.
Alors qu’il y a consensus pour dire que certains droits de l’homme sont inaliénables, les Palestiniens ont vécu soumis aux caprices des soldats aux postes de contrôle, des avions et des hélicoptères faisant pleuvoir la mort sur eux en toute impunité, des couvre-feux, des restrictions et des dénis de justice, et de la violence de colons armés qui se croient disciples de Dieu.
Vivant sous occupation israélienne, dans les camps de réfugiés ou en exil, nous, les Palestiniens avons tout enduré, tout nous étant cyniquement volé - nos maisons, notre patrimoine, notre histoire, nos familles, nos moyens de subsistance, nos fermes, nos oliveraies, notre eau, la sécurité et la liberté. Dans les années 1990, nous avons appuyé les accords d’Oslo, solution à deux États, même si celle-ci ne devait nous retourner que 22% de notre patrie historique. Mais Israël a gaspillé à plusieurs reprises notre générosité en confisquant davantage de terres palestiniennes pour accroître les illégales colonies juives et les routes exclusivement juives.
Ce qui nous reste est désormais inférieure à 14% de la Palestine historique, le tout sous la forme de bantoustans isolés les uns des autres, de ghettos qui vont en se rétrécissant, de murs, de clôtures, de points de contrôle avec des soldats hargneux, et avec un empiètement permanent pour l’expansion des illégales colonies israéliennes.
Alors que l’Autorité palestinienne nous a mené à une diminution massive des terres, avec moins d’eau, plus de restrictions, des murs honteux et d’impitoyables meurtres, des personnes remarquables et des mouvements populaires se sont mobilisés pour la Palestine comme cela s’était produit pour l’Afrique du Sud. Des autorités morales comme l’ancien président Jimmy Carter, les prix Nobel Desmond Tutu et Mairead Maguire, ainsi que l’ancienne Haut Commissaire aux droits de l’homme Mary Robinson, ont condamné l’apartheid israélien.
Les organisations qui appuient la campagne pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS) contre Israël comprennent des institutions religieuses comme l’Eglise presbytérienne, le Conseil œcuménique des Eglises, l’Eglise unie du Christ, l’Eglise évangélique luthérienne, l’Église anglicane, la Fédération des Juifs européens pour une paix juste, parmi beaucoup d’autres. Ce mouvement comprend des organisations civiles et professionnelles telles que la National Lawyers Guild, les syndicats irlandais des employés municipaux et de la fonction publique, ainsi que des syndicats au Canada, en Grande-Bretagne et dans d’autres nations.
Un boycott universitaire d’Israël s’est développé dans tout le Royaume-Uni et dans d’autres pays d’Europe et a pris racine dans les universités américaines.
L’International Solidarity Movement (ISM) a vu des milliers de personnes entrer dans les territoires occupés pour protéger les Palestiniens de la violence des colons pendant la récolte des olives, pour protéger les enfants sur leurs trajets quotidiens et dangereux vers leur école et pour témoigner de l’inhumanité de l’occupation militaire.
Le mouvement Free Gaza a transporté par bateau des centaines de personnes prêtes à risquer leur vie pour apporter les produits tellement nécessaires à la population assiégée dans Gaza. Ce Noël, des militants internationaux organisent une marche à la frontière entre l’Egypte et Gaza pour briser le siège. Ce ne sont là que quelques exemples du soutien populaire grandissant à la lutte palestinienne.
Comparée avec ce qu’ont réalisé ces mouvements partis de la base, la futilité de « négociations » devient douloureusement évidente. Il est clair que nous ne pouvons pas attendre de nos dirigeants (qu’ils aient été élus ou imposés) qu’ils imposent la justice. De même que seules les masses pouvaient mettre à genoux l’apartheid en Afrique du Sud, ce seront également les masses qui feront disparaître l’apartheid israélien. Le développement continu de l’action internationale exigeant l’application des droits humains fondamentaux pour les Palestiniens est inévitable.
La notion de statut religieux-ethnocentrique exclusif pour un seul peuple au détriment d’un autre a été rejeté par le monde. Les Palestiniens le refusent et nous réaffirmons que nous sommes des êtres humains dignes de bénéficier des mêmes droits fondamentaux que ceux qui sont accordés au reste de l’humanité, que nous sommes dignes de nos maisons et de nos fermes, de notre patrimoine, de nos églises et nos mosquées ainsi que de notre histoire, et que nous ne devrions pas perdre de temps à négocier avec nos oppresseurs des droits si élémentaires. La solution à deux États a été et reste un instrument permettant de contourner les droits humains fondamentaux des Palestiniens dans le but de s’accommoder du désir d’Israël d’être juif. Les sondages montrent que les Palestiniens refusent d’être les ennemis de nos frères et soeurs juifs où que ce soit, tout comme nous refusons qu’ils nous oppriment.
Il est temps pour notre terre commune d’être le pays intégré et diversifié qu’elle avait été. Il est temps pour les dirigeants de suivre le mouvement déterminé pour un Etat démocratique unique, avec la liberté et la justice pour tous et indépendamment de la religion.
* Susan Abulhawa a écrit « Les matins de Jénine » (Buchet-Chastel - 2008)
* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est écrivain et publie pour PalestineChronicle. Ses écrits sont publiés par de nombreux journaux, quotidiens et anthologies à travers le monde. Son avant-dernier dernier livre : La Seconde Intifada : une chronique du combat du peuple (Pluto Press, Londres) et le dernier tout récemment publié : Mon Père était un combattant de la liberté : l’histoire non dite de Gaza (Pluto Press, London).
28 décembre 2009 - Diffusé par les auteurs
Traduction : Claude Zurbach