dimanche 6 décembre 2009 - 07h:27
Penny Cole - ROR Coalition/BDS
Les Palestiniens sont confrontés à un « paradoxe politique mortel », explique Salwa Alenat, de Kav LaOved (Service téléphonique d’assistance des travailleurs) lors d’une réunion à Londres pour un débat sur les profiteurs de l’occupation israélienne.
Ils n’ont pas de travail dans les zones de l’Autorité palestinienne où il y a une flambée du chômage et ils se retrouvent en conséquence obligés de travailler à la construction des colonies ou incités à cultiver des terres volées.
Autour de chaque colonie illégale, des produits agricoles sont cultivés en utilisant un travail palestinien sous-payé et exécuté dans des conditions épouvantables. De plus, les nouvelles zones industrielles, construites et fonctionnant en toute illégalité, utilisent les Palestiniens comme une main-d’œuvre bon marché, et notamment des enfants.
Après 14 ans de batailles juridiques, la Haute Cour israélienne a fini par statuer que la législation israélienne pour la protection du travail s’appliquait aussi dans les colonies, mais cette législation est grandement ignorée et rien n’est tenté pour la faire appliquer.
Quelque 30 000 Palestiniens travaillent en agriculture dans la vallée du Jourdain, gagnant souvent moins d’un tiers du salaire minimum. Des colons propriétaires y exploitent des vergers de dattiers et refusent toute responsabilité pour les accidents du travail, la protection sociale ou toute indemnisation.
Les travailleurs sont hissés par nacelles en haut des palmiers tôt le matin, et ils y sont laissés pour travailler dans la chaleur du jour, sans moyen pour redescendre. Ils vaporisent les dattes d’hormones et de pesticides sans qu’on leur fournisse les équipements pour se protéger.
Et puis, il y a les zones industrielles. Salwa Alenat, dont l’organisation basée en Israël défend les droits des Palestiniens et des travailleurs émigrés, nous cite l’exemple d’une usine accolée au mur illégal construit à l’intérieur de la Cisjordanie. Les salariés ne peuvent entrer et sortir qu’à des heures précises, dit-elle, décrivant l’entreprise comme une prison pour ses 500 salariés. Et il n’y a pas que les employeurs israéliens, il y a aussi des chefs de gangs palestiniens qui en profitent et les exploitent.
L’Autorité palestinienne affirme que c’est là une question politique mais que de plus en plus les Palestiniens tentent de s’organiser pour se battre pour leurs droits de travailleurs, « indépendamment des décisions politiques prises ici ou là, » explique Salwa.
Dalit Baum, dont l’organisation Qui profite ? a listé les entreprises qui sont impliquées dans l’occupation, dit qu’alors que les médias israéliens n’arrêtent pas de pleurer sur « le coût de l’occupation », celle-ci est la source d’énormes profits pour les couches les plus riches de la société israélienne.
L’application accélérée de la politique néolibérale par les gouvernements israéliens successifs fait que des entreprises autrefois nationalisées sont devenues des sociétés privées avec des interférences dans le monde entier. Ces sociétés exploitent impitoyablement les territoires occupés.
Les noms dont il faut se méfier :
27 sociétés israéliennes au total opérant dans les colonies et exportant vers le Royaume-Uni ont été identifiées :
Fruits et légumes et plantes aromatiques fraîches : Agrexco, Arava, Flowers Direct, Hadiklaim, Mehadrin Tnuport Export
Autres produits alimentaires : Abady Bakery, Achdut, Adumim Food Additives/Frutarom, Amnon & Tamar, Oppenheimer, Shamir Salads
Boissons : Adanim Tea, Soda-Club, Tishbi Estate Winery
Produits de beauté : Dead Sea Labarotories, Intercosma
Produits pharmaceutiques : Fermentek
Produits en plastique : Keter Plastic, Tip Top Toys, Twitoplast
Produits métalliques : DiSTek, Mul-T-Lock, Yardeni Locks
Produits textiles : Caesarea Carpets, Dispobud, Ofertex
Autres produits : Greenkote.
