samedi 5 décembre 2009

L’option de proclamer un Etat palestinien indépendant

publié le vendredi 4 décembre 2009

Emad Awwad
Quelles seraient les différences entre l’acte symbolique fait en Algérie en 1988 sous la direction de Yasser Arafat et celui que pourrait envisager en 2009 son successeur Mahmoud Abbass ?

« Nous avons décidé de nous adresser au Conseil de sécurité pour essayer d’obtenir son soutien à la création d’un Etat palestinien indépendant ayant Jérusalem-Est comme capitale et dont les frontières seraient celles de juin 1967 », a déclaré le négociateur palestinien, Saëb Erakat, le 15 novembre 2009.

Cette déclaration, ayant été confirmée par le chef de l’Autorité palestinienne lui-même, a été suivie par une série de consultations avec pour objectif d’obtenir l’appui de puissances étrangères, à commencer par l’Union européenne. Mais les Palestiniens n’avaient-ils pas proclamé leur indépendance unilatéralement le 15 novembre 1988 sans qu’ils puissent traduire cette déclaration concrètement sur le terrain ? Quelles seraient les différences entre l’acte symbolique fait en Algérie en 1988 sous la direction de Yasser Arafat et celui que pourrait envisager en 2009 son successeur Mahmoud Abbass ?

Contrairement à la proclamation d’Alger en 1988, qui intervenait à un moment où l’OLP n’était que la « bête noire » de l’Etat hébreu, la démarche envisagée fin 2009 est celle d’une autorité ayant derrière elle plusieurs années de négociations et de contacts qui ont débuté officiellement avec l’accord des principes entre l’OLP et Israël, dit l’Accord d’Oslo.

Le fait d’évoquer cette option, après tant d’années d’échanges ayant abouti à plusieurs accords, n’est qu’un constat d’échec flagrant de l’option de négociation. Désormais, le problème palestinien retrouve son point de départ, à savoir la cause d’un peuple en quête de son indépendance. Toutefois, le dossier est désormais lourd, puisqu’il contient des chapitres infructueux sur plusieurs moyens de règlements pacifiques allant de la médiation à la négociation, en passant par la Cour internationale de justice. On y trouve de multiples résolutions adoptées par l’Onu reconnaissant aux Palestiniens leurs droits nationaux et légitimes, à commencer par celle du partage adoptée le 29 novembre 1947. On y voit des lignes directrices, approuvées par la communauté internationale, qui indiquent la marche à suivre pour la paix.

Cette nouvelle orientation, qui ne croit plus aux négociations selon le modèle israélien, croise, plus ou moins, celle prônée par le Hamas et d’autres formations palestiniennes qui ne croyaient point à l’utilité des négociations telles qu’elles étaient menées pendant des années. En effet, avec le passage du temps, cette option est devenue également sujet des interrogations parmi les cadres du Fatah. Cette évolution était le fruit de l’expérience endurée depuis 1993 qui a révélé, à plusieurs reprises, une volonté israélienne d’exploiter la façade de la négociation pour imposer sur le terrain les contours d’un règlement de facto.

Or, si la position adoptée par le président Barack Obama, exigeant le gel des activités de colonisation, y compris la croissance naturelle, avait renforcé celle de l’Autorité palestinienne qui refusait la reprise des négociations tant que la colonisation se poursuivait, la volte-face dans la position de l’administration, exposée par la voix de la chef de sa diplomatie, était la goutte qui a fait déborder le vase. En effet, non seulement Mme Clinton a demandé la reprise de négociations sur les questions du statut final sans conditions préalables, mais elle a aussi assuré qu’en mettant « des limites importantes à la colonisation » Israël a fait « des concessions sans précédent ».

Il était normal que les Palestiniens, dans leur ensemble, s’interrogent sur la capacité américaine à mener à bien des négociations sur les questions épineuses qui croisent, elles aussi, les activités de la colonisation, telles que les frontières ainsi que Jérusalem-Est. Dans ce contexte, l’on peut comprendre les propos de M. Marouane Barghouthi qui estime que face à l’immobilisme de la diplomatie américaine au Proche-Orient, le Hamas et le Fatah ont le devoir de se réconcilier. « Je ne vois pas de divergences de fond entre le Fatah et le Hamas », a-t-il déclaré de sa cellule.

En réalité, l’idée de s’adresser au Conseil de sécurité de l’Onu pour obtenir la reconnaissance d’un Etat à s’établir dans les frontières du 4 juin 1967 signifie l’apport de précisions, voire de modifications aux termes de la résolution 242 adoptée par le conseil suite à la guerre de 1967. Il s’agit d’un retour à l’option d’un règlement imposé de l’extérieur, ce qui a permis auparavant à l’Etat hébreu de voir le jour se basant sur la résolution du partage adoptée le 29 novembre 1947. Les réactions peu encourageantes de la part des puissances mondiales, qui tout en exprimant le soutien à l’option d’un Etat palestinien indépendant, ont privilégié, une fois encore, la voie de négociation pour atteindre cet objectif d’une part et les multiples menaces de rétorsion proférées par les responsables israéliens d’autre part, nous amènent à conclure que l’option de proclamer un Etat palestinien indépendant, avec la caution du Conseil de sécurité de l’Onu, est irréaliste, sinon irréalisable au moins à l’heure actuelle.

Cependant, le fait de l’évoquer à ce moment précis semble un signal d’alarme tiré par l’Autorité palestinienne à l’attention de la communauté internationale. Au fond, on demande à cette dernière d’être plus claire quant à l’avenir d’un peuple qui n’arrive plus à savoir en quoi il peut croire et à qui il peut faire confiance. En effet, il a du mal à comprendre comment on peut affirmer que les colonies du peuplement juives sont illégales, tout en lui demandant de poursuivre des négociations sur un règlement qui ne pourrait plus satisfaire ses revendications reconnues légitimes. Partant, on peut y voir une dernière chance pour s’atteler à trouver une solution pacifique et honorable au conflit.

Autrement dit, la direction palestinienne actuelle, désignée comme un interlocuteur modéré, n’arrivera plus à se justifier dans ce rôle. En conséquence, l’alternative qui s’impose est celle de la résistance armée. Une option qui pourrait unifier un peuple en détresse, mais qui n’irait évidemment pas dans l’intérêt du monde, surtout dans une zone aussi sensible et complexe que le Proche-Orient avec ses multiples défis et contradictions.

publié par al-Ahram hebdo en français

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