Christophe Ayad
En exigeant d’Israël un gel de la colonisation, comme geste préalable à toute reprise du processus de paix, Barack Obama n’a-t-il pas commis une erreur stratégique ? C’est ce que disent de plus en plus les cercles autorisés et les spécialistes du Proche-Orient. Le président américain aurait en effet sous-estimé la détermination des colons et le soutien dont ils jouissent dans la classe politique israélienne. La méthode, aussi, est critiquée : en imposant le bras de fer à un gouvernement Nétanyahou, aussi extrémiste que faible, Obama s’est condamné à devoir user de moyens de pressions sur Israël, ce qui est toujours délicat pour un président américain, quelle que soit sa couleur politique.
Pourtant, Obama ne s’est pas trompé de cible en concentrant ses efforts sur la colonisation. Pour les Palestiniens, c’est plus qu’un symbole, c’est le principal obstacle, tous les jours grandissant, à la naissance d’un Etat viable jouissant d’une véritable continuité territoriale [1]. Mais ce qui est en train d’apparaître au grand jour, c’est l’importance de la colonisation pour l’establishment politique israélien. Que le gouvernement Nétanyahou, très à droite et élu sur des thèses nationalistes, ne veuille pas fâcher son électorat, ce n’est pas une surprise. Mais depuis la mise en demeure d’Obama, force est de constater que les travaillistes, qui siègent dans la coalition gouvernementale, et Kadima, la formation centriste de Tzipi Livni, ont fait bloc avec Benyamin Nétanyahou.
La colonisation est une constante des politiques publique et sécuritaire israéliennes depuis le milieu des années 70. Et la gauche a été au moins aussi active que la droite : c’est même elle qui a lancé le mouvement. Autre constante de la politique israélienne : c’est pendant les phases de processus de paix et de négociations que la construction repart en flèche. Pendant les années Oslo, de 1993 à 2000, le nombre de colons a doublé. De même, pendant l’année suivant les négociations d’Annapolis fin 2007, la colonisation est repartie de plus belle.
Loin d’être une bande d’illuminés, complètement isolés du reste de la société israélienne, les colons (un demi-million sur 7 millions d’Israéliens) sont de plus en plus représentatifs du « melting-pot » israélien. Quoi de commun entre un jeune couple russe laïque, qui s’est installé à Ariel (une ville en bordure de la ligne verte) pour bénéficier de loyers moins chers qu’à Tel-Aviv, et des ultranationalistes en kippas tricotées portant un revolver à la ceinture ? Quoi de commun entre Maalé Adoumim, en passe de devenir la plus importante banlieue de Jérusalem avec ses crèches, sa piscine, ses cinémas, et les mobile homes occupés par des adolescents exaltés sur les collines entourant Naplouse ? En attendant, la société israélienne préfère un interminable conflit avec ses ennemis étrangers qu’affronter ses propres divisions internes.