Christophe Ayad
En agitant depuis ce week-end la menace d’une proclamation unilatérale de l’Etat palestinien, Mahmoud Abbas a voulu réveiller Européens et Américains, à qui il reproche de n’exercer aucune pression sur Israël, accusé de multiplier les faits accomplis sur le terrain. Le président de l’Autorité palestinienne est un homme aux abois. Discrédité jusque dans son camp pour sa gestion catastrophique du rapport Goldstone, vilipendé par son peuple pour avoir participé à un sommet inutile avec Benyamin Nétanyahou et Barack Obama en septembre à New York, raillé par les islamistes du Hamas pour son impuissance, Abbas multiplie les SOS. Il a déjà solennellement annoncé son intention de ne pas se représenter aux élections, pour l’instant reportées sine die. Et maintenant, il menace de proclamer son Etat sans délai.
Agacé. Bernard Kouchner, qui a rencontré Abbas hier soir à Amman en Jordanie, lui a réaffirmé le « soutien de la France » à sa personne et l’urgence de « retourner aux pourparlers politiques », sans se prononcer sur une proclamation unilatérale. Israël a répliqué en menaçant d’annexer des blocs de colonies en Cisjordanie. Côté américain, la déclaration palestinienne est jugée incompatible avec le principe même d’une négociation, certains sénateurs allant même brandir la menace d’un veto au Conseil de sécurité de l’ONU. En termes plus diplomatiques, Paris juge la démarche « préjudiciable à la reprise des négociations ». Ce n’est pas tant l’idée que son timing qui n’est pas opportun, estime-t-on dans l’entourage de Kouchner. « La France veut un Etat palestinien. Mais il ne suffit pas de le vouloir. Quel Etat, dans quelles frontières ? Cela se prépare. » L’initiative palestinienne a d’autant plus agacé Washington que George Mitchell, l’envoyé spécial d’Obama, continue de négocier avec Israël un gel partiel de la colonisation (limité à neuf mois, excluant Jérusalem-Est et les projets déjà lancés), ainsi que les paramètres d’une future négociation. « Obama est dans le temps long, résume un diplomate européen, Abbas est pressé. »
L’administration Obama, après avoir donné trop d’espoirs en promettant aux uns un arrêt de la colonisation et aux autres des gestes de normalisation arabes, apprend les dures lois du Proche-Orient. Désormais, même certains pays arabes, comme la Jordanie, préconisent une reprise immédiate des négociations directes, sans condition préalable. « Mais il faut des négociations qui partent des acquis précédents, résume un haut responsable jordanien. Des négociations avec une date butoir. Enfin des négociations dont l’objectif final est clair, c’est-à-dire un Etat palestinien dans les frontières de 1967. »
Dévoiler. En fait, plus que proclamer un Etat - ce qu’Arafat avait fait en 1988 à Alger et qu’une centaine de pays avait reconnu, sans effet -, l’objectif d’Abbas est de forcer Obama à dévoiler son idée du futur Etat palestinien. Il cherche aussi à mesurer ses soutiens au sein de l’Union européenne, principal bailleur de fonds des Palestiniens : l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas sont les plus hostiles à une démarche unilatérale.