Mohamad Al-Saïd Idris
C’est une vérité que certains tentent de dépasser, convaincus que l’ouverture de ce dossier ouvrira les portes de l’enfer dont les feux peuvent anéantir toute éventuelle chance de réaliser la paix. Une paix qui pourrait mettre un terme à la course à l’armement nucléaire.
Les Arabes ne songent pas sérieusement à la gestion du conflit à ce niveau. Par contre, les Israéliens se sont lancés dans ce conflit en accordant une importance à tous les détails. Ce sont eux qui ont géré le conflit avec les Arabes selon une conviction de la vitalité et de l’importance de la possession des armes nucléaires qu’ils doivent exclusivement posséder. Ils ont ainsi œuvré à anéantir toute tentative des pays de la région à posséder des armes nucléaires. Et ce, pour trois raisons vitales.
Premièrement, le fait qu’Israël est le seul pays à posséder des armes nucléaires est la seule garantie de la survie de cet Etat. En effet, Israël est conscient qu’il représente un Etat exceptionnel dans l’histoire humaine. Ceci l’oblige à posséder ces armes.
En effet, Israël s’est fondé sur les décombres d’un autre peuple que les Israéliens ont chassé de ses terres et maisons. Grâce à ce statut exceptionnel, ils ont tenu à s’approprier des armes exceptionnelles capables de transformer tout ce qui est exceptionnel en une réalité acceptable et inchangeable.
Quant à la seconde raison qui a poussé Israël à posséder les armes nucléaires, c’est sa conscience de la nécessité d’acquérir une position régionale et internationale nécessaire à l’imposition de son existence exceptionnelle et à la garantie de sa survie lorsqu’il a réalisé l’importance de ces armes en témoignant de l’expérience des Etats-Unis.
La troisième raison est, peut-être, la moins importante. La possession des armes nucléaires a empêché Israël d’entrer dans la course de l’armement mondial et régional, de construire d’énormes armées et de posséder un arsenal militaire aux coûts énormes. Un arsenal qui peut lui coûter des sommes beaucoup plus grandes que celui de la possession d’une bombe atomique, car les armes traditionnelles doivent être modernisées en permanence.
C’est pour ces trois raisons que les Israéliens ont décidé de posséder assez tôt la bombe atomique avant 1956. A cette époque, il n’a pas été facile pour David ben Gourion et Shimon Pérès de construire le réacteur de Dimona à cause des fortes oppositions autour des priorités des dépenses dans un Etat pauvre qui aspire à assurer à ses citoyens un verre de lait et un œuf par jour.
C’est ainsi que la possession de la bombe atomique a été dans un premier temps un objectif vital. Après le succès de sa construction, l’objectif est devenu : comment la protéger d’une éventuelle destruction.
Deux réponses s’imposaient : premièrement, rester les seuls à la posséder et deuxièmement, accréditer une stratégie de guerre préventive pour anéantir toutes éventuelles menaces.
Au début de 1966, le président Nasser avait ouvertement déclaré que si Israël parvenait à fabriquer des armes nucléaires, il incomberait aux pays arabes de lancer une guerre préventive pour anéantir immédiatement tout ce qui permet à Israël de fabriquer une bombe atomique.
Une large polémique s’est déclenchée entre les historiens israéliens autour du rôle joué par le réacteur de Dimona dans la crise qui a précédé la guerre de juin 1967. Bien que Nasser n’ait pas réussi à exécuter ses menaces de détruire le réacteur, la réaction craintive d’Israël a hâté la décision de guerre contre l’Egypte.
C’est ainsi que la protection du programme nucléaire israélien s’est imposée comme étant l’un des motifs de l’agression de juin 1967, qui a été considérée comme une guerre d’autodéfense. Dans cette même perspective, elle a été considérée comme une guerre préventive qui a évolué au temps de l’ex-premier ministre israélien Begin, pour devenir une théorie militaire connue plus tard par le nom de son initiateur même, à savoir la théorie de Begin.
Cette théorie confirme : « Nous ne permettrons pas à nos ennemis de développer contre nous une arme de destruction massive ». C’est d’ailleurs la théorie qui a été utilisée pour justifier l’agression israélienne contre l’Iraq en 1981 qui a ciblé les installations nucléaires iraqiennes. C’est la même théorie qui a obligé Ehud Olmert, ex-premier ministre israélien, en 2007, à donner des instructions à l’armée de l’air pour détruire une installation dans le nord de la Syrie, suspectée d’être un réacteur pour la production du plutonium avec l’assistance de la Corée du Nord.
Avant d’accomplir cette mission, Israël a pris la permission des Etats-Unis, après les avoir convaincus que le projet syrien clandestin menaçait son existence et qu’il fallait à tout prix l’anéantir.
Si Olmert a utilisé la théorie de Begin pour la deuxième fois, Netanyahu se trouve, lui, obligé pour la 4e fois de relever le défi face au programme nucléaire iranien. Un défi qui sera imposé à n’importe quel premier ministre au cas où cette problématique émerge dans n’importe quel pays voisin ou force régionale concurrente.
Netanyahu pourra-t-il agir de même avec l’Iran ?
La réponse déterminera les caractéristiques du conflit régional au Moyen-Orient pour les années à venir. Surtout à la lumière de la difficulté du défi que représente l’Iran depuis qu’il s’est déterminé à posséder un projet nucléaire qu’il a décidé de défendre par tous les moyens pour ne pas répéter la tragédie du programme nucléaire iraqien. Surtout à l’ombre d’un refus américain d’opter pour le choix militaire contre l’Iran pour des raisons militaires, économiques et probablement aussi politiques et à l’ombre d’une incapacité d’Israël d’accomplir à lui seul la mission.
publié par al-Ahram hebdo en français