Frédéric Koller
Le monde n’est pas encore mûr pour accepter le rapport de Richard Goldstone sur les crimes de guerre perpétrés à Gaza. C’est en substance l’explication fournie par les principaux acteurs du Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour justifier le report du vote d’une résolution à la prochaine session du mois de mars 2010. Cette unité de façade masque pourtant mal les profondes divergences à l’égard des conclusions d’une commission d’enquête qui recommande de porter l’affaire devant la Cour pénale internationale (CPI) si Israël et les autorités palestiniennes ne traduisent pas eux-mêmes leurs criminels en justice.
La partie palestinienne, qui soutenait le rapport dans sa totalité, a été l’objet de très fortes pressions des Etats-Unis et d’Israël pour se rallier à la solution du report du vote. Imad Zuhairi, l’observateur permanent adjoint de la Palestine tentait vendredi de faire bonne figure : « Le rapport n’est pas mort, mais il faut faire preuve de beaucoup d’intelligence pour faire accepter un rapport aussi riche. Il faut du temps à la communauté internationale pour trouver un consensus. » [1]
De nombreux Etats, à commencer par les Etats-Unis, mais également la Chine, la Russie, tout comme d’autres pays dans le camp musulman ou africain ayant approuvé sans réserve le rapport Goldstone, craignent en effet un précédent qui pourrait les mettre dans l’embarras à l’avenir : accepter le rapport Goldstone, c’est donner de nouvelles prérogatives au Conseil pour actionner la justice internationale.
A l’issue du vote, soulagée, la partie américaine se montrait plus nuancée que lors de sa critique abrupte, mardi, d’un rapport qualifié de « profondément entaché d’erreurs ». Michael Posner, le secrétaire d’Etat adjoint pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail, explique au Temps : « C’est un rapport très long, très dense, que nous prenons au sérieux. Mais il nous faut du temps pour y réfléchir, notamment à ses recommandations qui impliquent la CPI, le Conseil de sécurité et les autorités suisses. Nous apprécions beaucoup la coopération palestinienne. »
Sursis pour Israël
Pour Israël, le soulagement n’est que partiel. Le rapport n’est pas mort et Michael Posner insiste sur la nécessité pour l’Etat hébreu tout comme le Hamas de mettre en place les mécanismes nécessaires pour établir les faits et faire respecter la justice. Le vote de ce rapport aurait signifié la fin des négociations de paix avait menacé la veille le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Sans rejet clair, le rapport peut désormais servir d’épée de Damoclès pour la partie palestinienne dans la perspective de la reprise des discussions à Washington. « Les Etats-Unis ont obtenu un sursis pour Israël sur le rapport Goldstone, estime pour sa part Sarah Leah Whitson, directrice pour le Moyen-Orient de Human Rights Watch. Aussi doivent-ils maintenant garantir qu’Israël enquête réellement sur les accusations d’exactions. »
Washington a par ailleurs remporté une victoire pour son retour au sein du Conseil en faisant adopter à l’unanimité une résolution conjointe avec l’Egypte sur la liberté d’expression qui condamne « toute incitation à la haine raciale, nationale ou religieuse ». Réticente à l’idée d’inclure la notion de religion, l’Union européenne a finalement voté le texte estimant toutefois qu’on avait atteint un « compromis ultime ».
[1] En Palestine, une vingtaine d’ organisations de défense des droits humains et la population dans son ensemble accusent l’Autorité palestinienne de faire insulte aux victimes en ayant cédé aux pressions. Elles condamnent avec force la décision de la présidence palestinienne qui est aussi celle de l’OLP à qui elles demandent également des comptes.
Voir en anglais Ma’an news
http://www.maannews.net/eng/ViewDet...
et
http://www.maannews.net/eng/ViewDet...
Parmi les organisations : Adalah * Addameer * Aldameer * Al Haq * Al Mezan * Arab Association for Human Rights * Badil * Civic Coalition for Jerusalem * DCI-Palestine * ENSAN Centre * ITTJIAH * Independent Commission for Human Rights * Jerusalem Legal Aid and Human Rights Centre * Palestinian Centre for Human Rights * Ramallah Centre for Human Rights Studies * Women’s Centre for Legal Aid and Counselling *