mercredi 18 novembre 2009 - 11h:13
Yossi Sarid - Ha’aretz
Abbas avait raison lorsqu’il a décidé d’annoncer qu’il allait bientôt démissionner : Il est impossible de mener des négociations « sans conditions préalables », tant que la colonisation se poursuit. Pendant 42 ans, Israël a égrené les conditions préalables et les « faits accomplis », sous la forme de toits de tuiles rouges, réduisant le processus de paix à rien d’autre qu’un processus sans fin.
Mais avant qu’Abou Mazen ne quitte ses fonctions, il lui reste encore une mission à accomplir : il doit déclarer unilatéralement la création d’un Etat palestinien indépendant. La Palestine maintenant.
Les deux parties ont le droit d’agir unilatéralement. Abbas le doit à son peuple, à lui-même, et à nous. Cette semaine, la presse a indiqué que le Premier ministre Benjamin Netanyahu considérait cette éventualité comme très effrayante, et qu’il espérait que les Américains la tuent dans l’œuf. Mais son cauchemar est notre seule chance de mettre fin à l’occupation de notre vivant.
En déclarant l’indépendance, M. Abbas devrait s’adresser aux Juifs vivant dans l’État de Palestine, afin qu’ils préservent la paix et prennent leur part dans la construction du nouveau pays en tant que citoyens à part entière et égaux, jouissant d’une représentation équitable dans toutes ses institutions. David Ben-Gourion n’aurait pas été fâché par un tel acte de plagiat de sa propre Déclaration d’indépendance.
Ainsi, Abbas deviendrait le Ben-Gourion palestinien. La situation n’était pas moins inextricable et les circonstances n’étaient pas plus assurées lorsque Ben-Gourion a proclamé son indépendance en 1948. Mais notre père fondateur a pris ce risque, et nous sommes heureux qu’il l’ait fait.
Le risque pris par Abbas serait bien moindre. Sur les 192 Etats membres des Nations Unies, plus de 150 reconnaîtraient une Palestine libre, et elle deviendrait rapidement le 193ème Etat de l’organisation. Bien que la position américaine reste une inconnue, il est difficile de croire que Barack Obama serait d’accord pour laisser l’Amérique s’isoler, maintenant qu’elle a commencé à nouveau à faire partie du concert des nations.
Et que pourrait faire Netanyahu ? Envahir et reconquérir la Cisjordanie ? Restaurer le gouvernement militaire dans la Muqata à Ramallah ?
Et quels ordres donnerait à son armée Ehud Barak ? La Serbie n’a pas osé envahir le Kosovo après sa déclaration d’indépendance, et même la grande Russie ne s’est pas autorisée à se maintenir sur le territoire souverain de la Géorgie après la guerre.
Immédiatement après la déclaration, les célébrations débuteront dans la capitale, Jérusalem-Est, et les gens de partout dans le monde viendront y participer, y compris les Israéliens. Les gens de la maison d’Ismaël festoieront joyeusement à travers les quartiers de la ville, surtout dans ces quartiers d’où ils ont été expulsés par des personnes avançant des prétextes religieux. Cela devra être une joie sans aucune manifestation de violence, sans une seule pierre lancée.
Cette semaine, j’ai téléphoné à M. Abbas, pour la première fois depuis au moins quatre ans. Je lui ai dit tout ce que je vous écris aujourd’hui. Je lui ai également dit autre chose : ce qui est advenu au mur de Berlin il ya 20 ans, et à l’apartheid quelques mois plus tard, adviendra aussi à l’occupation : elle va s’effondrer, même si des tentatives dérisoires auront lieu pour la renforcer.
Yossi Sarid est membre du parti Meretz. Il a siégé plusieurs fois à la Knesset depuis 1973. Il a été ministre de l’Environnement dans le gouvernement de coalition formé par Yitzhak Rabin en 1992 puis ministre de l’Éducation dans le gouvernement de coalition formé par Ehud Barak.
Publication originale Ha’aretz, traduction Contre Info