L’occupation a été privatisée et certaines sociétés sont en cours de privatisation, entre autres GS4, anciennement du Groupe 4, et ses filiales israéliennes Hashmira. Il s’agit-là de l’un des plus gros employeurs dans l’Etat d’Israël qui a été soumis à un examen minutieux par le parlement israélien pour violations présumées des droits du travail de milliers de ses salariés.
Les entreprises de sécurité ont favorisé l’une des plus sinistres évolutions en matière de surveillance et de techniques et équipements de contrôle ; ceux-ci étant testés sur les Palestiniens et commercialisés ensuite à travers le monde.
Des drones sans pilote qui peuvent à la fois photographier et tirer sur les Palestiniens ; des drones-bateaux qui ciblent les pêcheurs palestiniens, des drones-bulldozers fabriqués par Caterpillar avec lesquels des soldates israéliennes, depuis un bureau, n’importe où, rien qu’en se servant d’une simple manette, peuvent écraser et démolir les maisons palestiniennes.
La Cisjordanie est devenu un dépotoir énorme. Tous les déchets médicaux toxiques d’Israël y sont déversés. Même les pierres de Cisjordanie sont volées. La société transnationale Hanson est partie prenante dans une entreprise d’extraction et de concassage de pierres destinées à la fabrication du ciment.
Parallèlement à cette occupation impitoyable, illégale et économique, s’opère une transformation de l’Etat d’Israël lui-même.
Un exemple de cette évolution est le sort du mouvement syndical sioniste, Histradout, qui fut la force motrice de la construction de l’Etat israélien après 1948. En 1983, il avait 1 600 000 adhérents, plus d’un tiers de la population globale et environ 85% des salariés.
Il était le deuxième plus gros employeur du pays, tant dans l’industrie que dans le secteur public. Aujourd’hui, après dix ans de privatisations, il arrive tout juste à 650 000 adhérents.
Il n’y a pas que les travailleurs migrants arabes à être maltraités en Israël. Les migrants thaïs, philippins et chinois, après avoir payé à des agents jusqu’à 10 000 dollars pour entrer en Israël, n’ont pas le droit de changer d’employeur et sont exposés à l’expulsion s’ils perdent leur boulot. Ils ont reçu un permis de travail à durée limitée et se retrouvent donc dans l’illégalité à l’expiration de cette durée, obligés de passer au travail clandestin. Et le cycle se renouvelle avec une importation continue de lots de main-d’œuvre fraîche de l’immigration.
Kav LaOved assiste tous les salariés sous-payés et exploités et affirme qu’il y a de plus en plus de demandes sur le service d’assistance téléphonique des travailleurs juifs, pour la plupart des migrants récents, qui recherchent de l’aide.
Cette privatisation et cette globalisation de l’Etat israélien ont été impulsées par le Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant son premier mandat de Premier ministre de 1996 à 1999. Pour son mandat en cours, il a mis une priorité à suivre le même processus pour ce qui concerne les territoires occupés.
Netanyahu veut substituer ce qu’il appelle « la paix économique » au processus de paix. Un exemple de la façon dont cela fonctionne est la ville de Jénine, ville palestinienne aujourd’hui totalement encerclée par le mur illégal. Les Palestiniens de l’autre côté se voient proposer des laissez-passer d’une journée de shopping pour entrer à Jénine et y dépenser leur argent.
Pendant ce temps, l’économie palestinienne est sans cesse entravée par des restrictions et l’isolement, par des saisies de terres et des agressions, et reste totalement dépendante d’Israël pour toute activité commerciale.
Avec le néolibéralisme aux commandes en Israël et dans les territoires occupés, il n’a jamais été aussi clair qu’il existe une communauté d’intérêts entre les salariés de toute la région, quelles que soient leur nationalité, leur religion ou leur race.
La plus grande menace, pour les riches mondialisés d’Israël et leurs représentants politiques, serait la solution à un Etat unique, où les travailleurs pourraient s’unir dans un même combat pour une démocratie véritable et un pouvoir économique.
25 novembre 2009 : A World to win - 4 décembre 2009 : BDS - traduction : JPP